« Censure préalable » d’une enquête de Médiapart : une proposition de loi du Sénat pour protéger la presse

« Censure préalable » d’une enquête de Médiapart : une proposition de loi du Sénat pour protéger la presse

La sénatrice centriste Nathalie Goulet a réagi à la « censure préalable » d’une enquête de Médiapart sur le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau en déposant le 21 novembre 2022 une proposition de loi afin d’empêcher une entreprise de presse d’être censurée sans procédure contradictoire. 
Public Sénat

Par Stéphane Duguet avec François Vignal

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C’est une proposition de loi déposée du tac au tac. Nathalie Goulet, la sénatrice de l’Orne, s’est saisie de son droit d’initiative parlementaire le 21 novembre 2022 pour réagir à la censure dont se dit victime le journal d’investigation Médiapart qui s’apprêtait à publier un nouveau volet de son enquête sur le maire Les Républicains de Saint-Etienne, Gaël Perdriau. Elle souhaite empêcher les entreprises de presse d’être visées par la procédure d’ordonnance sur requête prévue par le code de procédure civile et invoquée contre le média.

En effet, par la voix de son directeur de la publication Edwy Plenel, Médiapart affirme être victime d’une « censure préalable sans précédent [dans l’histoire de la presse] » de la part du tribunal judiciaire de Paris. Ce dernier a remis au siège du journal, vendredi 18 novembre, une ordonnance sur requête l’interdisant de publier de nouveaux articles concernant Gaël Perdriau, accusé dans de précédentes enquêtes d’avoir fait chanter son premier adjoint centriste, Gilles Artigues avec une vidéo intime.

Le tribunal prévient que chaque extrait des enregistrements utilisés par le journal comme source dans cette investigation seront punis de 10 000 euros par extraits diffusés.

« Bâillonner la liberté de la presse »

L’ordonnance sur requête prise par Stéphane Noël, le président du tribunal judiciaire de Paris, est « assez classique » mais « totalement inédite en affaire de presse », dénonce la sénatrice de l’Union centriste, Nathalie Goulet qui a pris connaissance sur le réseau social Twitter de l’affaire. Ce qui la choque dans cette procédure, rejoignant les indignations des journalistes de la rédaction de Médiapart, c’est que la décision a été prise sans audience, dans le huis clos du bureau du président du tribunal : « Bâillonner la liberté de la presse avec une décision non contradictoire m’a semblé invraisemblable en tant qu’avocate », explique-t-elle. Son collègue centriste et président de la commission de la culture au Sénat Laurent Lafon est du même avis. Selon lui, cette ordonnance prise contre le média « remet en cause une des libertés fondamentales, la liberté de la presse ».

Ainsi, la proposition de loi de la sénatrice de l’Union centriste, soutenue par le président de la commission de la culture, tient en un article unique. Il vise à rajouter à l’article 5 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse cette phrase : « Une publication ne peut être interdite qu’en l’application d’une décision judiciaire rendue contradictoirement ». Pour Laurent Lafon, « il était important de réagir rapidement et de dire notre soutien à la presse ».

De leur côté, les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE) ont également réagi dans un communiqué : « Chaque parcelle de cette décision va manifestement à l’encontre des droits fondamentaux et ouvre la voie à une nouvelle condamnation de la France par la Cour européenne des Droits de l’homme. »

Plusieurs parlementaires à l’Assemblée nationale avaient aussi réagi sur Twitter. Le député socialiste, Boris Vallaud, demandait, par exemple, une révision du Code civil pour empêcher cette pratique utilisée contre la presse.

Condamnation de 30 sociétés des journalistes

Dans le détail, Médiapart explique que cette ordonnance sur requête se base sur l’article 493 et 875 du code de procédure civile permettant la signature d’une ordonnance par le président du tribunal judiciaire. En la signant contre le média, Stéphane Noël a donc accédé à la requête de Maître Christophe Ingrain, l’avocat de Gaël Perdriau. Ce dernier estimait que les enregistrements utilisés comme preuves par Médiapart constituaient une atteinte à la vie privée de son client. En réponse, le journal dénonce le fait qu’aucune procédure judiciaire n’avait été engagée par le maire de Saint-Etienne dès les premières publications, au mois de septembre.

 

D’autres acteurs se sont mobilisés pour dénoncer une atteinte à la liberté de la presse. Une trentaine de sociétés de journalistes de rédactions françaises, dont celle de Public Sénat, ainsi que des associations comme Reporters Sans Frontières (RSF) ont indiqué dans une tribune que cet « acte liberticide » les « inquiète profondément quant à la situation de la liberté de la presse en France ». Médiapart a mandaté son avocat pour suspendre cette ordonnance et publier leur enquête dont le contenu documente « le recours à la rumeur », selon les termes d’Edwy Plenel, utilisé par Gaël Perdriau contre Laurent Wauquiez, président Les Républicains de la région Auvergne Rhône-Alpes.

 

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