Violences sexuelles : ce que prépare la ministre de la Justice Nicole Belloubet

Violences sexuelles : ce que prépare la ministre de la Justice Nicole Belloubet

Interrogée dans Sénat 360, la ministre de la Justice Nicole Belloubet mène la réflexion sur l’âge de non-consentement des mineurs qu’elle souhaite fixer dans la loi. Le gouvernement propose une réforme plus large de lutte face aux violences sexuelles.
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Par Jules Duribreu

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Pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes, un projet de loi sera présenté en 2018 par la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, au côté de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet

Seuil de non-présomption de consentement : « 13, 14 ou 15 ans »

Le gouvernement veut fixer un âge en-dessous duquel il existe une présomption de non consentement. Nicole Belloubet a déclaré, dans l’émission Sénat 360, réfléchir à la question : « Je suis parfaitement consciente des enjeux juridiques que cela pose, et c’est la raison pour laquelle nous devons avoir une réflexion avant d’avancer le seuil à 13 ans, 14 ans ou 15 ans. »

Légiférer en réaction à l’actualité

Le 7 novembre, un homme accusé du viol d’une fillette de 11 ans a été acquitté, la cour d’assises de Seine-et-Marne ayant estimé qu’il n’y avait pas eu de « contrainte ». Ce verdict fait écho à une décision du parquet de Pontoise qui a décidé, fin septembre, de poursuivre un homme de 28 ans pour « une atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans » alors que la famille avait déposé plainte pour viol, estimant que la contrainte, morale ici, était matérialisée par la grande différence d'âge entre l’auteur présumé et la victime.

Si ces deux affaires se ressemblent, elles ont également toutes les deux suscités une vague d’indignation dans l’opinion publique. Alors que se poursuivent les révélations sur les cas de harcèlement sexuels et de viols, tant au niveau national qu’international, ces deux décisions relancent le débat sur la question de l'âge du consentement sexuel et de son traitement judiciaire.

Consentement des mineurs : la loi reste flou

En effet, la loi française reste flou sur la question du consentement des mineurs. Contrairement à d’autres pays européens, aucun texte ne fixe un âge en-dessous duquel un mineur serait présumé non consentant à un acte sexuel. Comme le rappelle le Conseil constitutionnel dans une décision de 2015: « Il appartient aux juridictions d’apprécier si le mineur était en état de consentir à la relation sexuelle en cause ». C’est cette libre appréciation qui est aujourd’hui mise en cause, plusieurs voix s’élevant pour établir un âge minimal de consentement à un acte sexuel.

L'âge du consentement sexuel en débat

Le Haut-Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes, instance placée auprès du Premier ministre, plaide pour l’âge de 13 ans, tandis que de nombreuses associations préconisent 15 ans.

En ce sens, les sénatrices Laurence Cohen (PCF)  et Laurence Rossignol (PS), ainsi que plusieurs de leurs collègues, prennent position pour une présomption de non-consentement du mineur en deçà de 15 ans. Selon les sénatrices, cet âge tient compte de la moyenne des pays européens dans ce domaine, et s'inscrit dans ce qui existe déjà dans la législation française, notamment ce qui avait été retenu comme limite d'âge pour l'atteinte sexuelle.

Une réforme plus large face aux violences sexuelles

Plus largement, le gouvernement entend profiter de l’occasion offerte par ce texte portée par les deux ministres pour réformer certains aspects du droit afin de faire face à l’évolution de la société sur la questions des violences sexuelles et du harcèlement. L'aspect le plus débattu de ce projet de loi, attendu en 2018, est une verbalisation du harcèlement de rue. Toute la difficulté pour le gouvernement est ici de caractériser ce qui relève du harcèlement de rue. La question de la preuve est aussi délicate, les forces de l'ordre soulignant la nécessité d'un flagrant délit pour verbaliser le harcèlement de rue.

Ce projet de loi pose également la question des moyens accordés pour mettre en oeuvre ces mesures, d’autant plus qu’une certaine libération de la parole révèle une forte augmentation des victimes souhaitant saisir la justice.  

Allonger la durée de prescription du viol, de 20 à 30 ans.

Viol : vers un allongement de la durée de prescription
00:51

La ministre dit étudier un éventuel allongement du délai de prescription en cas de viol sur mineur, passant de 20 à 30 ans. Un aspect là aussi sujet à débat puisqu’un collectif de psychiatres souhaite faire entrer dans la loi le concept d’”Amnésie Traumatique” et ainsi porter le délai de prescription à 40 ans.

Une pré-plainte en ligne

Alors que les plaintes pour violences sexuelles déposées en zone de gendarmerie ont augmenté en octobre de 30 %, et de 23% en zone police, par rapport à la même période de l’année précédente, Nicole Belloubet entend adapter la justice à ces nouveaux enjeux. La ministre de la Justice s’est en effet déclarée favorable au principe de la pré-plainte en ligne, évitant ainsi à la victime de devoir se rendre au commissariat.

Au micro de RTL lundi 13 novembre, Mme Belloubet a également évoqué une expérimentation en cours dans les hôpitaux « qui consiste à prélever les preuves de violence sexuelle sans que la plainte ait été déposée, permettant à la victime de décider ensuite de décider si elle porte plainte ou non ».

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