Trains : « Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation »

Trains : « Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation »

Après la première guerre mondiale, la France possédait l’un des réseaux ferroviaires les plus denses au monde. Près de 70 000 km de lignes sur tout le territoire. Aujourd’hui, un peu moins de 30 000 km de ce puissant maillage subsistent. Pourquoi un tel déclin du rail en France ? Pourquoi de plus en plus de petites lignes ont-elles été fermées ? Comment refaire du train un transport d’avenir, performant et attractif ? Jérôme Chapuis et ses invités ouvrent le débat, pour Un Monde en Docs, sur Public Sénat.
Public Sénat

Par Flora Mansiet

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Lyon-Paris, Paris-Bordeaux. Monter pour redescendre. Prendre un train, puis un bus, puis attendre un autre train. Telle est la réalité de nombreux voyageurs cherchant à se rendre d’un point A à un point B par le rail en France en 2021.

Le déclin d’un service public

Entre 1920 et 2020, près de 40 000 km de lignes ont été détruits sur le sol français : « Le constat est implacable, il y a eu une fermeture très importante de petites lignes qui constituaient le réseau structurant du territoire » commente Gilles Dansart, spécialiste de la question ferroviaire et rédacteur en chef du site Mobilettre.

« Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation »

Depuis 1938, la SNCF détient la quasi-totalité du réseau ferré français. Pour Philippe Tabarot, sénateur LR des Alpes-Maritimes, il y a l’idée, dans la disparition des petites lignes, de l’abandon de certains territoires par les services publics. « De la même manière que la fermeture d’une école ou d’un hôpital, la fermeture d’une gare est un symbole fort » explique-t-il. Ce que confirme Nicolas Debaisieux, directeur général de la coopérative alternative de transport de train Railcoop : « La présence d’une ligne symbolise souvent le rattachement d’un territoire à un autre et même au tout. Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation ».

La faute au « business TGV » ?

Pourquoi l’État a-t-il décidé de ces fermetures de lignes si importantes pour la cohésion du territoire ?

Avec la désertification des campagnes et l’afflux massif de la population dans les grandes villes, la création de nouvelles lignes conçues pour relier rapidement les centres des plus grandes agglomérations françaises a progressivement pris le pas sur l’entretien des voies classiques. Entre 1990 et 2015, 30 des 78 milliards d’euros investis dans les infrastructures ferroviaires l’ont été dans les lignes à grande vitesse soit environ 38 % du total. « Sans aucun doute l’investissement massif dans la grande vitesse a condamné en partie le réseau structurant français » explique François Philizot, préfet, auteur d’un rapport sur les petites lignes.

Pour Gilles Dansart, plus que la part prise par le TGV dans les budgets, c’est « son obsession business » qui pose problème : « L’activité TGV a tendance à raisonner en silo et non en système. Elle ne voit que son chiffre d’affaires et ne prend pas assez en compte les réalités territoriales que ce soit dans ses dessertes ou au niveau de ses horaires mêmes. On est là sur une activité qui n’a plus rien à voir avec un service public » estime le spécialiste.

La nécessité d’une vision globale

« Sans aucun doute l’investissement massif dans la grande vitesse a condamné en partie le réseau structurant français ».

Philippe Tabarot refuse de faire « un procès » à la grande vitesse : « L’idée n’est pas d’opposer grandes lignes et petites lignes, il faut faire vivre les deux ! » Pour redonner un avenir et une légitimité économique et sociale à un héritage ferroviaire de la fin XIXe siècle, il faut reconstruire une offre globale. « Entre un quart et un tiers des personnes prenant le TGV viennent des Transports express régionaux (TER). Cela prouve toute l’importance de raisonner en termes de réseau. Aujourd’hui en France, l’organisation en réseau ne fonctionne plus » insiste Gilles Dansart.

Une vision d’ensemble, c’est aussi ce que demande Nicolas Debaisieux : « Le but c’est que le passager puisse aller d’un point A à un point B de façon fluide et pour ça il faut un véritable maillage territorial. Si vous raisonnez ligne par ligne, vous perdez la raison d’être d’un système ferroviaire. Il faut arrêter de concevoir les choses de façon morcelée par pure logique économique » conclut-il.

Retrouvez en replay le documentaire Voyage à Bessèges ainsi que le débat avec nos invités

Dans la même thématique

Trains : « Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation »
6min

Politique

Agences de l’état : Laurent Marcangeli ne veut pas fixer d’objectif chiffré pour éviter la « formation d’anticorps »

Auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur les agences de l’Etat, Laurent Marcangeli est revenu sur la méthode du gouvernement pour « simplifier » l’écosystème des agences et opérateurs de l’Etat. Les plans ministériels devraient être finalisés à la mi-juin et ce travail pourrait donner lieu à un projet de loi, voire une proposition de loi, a annoncé le ministre de la Fonction publique.

Le

Trains : « Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation »
7min

Politique

Présidence des LR : Laurent Wauquiez cible le « en même temps » de Bruno Retailleau

A 10 jours de l’élection du président des Républicains, Laurent Wauquiez laboure les terres de la droite pour aller chercher une victoire face au favori, Bruno Retailleau. Ce mercredi, dans un restaurant du XVe arrondissement de Paris, le chef de file des députés de droite a présenté sa candidature « de rupture » avec le pouvoir en place. Membre du gouvernement, l’élection de Bruno Retailleau à la tête des LR ferait prendre le risque, selon lui, d’une dilution de la droite dans le macronisme.

Le