Violences intrafamiliales : le Sénat restreint les conditions de retrait de l’autorité parentale

Violences intrafamiliales : le Sénat restreint les conditions de retrait de l’autorité parentale

Alors que le Sénat a adopté en première lecture mardi une proposition de loi visant à retirer l’autorité parentale d’un parent violent, la députée socialiste Isabelle Santiago qui l’a portée dénonce une réécriture qui réduit la portée du texte et abaisse la protection des enfants victimes de violences.
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« Le texte a été défait », estime Isabelle Santiago, député socialiste du Val-de-Marne, à l’origine de la proposition de loi qui vise « à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales », déposée le mois dernier à l’Assemblée nationale. L’objectif recherché par le texte : renforcer les dispositifs juridiques existants en suspendant l’autorité parentale du parent poursuivi de manière systématique en cas de condamnation. Si le Sénat a adopté le texte à l’unanimité mardi 21 mars, sa réécriture par la commission des lois, présidée par le sénateur François-Noël Buffet, a fait débat. Les sénateurs socialistes regrettent eux aussi un texte remanié qui réduit considérablement sa portée.

Parmi les points de tensions, la temporalité de la mise en sécurité de l’enfant. Tel que déposé à l’Assemblée nationale, le texte proposait la suspension de l’autorité parentale dès la mise en examen du juge, afin d’assurer la sécurité de l’enfant pendant la procédure judiciaire jusqu’au procès, qui s’éternise parfois sur plusieurs années et entrave la sécurité de l’enfant victime. Sur ce point, la Haute Assemblée a restreint les conditions de cette suspension, en proposant de maintenir la suspension dans les conditions actuelles, c’est-à-dire pour une durée maximale de six mois, jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales (JAF). « Il faut laisser au juge la faculté de juger » estime Marie Mercier, sénatrice Les Républicains, rapporteur de la commission des lois, soulignant « le devoir de respecter la présomption d’innocence ».

Consensus sur le retrait de l’autorité en cas de crime incestueux

Un article premier « vidé de son contenu » pour la sénatrice PS Laurence Harribey, qui ne prend pas suffisamment en considération la parole de l’enfant. Mettre le parent à l’écart de l’enfant victime le temps de la procédure était alors un point fondamental pour les députés à l’origine du texte. « Souvent, des enfants violentés ne peuvent recevoir un accompagnement psychologique le temps de la procédure car le parent violent mis en examen refuse en son plein droit d’exercice de l’autorité parentale » précise Isabelle Santiago, dénonçant un maintien d’autorité absurde dans ce cas.

Par ailleurs, dans sa réécriture, le Sénat a choisi d’écarter le retrait automatique de l’autorité parentale en cas de condamnation pour un crime sur l’autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours lorsque l’enfant a assisté aux faits (les féminicides sont particulièrement visés), compte tenu du manque de cohérence du dispositif proposé. « Un enfant, même non présent au moment des violences, subira ces violences par ricochet » réagit Marie Mercier avant d’ajouter « On a l’habitude de dire que le Sénat détricote les textes, mais en réalité, on rapièce, c’est le jeu du travail parlementaire ». Sur la question du retrait systématique de l’autorité parentale en cas de crimes incestueux en revanche, sénateurs de droite comme de gauche ont accordé leur voix.

« Un mari violent est un père violent »

Du côté des sénateurs centristes, la violence d’un parent sur l’autre parent doit être compris comme des violences exercées, même indirectement, sur l’enfant. « Nous devons être plus ambitieux. Un mari violent est un père violent, l’enfant est pris dans un étau » a réagit à ce propos Annick Billon, sénatrice centriste de la Vendée, lors de la séance publique le mardi 21 mars au Sénat. Pour la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, « il faut une belle et grande loi » pour la protection de l’enfance, dénonçant alors « que la portée de cette proposition de loi ait été restreinte par la commission des lois ».

Proposition de loi soutenue par le garde des sceaux Éric Dupont Moretti, a lui souhaité rappeler que la protection du droit des enfants est « au cœur de la feuille de route du gouvernement ». Un avis non partagé par les associations de défense des victimes de violences intrafamiliales, qui dénoncent l’ignorance de la parole des victimes et réclament le retrait de l’autorité parentale dès la plainte déposée par le parent ou l’enfant. « Un procédé irréalisable en droit » nuance Isabelle Santiago, qui reconnaît néanmoins l’hérésie du maintien de l’autorité parentale le temps du jugement. Sur la question des moyens, certains sénateurs ont déjà appelé à augmenter les moyens de la justice sur les questions de violences intrafamiliales. « Sur les 300 postes de magistrats créés chaque année jusqu’en 2027, il en faudrait au moins 100 dédiés aux violences intrafamiliales » avait estimé la sénatrice centriste de l’Yonne Dominique Vérien auprès de Public Sénat.

En 2023, près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent. Dans 21,5 % des cas, ils en sont directement victimes, dans tous les cas, ils en sont témoins, peut-on lire dans la proposition de loi. « Un parent agresseur ou violent ne peut pas être un bon parent », avait justifié la députée socialiste, Isabelle Santiago devant l’Assemblée nationale, appelant la société à brise peu à peu son silence et ses réticences « à se mêler des affaires des autres ». En France, l’arsenal juridique pour protéger les enfants victimes de violences « évolue dans la bonne direction », relativise Marie Mercier. Le texte doit maintenant retourner au Palais Bourbon où il sera étudié en deuxième lecture.

 

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