Tribune. « Messieurs les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale : défendez le Parlement ! »
Jad Zahab, essayiste, fondateur du Parlement des étudiants publie une lettre ouverte sur le débat sur le plan de déconfinement.  

Tribune. « Messieurs les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale : défendez le Parlement ! »

Jad Zahab, essayiste, fondateur du Parlement des étudiants publie une lettre ouverte sur le débat sur le plan de déconfinement.  
Public Sénat

Par Jad Zahab

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Incontestablement depuis le 17 mars dernier, date à laquelle le Président de la République a annoncé le confinement, le pays vit au ralenti, et avec lui ses deux assemblées parlementaires. 

S’il faut se satisfaire avec soulagement de la continuité de l’État en ces temps inédits, d’aucuns pourraient regretter la relégation du Parlement, qui incarne la Nation et l’intelligence collective, à un simple rang d’enregistrement des volontés du Gouvernement. Ne nous y trompons pas, le domaine de la loi – que votent l’Assemblée nationale et le Sénat- n’est pas celui de la compétence réglementaire dont dispose librement l’exécutif ; la séparation des pouvoirs étant en la matière très rigoureuse.

 

Ne soyons pas non plus « mauvaises langues », il faut saluer le volontarisme des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat – et des personnels des deux assemblées- qui ont permis l’adaptation des règles pour garantir la tenue de la traditionnelle séance des « Questions au Gouvernement », le vote des projets de loi d’urgence économique ou des projets de loi de finances rectificatives…mais le compte n’y est pas. Le Gouvernement décide, le Parlement avalise.

 

La construction du débat sur le « tracing » témoigne du « confinement institutionnel » auquel a été soumis le Parlement depuis 6 semaines. Alors que dans un premier temps aucun vote ni aucune consultation des deux Assemblées n’étaient prévus, le Gouvernement a consenti, dans sa grande mansuétude, à faire voter les parlementaires : un vote consultatif et non-contraignant, ou comment la montagne a accouché d’une souris. Pressé par le pays de préciser les modalités dans lesquelles s’organiserait le déconfinement à compter du 11 mai, et une semaine après qu’il ait pris la parole pour ne faire aucune annonce, le Premier ministre informe les médias samedi 25 avril au soir, que mardi 28 serait le grand jour : le pays exultait (ou presque),  le Parlement, lui, poursuivait sa descente aux oubliettes.

 

Conséquence de cette annonce, en lieu et place du vote initial, l’Assemblée nationale sera consultée uniquement sur le plan de déconfinement (incluant la question du tracing) ; faussant ainsi la sincérité du débat et créant les conditions d’une mésinformation des députés. Qui peut croire que l’on peut valider de manière éclairée un plan aussi majeur que celui du déconfinement (qui va guider le pays dans les mois à venir) seulement quelques heures après l’avoir découvert ?

 

Plus que jamais en temps de crise, notre démocratie ne saurait être réduite au balancier binaire, amorphe et sans âme d’un métronome qui bat la mesure au musicien. Face aux tragédies que vivent les Françaises et les Français, il faut répondre par la vitalité de la démocratie parlementaire et accepter, avec humilité, la capacité du collectif à enrichir les propositions unilatérales. L’union nationale tant invoquée par tous nos dirigeants ne saurait se traduire par la transformation du Parlement en institution consultative : Messieurs les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, vous avez une responsabilité, celle de faire respecter les deux Chambres que vous dirigez, car à travers elles vit la mémoire de ceux qui ont combattu pour les instituer, et la promesse, demain, que jamais en France aucune autorité, aussi légitime qu’elle soit, ne pourra se prévaloir à elle seule du monopole du peuple.

Partager cet article

Dans la même thématique

Tribune. « Messieurs les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale : défendez le Parlement ! »
7min

Politique

Présidentielle : « Pas candidat » pour le moment, Raphaël Glucksmann « trace » son chemin et défend sa « vision pour le pays »

Place Publique a planché depuis neuf mois sur une ébauche de programme, présentée par Raphaël Glucksmann. « Si on aspire à prendre les rênes du pays, c’est fondamental d’avoir une offre politique à gauche, prête à gouverner », lance l’eurodéputé. Mais avant une éventuelle candidature, l’enjeu sera de créer la « dynamique », en revendiquant une ligne « claire ».

Le

SIPA_01217760_000006
7min

Politique

Energie : la proposition de loi Gremillet sème la zizanie entre macronistes et LR

A l’Assemblée nationale, les débats autour de la proposition de loi sénatoriale de programmation énergétique ont vu le « socle commun » se fissurer une nouvelle fois sur les questions environnementales. Un amendement LR adopté grâce aux voix du RN fixe un moratoire sur toute nouvelle installation éolienne et photovoltaïque. Un amendement qui devrait conduire à un rejet du texte mardi, lors du vote solennel, et gêner un peu plus le Premier ministre plus que jamais sous la menace d’une censure.

Le

Tribune. « Messieurs les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale : défendez le Parlement ! »
3min

Politique

Smartphone à l’entrée au collège : le dilemme de cette maman

À l’heure où plusieurs sociétés savantes alertent sur les dangers d’une trop forte exposition des enfants aux écrans, Clémentine Legrand, maman active et parisienne s’interroge sur la pertinence de fournir, au plus jeune de ses enfants, un téléphone pour son entrée au collège. Interrogée dans l’émission Dialogue citoyen, présentée par Quentin Calmet, elle revient sur les risques encourus par les enfants au moment du passage au collège.

Le

Tribune. « Messieurs les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale : défendez le Parlement ! »
4min

Politique

Ministère de l’Intérieur : « Ce qui m’a frappé, c’est le rapport quasiment quotidien à la mort » déclare le dessinateur Mathieu Sapin

Il est toujours dans le décor, un carnet de croquis à la main. Depuis presque 15 ans maintenant, Mathieu Sapin s’est fait une spécialité dans ses ouvrages de nous dévoiler les coulisses du monde politique. Dans son dernier opus A l’intérieur, il embarque avec les forces de l’ordre. Police judiciaire, compagnie républicaine de sécurité, le dessinateur qui se classe à gauche nous dévoile au micro de Rebecca Fitoussi dan l’émission Un monde, un regard les raisons qui l’ont poussées à accepter de franchir les portes du ministère de la place Beauvau, alors dirigé par Gérald Darmanin.

Le