« Une boucherie » : exaltation au Sénat, après la censure de la loi Avia
L’essentiel de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet n’a pas franchi l’étape du Conseil constitutionnel. Saisis par des sénateurs, les Sages ont censuré de larges pans du texte, estimant que les atteintes à l'exercice de la liberté d'expression n’étaient pas « nécessaires, adaptées et proportionnées ». Peu surpris par la décision, les sénateurs applaudissent.

« Une boucherie » : exaltation au Sénat, après la censure de la loi Avia

L’essentiel de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet n’a pas franchi l’étape du Conseil constitutionnel. Saisis par des sénateurs, les Sages ont censuré de larges pans du texte, estimant que les atteintes à l'exercice de la liberté d'expression n’étaient pas « nécessaires, adaptées et proportionnées ». Peu surpris par la décision, les sénateurs applaudissent.
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C’est une « non-conformité partielle », mais c’est comme s’il ne restait plus rien à l’intérieur du texte. Le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par des sénateurs, a rendu sa décision sur la loi Avia, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Plusieurs articles ont été déclarés contraires à la Constitution, dont le cœur du réacteur de la proposition de loi, adoptée en lecture définitive à l’Assemblée nationale le 13 mai.

L’article 1 de la proposition de loi portée par la députée (La République en marche), Laetitia Avia, contre laquelle le Sénat avait bataillé, a été vidé de sa substance par les Sages. Le Conseil constitutionnel a estimé que certaines dispositions pouvaient « inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu'ils soient ou non manifestement illicites ». Il a notamment qualifié de « particulièrement bref » le délai de 24 heures imposé à certains opérateurs, sous peine de lourdes sanctions pénales, pour « retirer ou rendre inaccessibles des contenus manifestement illicites en raison de leur caractère haineux ou sexuel ».

En clair, le Conseil constitutionnel considère que « le législateur a porté à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi ». Au Sénat, où plus d’une soixantaine de parlementaires de droite et du centre avaient saisi le Conseil pour qu’il se prononce, les réactions oscillent entre la satisfaction d’avoir eu raison, le soulagement, ou même les rires.

« Du travail d’amateurs » : Philippe Dallier ne digère pas l’attitude de la majorité présidentielle

« Il n’y a quasiment que le titre qui est constitutionnel », résume sur Twitter Bruno Retailleau, le président du groupe LR, à l’origine de la saisine, auquel se sont joints des centristes. « La censure ne sera pas confiée aux GAFAM. Tous ceux qui sont attachés à la liberté devraient s’en réjouir », applaudit le sénateur vendéen, qui évoque un « véritable camouflet » infligé par le Conseil constitutionnel au gouvernement. « La liberté de penser a gagné sur le prêt à penser », selon lui.

Pour le premier vice-président LR du Sénat, Philippe Dallier, cette loi sur laquelle l’Assemblée nationale a eu le dernier mot est la conséquence d’un « travail d’amateurs ». « Si ces gens avaient écouté des juristes éminents et la commission des Lois du Sénat, on n’en serait pas arrivés à ces extrémités. Ils auraient mieux fait d’écouter des parlementaires d’expérience ». « C’était attendu », commente-t-il, regrettant « un temps perdu pour rien ».

« Le Sénat avait prévenu ! On fait trop souvent de mauvaises lois avec de bonnes intentions ! Les plateformes ne doivent pas censurer la liberté d’expression. Sage décision du Conseil constitutionnel ! » a renchéri le président de la commission des Lois, Philippe Bas (LR). « Pas étonnant », estime aussi Catherine Morin-Desailly, présidente (Union centriste) de la commission de la Culture et de l’Education, rapporteure pour avis sur ce texte.

« Eh oui, il faudrait écouter le Sénat ! Censure partielle mais conséquente », jubile également la sénatrice centriste Nathalie Goulet, osant le jeu de mots « la pelle du 18 juin ». « Le gouvernement a voulu absolument aller droit dans ce qu’il voulait faire, à l’encontre d’une liberté d’expression qui était menacée », se remémore quant à elle la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio.

Loi Avia : « Le gouvernement voulait aller à l'encontre d'une à l’encontre d’une liberté d’expression » (Jacqueline Eustache-Brinio)
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« Y a plus de loi Avia… Pas faute d’avoir prévenu »

« Elle n’aura pas réussi à censurer la Toile, c’est quasiment impossible. C’est encore de la cosmétique et je préfère que le Conseil constitutionnel l’ait retoquée : je me dis qu’on est encore dans un pays démocratique », se réjouit également l’écologiste Esther Benbassa.

Également membre de la commission des Lois du Sénat, la socialiste Marie-Pierre de La Gontrie a elle aussi rappelé les mises en garde du Sénat sur ce texte. « En un mot ? C’est une boucherie ! Y a plus de loi Avia… Pas faute d’avoir prévenu. »

 

 

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