Une loi santé entre urgence et ordonnances

Une loi santé entre urgence et ordonnances

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a présenté mercredi un projet de loi qui doit être adopté d'ici l'été pour réformer en...
Public Sénat

Par Gabriel BOUROVITCH, Aurélie CARABIN

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a présenté mercredi un projet de loi qui doit être adopté d'ici l'été pour réformer en priorité les études de santé et la carte hospitalière mais dont le contenu sera en grande partie précisé par décrets et ordonnances, ce qui inquiète certains médecins et élus locaux.

Arrivé en Conseil des ministres, ce texte "n'est qu'une brique de la transformation globale du système de santé" promise il y a un an jour pour jour par le Premier ministre Edouard Philippe, a souligné Agnès Buzyn lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

De fait, il traduit une partie des mesures du plan "Ma Santé 2022", détaillées en septembre par Emmanuel Macron, dont l'emblématique suppression du "numerus clausus" et du redoutable concours de fin de première année d'études de santé.

Un carcan censé disparaître à la rentrée 2020, ce qui permettra d'"augmenter de 20% à peu près le nombre de médecins formés", selon la ministre. En 2018, le quota était fixé à 8.205 places.

Mais le temps est compté : il faut que la loi soit votée avant la rentrée de septembre, pour que les futurs élèves de terminale puissent s'informer via Parcoursup dès l'automne.

Engagé dans une course contre la montre, le gouvernement n'a pas encore précisé comment seront choisis les futurs soignants. "Il y aura toujours une forme de sélection à la fin de la première année", a prévenu Frédérique Vidal.

La ministre de l'Enseignement supérieur a initié mardi à Reims un cycle de "concertations délocalisées" visant notamment à "préciser les critères de cette sélection", qui ne reposera plus "uniquement sur des batteries de QCM" mais inclura aussi un oral d'admission pour apprécier la "capacité d'empathie".

Rien ne dit toutefois que les députés auront toutes les cartes en main lorsque le texte arrivera en commission des affaires sociales à partir du 12 mars, avant une discussion en séance sans doute la semaine suivante.

- Ordonnances à la carte -

Ce projet de loi est aussi l'occasion pour l'exécutif de réviser en profondeur la carte hospitalière. D'une part en redéfinissant les missions des hôpitaux de proximité, qui seront recentrés sur la médecine générale, la gériatrie et la rééducation, avec un peu de radiologie et de biologie, mais sans chirurgie ni maternité.

Sur les quelque 3.000 hôpitaux et cliniques existants, 500 à 600 doivent recevoir ce label d'ici 2022, le gouvernement souhaitant "réinvestir" sur les petits établissements locaux "en grande difficulté d'attractivité", selon Mme Buzyn.

D'autre part, les règles d'autorisation de certaines activités (chirurgie, maternité, urgences...) et équipements comme les IRM seront modifiées "dans une logique de gradation des soins".

Ces deux sujets feront l'objet d'ordonnances, tout comme d'autres dossier complexes comme la "recertification des compétences des médecins" ou la création d'un "statut unique de praticien hospitalier".

Un procédé qui laissera 12 à 18 mois supplémentaires pour "aller plus loin dans la concertation", a assuré le député LREM Thomas Mesnier, rapporteur du projet de loi, lors d'un débat organisé par l'Ordre des médecins mardi.

"Ce débat ne doit pas avoir lieu dans l'enceinte du Parlement entre 577 personnes qui portent l'échappe tricolore (mais) entre les instances dirigeantes de notre pays et les acteurs du territoire", a renchéri son collègue Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée.

Lesdits acteurs restent pour l'heure sur leur faim : les associations d'élus locaux (AMF, ADF, Régions de France) et la fédération des hôpitaux publics (FHF) ont déploré dimanche "une concertation insuffisante en amont", le président de l'Ordre des médecins, Patrick Bouet, espérant quant à lui "faire évoluer certaines imprécisions" au Parlement.

"Les ordonnances ont souvent été le moyen de prendre des décisions autoritaires", a rappelé mercredi le premier syndicat de médecins libéraux, la CSMF, "sur ses gardes", le SML ayant de son côté dénoncé "la tentation dirigiste du gouvernement".

Dans l'opposition, le groupe LR a fustigé un texte ne "répond(ant) en rien aux grands défis" du système de santé.

"Nous héritons de décennies de mauvaises décisions", a rétorqué Agnès Buzyn en visant les "gouvernements de gauche comme de droite".

Dans la même thématique

Blois: Olivier Faure arrives at PS summer universities
7min

Politique

Après la nomination de Michel Barnier, les secousses continuent au PS

Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.

Le

Paris : Michel Barnier a l hopital Necker
12min

Politique

Quels ministres au gouvernement ? Michel Barnier face au « casse-tête » des nominations

Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.

Le

14th day of action against pension reform
5min

Politique

Réforme des retraites : face aux demandes d’abrogation, Michel Barnier joue la carte de l’« amélioration »

Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.

Le

Paris: Passation Gabriel Attal et nouveau Premier Ministre Michel Barnier
4min

Politique

Après une journée de flottement, Michel Barnier finalement présent aux journées parlementaires d’Horizons et d’Ensemble pour la République

Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.

Le