Urgences : la crise partie pour durer tout l’été

Urgences : la crise partie pour durer tout l’été

La ministre de la Santé a reçu un accueil mouvementé, vendredi, lors d’une visite dans un hôpital de La Rochelle. Malgré le déblocage d’une enveloppe de 70 millions d’euros pour soutenir les personnels soignants, le collectif inter-urgences annonce aujourd’hui plus de 200 établissements en grève.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

De 62 services d’urgences en grève le 20 mai dernier, ils seraient 205 aujourd’hui sur les 524 services publics que compte le réseau hospitalier français, a indiqué le collectif inter-urgences à Public Sénat. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn a pu se rendre compte elle-même de l’état d’exaspération du personnel urgentiste, vendredi, lors d’une visite à l’hôpital Saint-Louis de La Rochelle. Accueillie par plus d’une centaine de manifestants, aux slogans : « Des moyens pour l’hôpital ! », « L’hôpital n’est pas à vendre ! », « Hôpital en colère ». La ministre a dû être exfiltrée de l’établissement au terme de deux heures de visite.

Début juin, Agnès Buzyn avait créé la polémique. Interrogée sur France Inter sur la grève d’une dizaine d'urgentistes de l'hôpital Lariboisière à Paris, qui avaient cessé le travail pour cause d’arrêt maladie, la ministre avait répondu : « La règle, c'est que quand on travaille dans le monde médical, on met un brassard mais on vient, pour ne pas mettre en danger la vie d'autrui » (…) » Ce n'est pas bien, ça entraîne une surcharge de travail pour les autres. En réalité, en faisant cela, on accroît la fatigue des autres » avait-elle ajouté.

70 millions : « Bien peu pour répondre à la crise majeure »

Quelques jours plus tard, la ministre avait finalement consenti à débloquer 70 millions d’euros pour financer des « premières mesures de soutien » en faveur de ces personnels. Une goutte d’eau pour le collectif inter-urgences. « Une enveloppe de 70 millions d’euros représente 0,08% du budget global (82 milliards d’euros), ce qui parait bien peu pour répondre à la crise majeure que traversent les services d’urgences » avait-il répondu le 17 juin dernier avant de rappeler leurs revendications : « Zéro hospitalisation brancards », « 10 000 emplois supplémentaires » et « 300 euros d’augmentation de salaire », contre 100 euros net de prime de risque pour les personnels (hors médecins) annoncée par Agnès Buzyn.

« Agnès Buzyn poursuit, et même amplifie, une politique qui échoue depuis 30 ans »

« La ministre récolte ce qu’elle sème » commente la sénatrice communiste, Laurence Cohen. « Elle n’écoute pas les professionnels de santé qui font face à un manque de personnels et de matériels. Agnès Buzyn poursuit, et même amplifie, une politique qui échoue depuis 30 ans, celle de la restriction de budget ». En mai dernier, les sénateurs du groupe communiste avaient présenté leur propre « loi santé ». Ils préconisaient, notamment, le recrutement de 100.000 emplois dans l’hôpital, et autant dans les EHPAD. Avec, pour cela, deux sources de financement identifiées : la fin des réductions de cotisations patronales (qui ont pris la suite du CICE) et des allègements de cotisations sociales sur les bas salaires (voir notre article).

Le PLFSS attendu avec impatience

Le mouvement de grève des urgentistes est donc parti pour durer tout l’été. « Un rassemblement est d’ailleurs prévu prochainement afin de montrer notre détermination à rester actifs durant la période estivale et ça sera également l’occasion de donner la parole aux usagers qui souffrent également de la situation aux urgences » indique le collectif inter-urgences.

Dans le même temps, le Sénat devrait voter, mardi, le projet de loi Santé, dont le texte est issu d’un compromis entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire. « Le projet de loi Santé n’est pas une mauvaise loi. Elle organise mieux l’activité des professionnels de santé sur le terrain. Mais le sujet des urgences, c’est autre chose. C’est le sujet de la médecine de ville, c’est le sujet de la formation des médecins et des infirmiers. Et sur ce sujet, j’attends avec impatience le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) à l’automne. Il faudrait 2 à 3 milliards de plus pour répondre à la crise » évalue le président de la commission des affaires sociales et rapporteur LR du texte, Alain Milon.

Effectivement, dans le texte du projet de loi Santé, les services d’urgences ne sont pratiquement pas évoqués. Pour désengorger ces services, le texte prévoit, toutefois, une plus grande complémentarité entre les hôpitaux de proximité et les médecins libéraux dans les villes. Plusieurs sénateurs de tous bords avaient tenté, sans succès, d’inscrire dans la loi, la présence obligatoire de services d’urgences et de petite chirurgie dans les hôpitaux de proximité.

 

Dans la même thématique

Enfants et ecrans
4min

Société

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».

Le

A national gendarmerie van entering the Paris courthouse
7min

Société

Meurtre de Matisse à Châteauroux : qu’est-ce que l’excuse de minorité, que le gouvernement souhaite réformer ?

Alors que de multiples faits divers concernant des mineurs font l’actualité ces dernières semaines, le dernier en date, le meurtre de Matisse, 15 ans, poignardé à mort, samedi dernier à Châteauroux, par un mineur afghan âgé lui aussi de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire, cinq jours avant le meurtre, Gabriel Attal a annoncé, le 18 avril dernier, souhaiter « ouvrir le débat » sur l’excuse de minorité. Mais au fait, à quoi fait référence cette qualification pénale, qui revient régulièrement dans les discussions ?

Le

Photo IVG
3min

Société

Accès à l’IVG en France, la course d’obstacles

Le 4 mars 2024, le Parlement adopte définitivement l'IVG dans la Constitution. Après les députés, les sénateurs ont voté en faveur de l’inscription de « la liberté des femmes de recourir à une interruption volontaire de grossesse » dans la loi fondamentale. Un « jour historique », selon le gouvernement, mais qu'en est-il concrètement de l'accès à l'IVG sur le territoire ? Derrière les célébrations, sous les ors du Congrès à Versailles, se cache une réalité plus sombre. Public Sénat est allé enquêter sur le terrain à la rencontre de ces femmes en quête d’une IVG.

Le