Une « mise sous surveillance » du Ceta qui ne convainc pas les ONG
Le gouvernement a présenté son plan d’action visant à encadrer la mise en œuvre du traité signé entre le Canada et l’Union européenne. Les opposants au Ceta pointent des mesures « insuffisantes », que la France ne pourra pas imposer unilatéralement.

Une « mise sous surveillance » du Ceta qui ne convainc pas les ONG

Le gouvernement a présenté son plan d’action visant à encadrer la mise en œuvre du traité signé entre le Canada et l’Union européenne. Les opposants au Ceta pointent des mesures « insuffisantes », que la France ne pourra pas imposer unilatéralement.
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Le gouvernement cherche à rassurer et à prendre en compte « certaines critiques » sur le Ceta, ce traité de libre-échange conclu entre l’Union européenne et le Canada, entré en vigueur partiellement le 21 septembre. Les articles de cet accord, qui relèvent de la compétence de l’Union européenne, sont déjà mis en œuvre, après la signature par les États membres en 2016 et l’adoption au Parlement européen en février dernier. Reste la ratification devant chaque parlement national pour que le Ceta entre pleinement en application.

Bercy défend l’ouverture de « débouchés » et le renforcement de la compétitivité française au Canada, avec l’abaissement des barrières douanières. Mais plusieurs ONG reprochent au Ceta, de ne pas prendre en compte la dimension environnementale et sanitaire (relire notre article). Le secteur agricole craint quant à lui une concurrence déloyale et une déstabilisation du marché par les produits canadiens.

Les suites d'un rapport d’évaluation

Le Ceta inquiète, une commission d’évaluation indépendante a d’ailleurs conclu que le traité soulevait plusieurs « risques » dans un rapport remis au Premier ministre en septembre, à la demande d’Emmanuel Macron, qui en avait fait une promesse de campagne le 1er mai.

Alors que la ratification du Ceta sera soumise au Parlement français probablement à l’automne 2018, le gouvernement a livré ce mercredi son plan sur l’application du Ceta. « Ce plan d’action manifeste notre volonté de répondre très concrètement aux points d’attention soulevés par le comité d’experts », a déclaré Jean-Yves Le Drian, qui souhaite « une mise en œuvre exemplaire du Ceta ».

Nicolas Hulot veut des garanties environnementales

Le premier des ministres à détailler le plan d’action est Nicolas Hulot, qui n’a jamais caché ses inquiétudes sur le traité. Faire en sorte que l’accord de Paris sur le climat ne pâtisse pas des conséquences du Ceta est la première des priorités affichées. Le ministre annonce vouloir instaurer « une forme de veto climatique », qui empêchera « nos engagements climatiques » d’être « attaqués par un investisseur » dans le cadre d’un tribunal d’arbitrage.

Nicolas Hulot propose également qu’au niveau européen les énergies fossiles non conventionnelles (comme le gaz de schiste nord-américain) soient davantage « pénalisées » et que les produits canadiens importés soient soumis « aux mêmes exigences de réduction des émissions de CO2 » qu’au niveau européen.

Rappelant que le Canada est lui aussi engagé dans l’accord de Paris « au même titre que nous », Nicolas Hulot annonce de futures rencontres entre la France et le Canada, mais également ses partenaires européens.

Agriculture : des contrôles sur les normes sanitaires et les prix

Sur le volet agricole, le ministre de l’Agriculture considère que producteurs européens et canadiens doivent « pouvoir se battre à armes égales ». Stéphane Travert estime que la « sécurité sanitaire » des produits importés devra passer par des « contrôles effectifs » sur le respect des « normes nationales et européennes, mais aussi par un « étiquetage plus précis » des produits.

Stéphane Travert s’adresse également aux filières qui seront les plus concernées par le Ceta : il annonce un « suivi continu » des volumes importés et de « l’impact » sur les prix. « La France peut défendre ses intérêts économiques sans céder aux sirènes du protectionnisme », ajoute son collègue de l’Économie Bruno Le Maire, pour qui « il n’y a pas de commerce possible sans respect des règles de réciprocité ».

« Trop timide sur certains sujets »

Comment le plan d’action a-t-il été accueilli ? Matthieu Orphelin fait partie des 18 députés LREM à avoir adressé la semaine dernière au Premier ministre une trentaine de recommandations pour encadrer le Ceta en France. Dans un communiqué, cet ancien porte-parole de la fondation Hulot affirme se retrouver dans ce plan du gouvernement, qui devrait rendre les « effets négatifs » du Ceta « les plus réduits possible ».

Mais le député du Maine-et-Loire précise juge le plan « trop timide sur certains sujets », comme sur les OGM, et note enfin que la « volonté » du gouvernement dépendra de l’adhésion des autres partenaires européens et du Canada.

Pourfendeur du traité Ceta avant son entrée au gouvernement, Nicolas Hulot affiche la même réserve. « Je ne vais pas passer d’une inquiétude à une euphorie », déclare-t-il.

Prudence de Nicolas Hulot sur le Ceta : « Ce dispositif est aussi conditionné par la coopération que nous souhaitons avec la Commission »
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« Vous avez remarqué que je parle avec une certaine prudence », déclare Nicolas Hulot

« Des mesures insuffisantes »

Le plan d’action présenté ce mercredi n’a pas non plus levé les craintes des opposants de longue date au Ceta.

« Je note les avancées mais je ne crois pas cela peut aller dans le bon sens », nous répond Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis. « Comment faire confiance à un traité établi dans le plus grand des secrets, qui va bouleverser nos normes ? Comment penser qu’en instaurant quelques garde-fous, nous allons aller vers le progrès humain ? »

Même « Nous sommes très déçus », a réagi Foodwatch, une association internationale de défense des consommateurs. Jointe par PublicSenat.fr, la directrice générale de Foodwatch France, Karine Jacquemart, considère que le plan « n’est pas du tout à la hauteur des enjeux », notamment sur l’avenir des normes sanitaires et alimentaires, et que des « mesures de suivi » a posteriori sont « insuffisantes ».

Pour elle, ces actions ne remettront pas en cause la « substance de l’accord ». « Comment garantir que le forum de coopération réglementaire [l’organe qui travaillera sur l’harmonisation des normes européennes et canadiennes] n’aura pas d’influence négative, avec une harmonisation vers le bas ou que les nouvelles législations ne sont pas paralysées ? Le gouvernement ne peut pas le garantir. »

Le Ceta marquera un « précédent »

Autre think tank préoccupé par les conséquences du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada, l’institut Veblen note que les propositions restent encore « imprécises » et que le gouvernement ne propose rien de « concret » à mettre en œuvre en dehors du cadre européen.

Les ONG sont d’autant plus inquiètes qu’elles estiment que le Ceta servira d’exemple et marquera un « précédent » dans les futures négociations de traités commerciaux entre l’Union européenne et d’autres espaces économiques.

C’est justement l’autre point du plan d’action : « tirer immédiatement les leçons du Ceta » dans l’optique des autres traités transnationaux en cours d’examen (comme avec le marché commun d’Amérique du Sud, ou avec le Japon), selon Nicolas Hulot. « Il faut s’assurer qu’une référence transversale à l’accord de Paris et que le principe de précaution figure dans les accords », énonce Nicolas Hulot.

Il ajoute qu’il faudra également « faire en sorte qu’aucun accord commercial ne puisse être conclu sans que les chapitres consacrés au développement durable ne soient contraignants ».

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