Violences policières : l’exécutif toujours en quête d’un « schéma national du maintien de l’ordre »
Lancée en juin dernier par Christophe Castaner, une réflexion « nécessaire » sur le maintien de l’ordre tarde à porter ses fruits. Semaines après semaines, des images d’un usage manifestement disproportionné de la force par des policiers et des gendarmes rappellent au gouvernement que le temps presse.

Violences policières : l’exécutif toujours en quête d’un « schéma national du maintien de l’ordre »

Lancée en juin dernier par Christophe Castaner, une réflexion « nécessaire » sur le maintien de l’ordre tarde à porter ses fruits. Semaines après semaines, des images d’un usage manifestement disproportionné de la force par des policiers et des gendarmes rappellent au gouvernement que le temps presse.
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« Ce début d’année augure un changement de culture et d’attitude pour le plus grand profit des libertés fondamentales ». Vendredi dernier, pour ses derniers vœux en tant que Défenseur des droits, Jacques Toubon avait semblé entendre les mots d’Emmanuel Macron, prononcés quelques jours plus tôt quand il demandait au ministre de l’Intérieur des « propositions claires pour « améliorer la déontologie » et « les éléments de contrôle » des forces de l’ordre.

Christophe Castaner appelle une nouvelle fois les policiers à la « rigueur et à la proportionnalité »

Une semaine plus tard, des images qui s’apparentent à des violences policières qui sont de nouveau diffusées en boucle sur les réseaux sociaux : un homme ensanglanté, frappé au sol par un policier, en marge de la manifestation parisienne des gilets jaunes, samedi. Ce lundi, Christophe Castaner a rappelé une nouvelle fois que les policiers et gendarmes devaient utiliser la force « avec rigueur et proportionnalité ». « C’est ce que les forces de l’ordre font au quotidien. Ensuite, il peut y avoir des fautes. Ces fautes doivent faire l’objet d’enquêtes et non de procès médiatiques et politiques. Si ces fautes sont établies. Il doit y avoir des sanctions » a-t-il résumé sans oublier de souligner « les violences que les policiers subissent ».

« Je pense que les policiers sont épuisés »

Après plus d’un an de manifestations, régulièrement ponctuées d’actes de violences (25 personnes éborgnées par des tirs de LBD, 1963 membres de forces de l’intérieur blessés selon le ministère de l’Intérieur), le discours de l’exécutif évolue peu à peu sur le sujet des « violences policières » (voir notre article), même s’il refuse d’employer l’expression. Difficile en effet pour le gouvernement de prendre le risque de braquer les forces de l’ordre, sous équipées, sursollicitées avec des heures supplémentaires qui s’accumulent, selon un rapport du Sénat. « Depuis un an et demi, ça n’arrête quasiment pas. Je pense qu’ils sont épuisés. Je ne veux pas jeter l’opprobre sur l’ensemble de la police. Élu de la région parisienne, je sais très bien le travail qu’elle y fait » a réagi sur Public Sénat, le président LR de la commission de la Défense du Sénat, Christian Cambon.

Christian Cambon: "les forces de l'ordre sont épuisées"
02:16

Ce week-end, plusieurs responsables politiques ont appelé à la démission du préfet de police de Paris. Pour la présidente du Rassemblement national, Didier Lallement est responsable de « la montée des tensions ». « Il n'y a pas de mauvaises troupes, il n'y a que des mauvais chefs. La réalité, c'est que si on assiste à la multiplication d'un usage disproportionné de la force, c'est parce qu'il y a des instructions qui ont été données en matière de maintien de l'ordre » a-t-elle jugé sur France 3. « Le préfet Lallement est inapte à sa fonction. Il doit démissionner » a également tweeté, le député LFI, Jean-Luc Mélenchon.

« Le dernier code de déontologie mis en place en 2014 met les policiers et gendarmes dans une position intenable »

Pour mémoire, auditionné par le Sénat au moment de sa prise de fonction en mars dernier, Didier Lallement avait assumé un changement dans la doctrine du maintien de l’ordre. Pour Christian Mouhanna, directeur du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), « la nomination de Didier Lallement était déjà un signe de dureté envoyé par le gouvernement après des manifestations où on a reproché aux policiers de ne pas avoir suffisamment utilisé les LBD. Et quand j’entends le chef de l’État parler de nouvelles règles déontologiques, il faut savoir de quoi on parle. Le dernier code de déontologie mis en place en 2014 met les policiers et gendarmes dans une position intenable selon laquelle les policiers doivent obéir à tout prix aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques et en même temps respecter les droits de l’Homme. Deux injonctions qui peuvent être contradictoires ».

Une réflexion lancée en juin

Le 26 août dernier, sur France 2, Emmanuel Macron indiquait déjà avoir demandé au gouvernement d’entamer « une réflexion » sur le maintien de l’ordre afin de « changer la manière d’assurer la sécurité pour réduire très fortement le nombre de blessés ».

Deux mois plus tôt, c’est Christophe Castaner qui annonçait cette réflexion devenue « nécessaire » sur le maintien de l'ordre, demandant des idées « audacieuses ». « J'ai besoin de vos idées (...) pour répondre fermement à une violence débridée tout en préservant évidemment au maximum l'intégrité physique des personnes, y compris celle de celles et ceux qui provoquent les débordements » demandait-il à un groupe d’experts réunis à Beauvau.

Le gouvernement indique que des ONG travaillent avec lui

Lors des dernières questions d’actualité du Sénat, la semaine dernière, le vice-président du Sénat, David Assouline interrogeait Laurent Nunez en ces termes : « Allez-vous continuer à être les seuls en Europe à mettre des LBD et des grenades GLI-F4 qui contiennent du TNT entre les mains de ceux qui ont en face d’eux des manifestants très largement pacifiques et non pas des soldats ennemis et non pas des terroristes ? »

Violences policières: Laurent Nunez annonce un prochain « schéma national du maintien de l’ordre »
04:53

Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur a précisé de son côté, que le gouvernement réfléchissait « à froid » à une « doctrine », « dans le cadre d’un schéma national du maintien de l’ordre public ». Des réunions auxquelles participent « des experts de tous les pays, des magistrats ou des organisations aussi importantes que la Ligue des droits de l’Homme ou Amnesty International qui travaillent avec nous » a-t-il assuré.

Amnesty International dément

Des propos démentis par Amnesty International. « Nous avons bien été auditionnés le 7 novembre par des membres du cabinet du ministre de l’intérieur. Nous avons exposé nos recommandations en matière de stratégie de désescalade, de respect des droits humains, comme par exemple mettre fin à l’utilisation des grenades de désencerclement et des LBD. Mais on ne peut pas parler de concertation. On ne sait pas ce qu’ils ont retenu de cette audition. Surtout, ils nous ont dit qu’un document sur le maintien de l’ordre sortirait avant la fin de l’année, puis ça a été repoussé au début de l’année. Que le gouvernement reconnaisse un problème dans l’exercice du maintien de l’ordre, c’est bien. Mais il ne peut pas se contenter d’une déclaration. Il faut qu’il y ait une suite » demande Anne-Sophie Simpere, responsable plaidoyer Libertés à Amnesty Internationale France.

Christian Mouhanna lance quelques pistes. « Il faut relancer l’idée d’une cogestion entre les forces de l’ordre et les manifestants, mettre en place des haut-parleurs pour indiquer aux gens quelles rues ils doivent emprunter, montrer aux manifestants qu’on les protège des Black Bloc. Si on impose, c’est sûr qu’on va vers l’affrontement ».

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