Violences conjugales : « 80% des plaintes sont classées sans suite » affirme Brigitte Grésy

Violences conjugales : « 80% des plaintes sont classées sans suite » affirme Brigitte Grésy

La présidente du Haut conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, auditionnée par la Délégation aux droits des femmes, ce jeudi, a dressé le bilan de la situation sur cette question en France, et des pistes d’amélioration pour les années à venir.
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« Les menaces qui pèsent sur le droit des femmes nécessitent une vigilance constante et accrue ». Tel est le constat d’Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat qui recevait, ce jeudi, la présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) Brigitte Grésy. « En cette période de crise qui multiplie les défis, nous souhaitons faire le point sur l’actualité du droit des femmes, et analyser ensemble les enjeux du monde d’après », a soutenu la sénatrice, avant de laisser la parole à Brigitte Grésy. Devant les sénateurs, la présidente du Haut conseil a détaillé plusieurs volets sur lesquels un travail était encore nécessaire pour l’avancée de cette question, notamment l’intégration plus forte de l’égalité hommes-femmes dans le traitement de la politique extérieure.

Dans un rapport remis, ce mercredi, au ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian et à la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes Elisabeth Moreno, le HCE s’intéresse à l’intégration de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la politique étrangère. « Nous avons relevé un certain nombre de chiffres problématiques », note Brigitte Grésy. « Seulement 20% des accords commerciaux de l’Union européenne mentionnent le droit des femmes, et sur les 12 visites bilatérales du chef de l’Etat, une seule, au Japon, a donné lieu à l’évocation de cette question. » Le HCE préconise ainsi la mise en place d’une « diplomatie féministe » comportant une visée transformative, afin d’intégrer les questions d’égalité hommes-femmes dans l’ensemble des sujets de politique extérieure. « Nous voulons que cette politique d’égalité soit intégrée dans les budgets, qu’elle ait une organisation et un budget visibles et déterminés, et qu’in fine, une place plus équilibrée soit accordée aux femmes dans les postes à responsabilité. »

Un kit d’indicateurs pour les violences conjugales

 

S’agissant de l’avancée des droits des femmes sur le territoire, le HCE souligne que l’année 2020 marque une augmentation des violences conjugales. Un rapport produit le 9 octobre fait état de 140 000 constatations de violences conjugales en 2020, contre 100 000 en 2018. « La hausse du chiffre est peut-être également le fait d’une plus grande dénonciation », tempère Brigitte Grésy. « Toutefois nous voyons que seulement 18% des mains courantes donnent lieu à des investigations, et 80% des plaintes sont classées sans suite. » La présidente du HCE préconise ainsi une reprise en main de la question des violences conjugales, axée autour de quatre thèmes. D’abord, la sécurisation des femmes victimes de violences tout au long de leur parcours, pour « créer une vraie culture de protection tout au long de la chaîne ». Mener ensuite un travail sur le soin apporté aux victimes et la possibilité de mener une vie en sécurité, en permettant notamment un accès à l’autonomie financière. Et enfin une sécurisation des espaces de rencontres entre les parents et les enfants, pour permettre un traitement adapté de la parentalité. « In fine, nous réclamons un système d’évaluation efficace », résume Brigitte Grésy. « Le 23 novembre, le HCE va remettre un kit d’indicateurs à Elisabeth Moreno, sur la base de 20 à 25 indicateurs qui serviront de clignotants pour prendre en compte cette question de lutte contre les violences conjugales. »

Une nouvelle approche préconisée dans l’accès aux soins

Dernier sujet soulevé par le HCE, celui de la persistance des inégalités hommes-femmes dans l’accès aux soins, mis en lumière par Annick Billon dans ses propos liminaires. Le Haut conseil préconise désormais une nouvelle approche, détaillée dans son rapport datant de cette année. « Le rapport de 2020 sur le sujet démontre que la prise en compte de la dimension du genre, alliée à celle du sexe permet d’analyser plus précisément les pathologies, de formuler de nouvelles hypothèses de recherche et de construire de nouvelles stratégies de prévention. La prise en compte du genre correspond donc à une innovation dans la médecine, au bénéfice de la santé des femmes et des hommes » détaille la rapporteure du rapport.

Pour autant, Brigitte Grésy tient à le souligner que, « la question du sexisme est aujourd’hui mieux appréhendée par les citoyens ». « Nous avons constaté qu’il y avait toujours beaucoup de sexisme, mais des remontées de plus en plus fortes dans le cadre de la vague Meetoo », affirme-t-elle. « Nous avons désormais une mise à l’agenda de nombreux sujets qui étaient occultés, comme tout ce qui touche aux règles, à la violence dans les écoles, à la jeunesse. Tout cela remonte et permet de dire que la vision du sexisme est beaucoup mieux appréhendée par les citoyens et qu’il y a véritablement une meilleure acculturation sur ce qu’est le sexisme. »

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