Ce mardi, Frédéric Valletoux, député Horizons de Seine-et-Marne, ancien ministre de la Santé, était invité de la matinale de Public Sénat. Au lendemain de l’engagement de la responsabilité du gouvernement par Michel Barnier, et à la veille du vote d’une motion de censure, il est revenu sur la méthode adoptée par le Premier ministre depuis sa nomination. Il pointe notamment un manque de dialogue entre les députés du socle commun et le gouvernement.
Violences sexuelles sur mineurs : le débat s’annonce ardu
Par Héléna Berkaoui
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C'est cet après-midi que Marlène Schiappa va défendre son projet de loi devant les sénateurs. Après plusieurs mois de travail, les positions des sénateurs (majoritairement féminines sur ce texte) ont évolué, en dépit des appartenances politiques des uns et des autres. Ce texte a donné lieu à des débats passionnés et les discussions à venir le seront tout autant. Dans un communiqué, la commission des Lois du Sénat dit avoir « réparé des oublis majeurs » du texte de la Ministre lors de son passage en commission, mercredi.
Les tensions vont se cristalliser autour de l’article 2, celui qui tend à renforcer les sanctions sur les violences sexuelles sur mineurs. La commission des Lois est en désaccord avec la délégation des Droits des femmes qui veut instaurer un seuil d'âge de non-consentement pour les mineurs fixé à 13 ans. Et l’exécutif, lui, ne partage ni la vision de l’une, ni celle de l’autre. Explications.
Les péripéties du projet de loi Schiappa
Fin novembre, la ministre laissait clairement entendre qu’elle créerait un seuil de présomption de non-consentement, parfois appelé une présomption irréfragable. Il s’agissait de fixer un âge au-dessous du duquel un mineur ayant une relation sexuelle avec un majeur était automatiquement considéré comme non-consentant.
13 ans ? 15 ans ? Le débat s'est étalé sur plusieurs mois et le projet de loi définitif de Marlène Schiappa est apparu décevant à ceux qui l’avaient prise au mot. La promesse de la ministre s’est en effet heurtée à un principe constitutionnel : la présomption d’innocence. Et pour cause, la présomption irréfragable, souvent comparée à une sorte de peine automatique, constitue une présomption de culpabilité peu compatible avec les droits de la défense, comme le soulevait le Conseil d’État.
L’article 2, tel que présenté dans le projet de loi de la ministre, prévoit finalement une présomption de contrainte pour les mineurs de 15 ans. C'est-à-dire que les éléments constitutifs du viol restent la menace, la violence, la contrainte ou la surprise mais que désormais - lorsque les faits seront commis sur la personne d’un mineur de quinze ans - « la contrainte morale ou la surprise pourront résulter de l’abus d’ignorance de la victime ».
La nuance est subtile et il faut bien comprendre que la notion d’abus d’ignorance ne suffit pas à qualifier le viol. Elle permettra seulement au Juge de caractériser l’un des éléments constitutifs du viol. En clair, une relation sexuelle entre un mineur de 15 ans et un majeur ne sera pas systématiquement considérée comme un viol.
« Fixer un interdit clair et compréhensible »
Malgré ce risque d’inconstitutionnalité, la délégation des droits des femmes du Sénat n’en démord pas : « Nous avons dit clairement qu’une relation sexuelle avec pénétration entre un majeur et un mineur de moins de 13 ans est un crime (...) C’est absolument interdit. On ne touche pas aux enfants », clamait Laurence Rossignol, ancienne ministre socialiste des Droits des femmes. Avec plusieurs de ses collègues, la centriste Annick Billon, la communiste Laurence Cohen ou encore la sénatrice LR Laure Darcos, elle compte militer pour l’instauration de cet « interdit clair et compréhensible ».
Si les sénatrices étaient contre l’instauration d’un âge de non-consentement, aujourd’hui elles insistent. C’est qu’elles ont une crainte, celle « de voir un certain nombre d’affaires qui seront, non plus en cour d’Assises, mais qui seront en correctionnel », comme l’explique Annick Billon sur le plateau de Sénat 360. La correctionnalisation d’un viol intervient quand le Juge n’a pas suffisamment d’éléments pour qualifier un viol (qui est un crime) et qu’il requalifie les faits en agression sexuelle (qui constitue un délit). Cette présomption irréfragable pour les mineurs de 13 ans, permettrait la fin des discussions sur le consentement des personnes mineures.
Auditionnée au Sénat sur ce point, la garde des Sceaux, assurait que le projet de loi assouplirait « considérablement la question de la preuve, en la rendant quasiment automatique pour les mineurs de 15 ans ». Un argument insuffisant pour la délégation des droits des femmes. Elles ont retranscrit leur position dans un avis adopté à l’unanimité par la délégation. (Lire notre article). Cependant, leur amendement en ce sens a été rejeté en commission des Lois, mercredi.
« L’introduction d’un seuil d’âge ne protégerait qu’une partie des victimes »
De son côté, la commission des Lois du Sénat propose une autre mouture, sans embrasser l’avis de la délégation des droits des femmes sur l’article 2. Les sénateurs plaident pour une « présomption de contrainte, en cas de relation sexuelle entre un majeur et un mineur », et ce, quel que soit l’âge du mineur. Cette présomption serait appréciée par le Juge en fonction de la différence d’âge entre le majeur et le mineur ou en fonction de la capacité de discernement du mineur.
Marie Mercier, sénatrice LR, a conduit un rapport sur la protection des mineurs d’infractions sexuelles. Celui-là même qui a inspiré le texte des sénateurs. Pour Marie Mercier : « la protection accordée à un mineur ne peut pas dépendre de sa date d’anniversaire ». Elle prône « une appréciation concrète de chaque situation plutôt qu’une automaticité aveugle (…) Une victime de 13 ans et 1 mois ne doit pas être moins protégée qu’une victime de 12 ans et 11 mois ».
L'examen du projet de loi porté par Marlène Schiappa au Sénat se poursuivra jeudi 5 juillet. Il confrontera au moins trois visions de ce que doit être la protection des mineurs contre les violences sexuelles. Les autres volets du texte, qui portent sur le cyberharcèlement ou le harcèlement de rue, tiendront eux beaucoup moins de place dans les débats.