Un rapport du Sénat met en garde contre le « business de la déradicalisation »

Un rapport du Sénat met en garde contre le « business de la déradicalisation »

Les sénatrices EELV Esther Benbassa et LR Catherine Troendlé préconise dans un rapport une meilleure sélection des organismes intervenant pour la déradicalisation. Elles proposent de mettre « l’accent sur l’individualisation » et un « accompagnement sur mesure » pour assurer une meilleure réinsertion.
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Le rapport d’étape dénonçait le « fiasco » des dispositifs de déradicalisation mis en place après les attentats de 2015. Le rapport final des sénatrices EELV Esther Benbassa et LR Catherine Troendlé ne ménage toujours pas la politique de déradicalisation, sans pour autant rejeter l’ensemble des actions menées et décidées après les attentats. « Tout n’est pas négatif » souligne Esther Benbassa, « mais il faut sortir de cette sorte d’excitation » qui existe sur le sujet, fait valoir la sénatrice du Val-de-Marne.

Si les deux sénatrices sont loin d’être du même bord politique, elles ont travaillé en bonne entente pour ce rapport. « C’est un dossier qui nous a fait dépasser les clivages car l’intérêt est majeur » explique Catherine Troendlé.

« Un marché très juteux »

Dans leur rapport, les sénatrices formulent dix propositions. Principale mesure : « Définir au niveau national un « cahier des charges » pour la sélection des organismes œuvrant en matière de prévention de la radicalisation, systématiser l’évaluation du contenu des programmes financés et réduire progressivement leur nombre, de sorte à opter pour la qualité plutôt que la quantité ». Il s’agit de mieux sélectionner ces organismes. Selon le rapport, la formation des acteurs publics devrait être approfondie « sur la base des recherches universitaires ».

La sénatrice EELV pointe « un business de la déradicalisation qui se transforme maintenant en business de la formation à la déradicalisation. Ce sont maintenant des cabinets privés » qui remplacent parfois les associations, souligne la sénatrice (voir la première vidéo, images Heloise Gregoire). Certaines associations on profité de la manne financière. Les plus faibles sont de 800 euros. Mais avec des subventions pouvant atteindre les 100.000, 200.000 euros, voire 438.120 euros pour la plus élevée, le rapport appelle à faire autrement. « C’est un marché très juteux » souligne Esther Benbassa. L’ensemble des aides, en baisse entre 2015 et 2016, représente autour de 8 millions d’euros. « Il faut recruter des associations plus sur le qualitatif que le quantitatif » insiste Catherine Troendlé (voir ci-dessous). Suite à leur rapport d’étape, les deux sénatrices ont « subi des pressions » venant d’associations, ajoute la sénatrice du Haut-Rhin.

Déradicalisation : « Il faut recruter des associations plus sur le qualitatif que le quantitatif » selon Catherine Troendlé (LR)
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« Développer le recours aux alternatives à l’incarcération » pour les mineurs

Troisième proposition du rapport : « Mettre fin à l’expérimentation du centre de prévention, d’insertion et de citoyenneté (CPIC) » de Pontourny et « renoncer à sa généralisation ». Dans leur rapport d’étape, les sénatrices avaient déjà dénoncé l’échec du centre, qui était alors vide. Les sénatrices estiment avoir déjà été entendu en partie, un moratoire étant en place pour ce centre.

Le rapport préconise aussi de mettre « l’accent sur l’individualisation, l’accompagnement sur mesure et la transversalité de la prise en charge ». Il s’agit d’assurer une meilleure resocialisation et réinsertion. Esther Benbassa s’appuie sur l’exemple de la Belgique et du Danemark, où « ils pratiquent plutôt un accompagnement individuel ».

Pour les mineurs mis en examen dans le cadre de procédures terroristes et placés sous contrôle judiciaire, les sénatrices écologiste et LR préconisent de « développer le recours aux alternatives à l’incarcération ». Elles proposent de renforcer les moyens financiers et les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse. Autre préconisation : étendre la durée maximale du placement en centre éducatif fermé prononcé dans le cadre d’un contrôle judicaire pour les mineurs mis en examen dans le cadre de procédures terroristes. Enfin, le rapport propose la mise en place de dispositifs « de prise en charge familiale pour les femmes et les mineurs de retour de la zone syro-irakienne ». « C’est un phénomène nouveau qui va monter en puissance » souligne Catherine Troendlé.

Avec Esther Benbassa, elle rencontrera le ministre de l’Intérieur : « Je pense qu’il y a une écoute du nouveau gouvernement. M. Collomb va nous recevoir très prochainement ». Démarche longue est difficile, la déradicalisation mérite cependant du temps. Catherine Troendlé le sait bien : « Il faut rester très humble et très modeste ».

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