Vaccin : « Il n’y a pas de solution miracle en dehors de l’Europe », maintient Clément Beaune

Vaccin : « Il n’y a pas de solution miracle en dehors de l’Europe », maintient Clément Beaune

Devant le Sénat, le secrétaire d’État chargé des Affaires européennes a défendu le cadre européen dans la stratégie vaccinale contre le covid-19, à un moment où certains Etats membres lorgnent vers la Russie ou la Chine pour sécuriser leur approvisionnement en flacons.
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« Je vais vous mettre la pression, parce que je crois que vous avez un devoir de moyens et un devoir de résultats. » C’était la dernière phrase prononcée dans l’hémicycle du Sénat ce 23 mars au Sénat, peu avant minuit, au terme du débat préalable à la réunion du Conseil européen. Sans animosité aucune, la conclusion du président de la commission des affaires européennes Jean-François Rapin (LR), adressée au gouvernement, concernait ce qui sera au sommet de l’ordre du jour du sommet européen des 25 et 26 mars : la campagne vaccinale contre le covid-19. Cet enjeu, essentiel pour sortir le continent de la pandémie, s’est taillé une place importante dans les débats.

Face aux retards de l’un des fournisseurs en vaccins, AstraZeneca, certains Etats membres de l’Union européenne sont tentés de sortir du cadre d’achat européen, pour procéder à des signatures de contrats complémentaires. Certains ont déjà franchi le pas. La Hongrie a commencé à administrer à ses habitants le vaccin russe Spoutnik V, sans attendre l’avis de l’Agence européenne du médicament. Et elle vient d’approuver un second vaccin chinois. La Slovaquie a, elle, commandé deux millions de doses à la Russie, faisant vaciller sa coalition gouvernementale.

« L’Europe ne peut accepter de plus grands retards de vaccination », s’impatiente le président de la commission des affaires étrangères

Lors de son intervention, le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes a insisté sur la nécessité de préserver une coordination et une unité européennes dans l’approvisionnement en vaccins. « Il est essentiel de maintenir le cadre européen d’acquisition des doses de vaccins, qui n’est pas aujourd’hui notre problème mais plutôt notre solution à l’apport accéléré de doses », a expliqué Clément Beaune, devant les sénateurs. Pour lui, « il n’y a pas de solution miracle en dehors de l’Europe avec des vaccins russes ou chinois qui nous sauveraient ». Et d’ajouter : « Je ne suis pas sûr qu’on sortira gagnant » d’une « guerre des doses de vaccins entre pays européens. »

Le président de la commission des affaires étrangères du Sénat, Christian Cambon, a appelé à faire preuve de fermeté s’agissant du respect des contrats conclus avec les laboratoires. « L’Europe ne peut accepter de plus grands retards de vaccination. Monsieur le ministre, il en va de la crédibilité des institutions européennes. Elles ont là l’occasion de montrer le visage d’une Europe qui protège, et non pas celui d’une Europe qui échoue. »

« Crainte d’une nouvelle fracture » à l’est de l’Europe

Beaucoup de sénateurs se sont émus de ces initiatives parallèles aux commandes groupées européennes. « Il ne faudrait pas que les choix nationaux faits à l’est de l’Europe nous ramènent en arrière en posant une nouvelle fracture », s’est alarmée la sénatrice (RDSE) Véronique Guillotin. Opposé à ces « logiques du marché à l’œuvre », le communiste Pierre Laurent a noté « que le Royaume-Uni avait bénéficié de huit millions de doses de vaccin produites dans les Pays-Bas, mais qu’aucune dose n’avait fait le chemin inverse. » Quant à l’écologiste Jacques Fernique, il a jugé l’évolution observée à l’est « délétère ». « Permettez-nous de nous étonner de cette démarche », s’est également ému le centriste Claude Kern, affirmant que l’Allemagne et la Pologne étaient elles aussi engagées sur la voie d’approvisionnements solitaires. « L’Allemagne n’a pas signé de contrat supplémentaire », a répondu Clément Beaune. Quant à la Pologne, même si elle est « en contact » avec la Chine, selon le secrétaire d’Etat, elle n’a pas procédé à de commandes.

A ce stade, cette cacophonie signe déjà un « échec » selon le sénateur LR André Reichardt. « Pour maintenir l’unité politique de ses membres, l’Union européenne doit faire la preuve de sa plus-value, obtenir des résultats que les Etats n’auraient pas pu atteindre en agissant seuls », a encouragé le sénateur bas-rhinois.

« Ce n’est pas un recours juridique qui va nous apporter des flacons de vaccins »

Sur les solutions à apporter rapidement, le secrétaire d’Etat veut « renforcer la pression sur les laboratoires », en contrôlant les exportations de vaccins depuis l’Europe. La France défendra au sommet européen un principe de réciprocité : les pays tiers destinataires ne pourront pas faire de la rétention de vaccins, lorsqu’ils sont produits sur leur sol. Une allusion qui vise directement le Royaume-Uni et ses sites de production d’AstraZeneca, le groupe pharmaceutique qui a annoncé un nouveau retard dans l’approvisionnement de l’Union européenne. « On ne peut pas comprendre que quand on a signé un contrat, on soit, pour certains, moins bien traités que d’autres », a fait savoir Clément Beaune. La justice sera un moyen de mettre la pression. Mais, « à court terme, ce n’est pas un recours juridique qui va nous apporter des flacons de vaccins », a reconnu le secrétaire d’Etat.

Le gouvernement compte également beaucoup sur les contrats supplémentaires noués par la Commission européenne avec Pfizer : dix millions supplémentaires de doses seront prévues au deuxième trimestre. Les accords, avec d’autres laboratoires prêts à ouvrir leurs chaînes de production, seront un autre volet dans la stratégie. « Nous avons incité Sanofi à le faire », a rappelé le ministre. Comme l’a mentionné le commissaire européen Thierry Breton, Clément Beaune a estimé que l’Europe rattraperait son retard sur les Etats-Unis en termes de capacité de production. L’UE pourrait être capable de produire deux à trois milliards de doses de vaccin par an, d’ici à la fin de l’année. Une éternité dans cette urgence pandémique.

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