Transparence : quelle réponse à apporter à l’affaire de Rugy ?
François de Rugy bientôt blanchi ? C’est ce qui devrait ressortir des enquêtes menées par l’Assemblée nationale et le gouvernement sur les fameux dîners de l’ancien président de la chambre basse et sur les coûts de ses travaux au ministère de l’Écologie. Pourtant, Édouard Philippe envisagerait de clarifier une circulaire sur le bon usage des deniers publics…

Transparence : quelle réponse à apporter à l’affaire de Rugy ?

François de Rugy bientôt blanchi ? C’est ce qui devrait ressortir des enquêtes menées par l’Assemblée nationale et le gouvernement sur les fameux dîners de l’ancien président de la chambre basse et sur les coûts de ses travaux au ministère de l’Écologie. Pourtant, Édouard Philippe envisagerait de clarifier une circulaire sur le bon usage des deniers publics…
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« A priori tout est réglo ». Les conclusions de l’enquête du gouvernement sur le bien-fondé des travaux réalisés dans l’ancien logement de fonction de François de Rugy seront publiées mardi. Mais déjà, une source qui a eu accès au dossier, citée par Le Parisien, révèle que les sommes dépensées pour réaliser les travaux seraient « justifiées ». Demain, l’Assemblée nationale devrait également rendre publiques, les conclusions de son enquête interne sur les dîners agrémentés de homards et de grands vins de l’ancien président de l’Assemblée nationale. Et là encore, selon Le Parisien, l’enquête indiquerait que ces dîners étaient bien « professionnels », comme s’en était défendu, François de Rugy. De quoi autoriser le JDD à poser cette question en une ce week-end : « François de Rugy est-il parti pour trois fois rien ? »

François de Rugy n’a d’ailleurs pas manqué de retweeter les articles annonçant l’absence de faute de sa part dans ces deux affaires, avec le commentaire : « Retour aux faits. Je m’exprimerais le moment venu ».

On notera, par ailleurs, que l’ancien ministre n’a, pour le moment, pas démenti l’accusation la plus grave qui pèse sur lui et révélée par Médiapart mardi dernier, quelques minutes après l’annonce de sa démission. Selon le site d’investigation, l’ex-ministre aurait utilisé en 2013 son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de sa cotisation à Europe Ecologie-Les Verts, son ancien parti. Une utilisation indue, alors que cette enveloppe permet aux députés de régler leurs frais liés à l’exercice de leur mandat. L’ex-député aurait même déduit ces versements du calcul de son impôt sur le revenu 2015, alors que l’IRFM est défiscalisée… (voir notre article). L’utilisation indue de l’IRFM vaut actuellement à 15 parlementaires (sept députés et huit sénateurs, dont deux députés et cinq sénateurs toujours membres du Parlement) d’être visés par des enquêtes préliminaires du Parquet national financier (PNF) suite à un signalement judiciaire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) (voir notre article).

Vers une nouvelle réforme de la transparence ?

À l’instar de l’affaire Cahuzac ou de l’affaire Fillon, l’affaire de Rugy aboutira-t-elle à une nouvelle réforme de la transparence de la vie publique ? Pour mémoire, la fraude fiscale de l’ancien ministre du budget avait conduit notamment à la création du parquet national financier ou encore à l’obligation pour tous les élus et ministres de déclarer leur patrimoine auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). L’affaire Fillon ou « Pénélope » a entraîné la loi pour la confiance dans la vie politique, l’une des premières lois du quinquennat d’Emmanuel Macron, dans laquelle on retrouve l’interdiction des emplois familiaux et l’encadrement de l’IRFM.

« Revoir cette circulaire du 24 mai 2017, c’est admettre qu’il y avait un problème avec François de Rugy »

En ce qui concerne le montant les 63 000 euros de travaux de rénovation de l’hôtel de Roquelaure (l’ancien logement de fonction de François de Rugy), d’après Le Parisien, Édouard Philippe pourrait préciser la circulaire du 24 mai 2017 selon laquelle « il convient de limiter l'usage des deniers publics au strict accomplissement de la mission ministérielle en ne tirant pas profit de ses fonctions pour soi-même ou pour ses proches ». « Une circulaire n’est pas un acte contraignant en soi. Elle permet simplement au gouvernement de déterminer le cadre dans lequel il compte travailler » rappelle la constitutionnaliste, Anne Levade, avant d’ajouter « qu’il ne faut pas oublier le paramètre politique et psychologique » dans ce cas précis. « Revoir cette circulaire, c’est admettre qu’il y avait un problème avec François de Rugy et ça pourrait être contradictoire avec les conclusions de l’enquête diligentée par le gouvernement, qui, à en croire ce qui est sortie dans la presse, blanchit l’ancien ministre. D’une manière générale, je ne suis très réservée sur le principe de faire une réforme suite à un scandale, car cela conduit à se focaliser sur certains éléments en laissant des zones grises ».

« Il subsiste toujours une caisse noire dans laquelle les élus peuvent piocher sans justificatif »

« Les zones grises », c’est ce que déplore Jean-Christophe Picard, le président de l’association anticorruption, Anticor. « La loi sur la confiance dans la vie politique encadre l’avance sur frais de mandat des parlementaires. Mais il subsiste toujours une caisse noire dans laquelle les élus peuvent piocher sans justificatif ». En effet depuis 2018, l’IRFM des sénateurs désormais appelée, « avance de frais de mandat » est passé de 6.109 euros nets mensuels à 5.900 euros avec une part utilisable sans justification de 885 euros. Pour les députés, l’avance de frais de mandats est de 5.373 euros, avec une part utilisable sans justificatif de 600 euros par mois. « Quand j’entends que Laurianne Rossi, la questeure (LREM) de l’Assemblée nationale, qui explique qu’elle n’a pas la possibilité de suivre dans le détail à quoi correspondent les factures, je suis effaré. Comment des personnes en charge de faire la loi, peuvent-ils être dans l’incapacité de contrôler leurs propres dépenses ? Si on n’est pas capable de régler ce genre de problème, ce n’est pas la peine de s’attaquer à la fraude fiscale internationale » s’agace le président d’Anticor.

Doit-on s’inspirer de l’étranger ?

À chaque scandale, c’est comme souvent l’exemple suédois qui convient de citer. Là-bas, « chaque citoyen qui en fait la demande peut obtenir les notes de frais d’un ministre ou d’un parlementaire » rappelle Jean-Christophe Picard. Pour Anne Levade, les règles déontologiques « rentrent dans le domaine culturel » de chaque État. « Au Danemark, par exemple, mis à part le chef du gouvernement, les ministres n’ont pas de voiture de fonction. Il me semble difficile de transposer cette règle du jour au lendemain au risque de désorganiser l’État ». Si la Suède privilégie les sanctions politiques, comme la démission d’un élu ou d’un ministre à la suite d’un scandale, le Royaume-Uni a choisi, en 2015, une procédure de sanction juridique pour les parlementaires, via la mise en place d’un référendum révocatoire dans la circonscription de l’élu fautif : le Recall of MPs Act. La députée britannique Fiona Onasanya, élue en 2017 et condamnée pour excès de vitesse quelques mois plus tard, a été révoquée de la chambre des communes en février dernier. Plus de 10% des électeurs de sa circonscription, avaient signé la pétition de renvoi. L’idée d’un référendum révocatoire des élus avait été avancée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle de 2017, sans préciser s’il s’appliquerait pour des manquements à la probité.

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