Zones à faibles émissions : fronde des automobilistes…qui écrivent aux sénateurs

Zones à faibles émissions : fronde des automobilistes…qui écrivent aux sénateurs

Alors que commence ce lundi au Sénat, l’examen du nouveau projet de loi Climat et résilience, l’association 40 millions d’automobilistes adresse une lettre ouverte aux sénateurs pour dénoncer l’une des mesures du texte. Les ZFE, zones à faibles émissions seront mises en place dans 45 grandes villes françaises d’ici à 2024 et où les véhicules anciens ne pourront plus circuler. Les sénateurs n'y sont pas opposés, mais  certains demandent des mesures d'accompagnement.
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Par Marion Vigreux

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Depuis le 1er juin, en région parisienne, les Crit’Air 4, c’est-à-dire les voitures diesels immatriculées avant le 1er janvier 2006 et les deux-roues motorisés datant d’avant juillet 2004, n’ont plus le droit de circuler en semaine de 8 heures à 20 heures.

En juillet 2022, cette mesure s’appliquera aux véhicules Crit’Air 3 puis à partir du 1er janvier 2024, aux Crit’Air 2.

A terme, ce sont donc uniquement les véhicules électriques, les véhicules à gaz, hybrides rechargeables ou essence et assimilés immatriculés à partir du 1er janvier 2011, qui pourront circuler.

Pour l’Etat, cette mesure apparaît comme la plus efficace pour lutter contre les rejets de particules fines, générés à 70 % par la circulation automobile.
En Europe, treize pays ont déjà développé des ZFE. Avec la création de 45 ZFE d’ici trois ans, la France espère éviter les pénalités et rattraper son retard en se plaçant en 3ème position après l’Italie et l’Allemagne.

Des zones à fortes exclusions

Pour l’association 40 millions d’automobilistes, de zones à faibles émissions à zones à fortes exclusions, il n’y a qu’un pas.
Ces mesures sont jugées discriminatoires car elles vont, pour l’association, pénaliser les foyers les plus modestes qui n’ont pas les moyens de résider en centre-ville et qui sont dépendants de leurs voitures.

Selon les calculs de 40 millions d’automobilistes, sept Français sur 10 n’auront plus le droit de circuler librement d’ici quatre ans.
L’association dénonce une politique de l’égoïsme et des mesures d’accompagnement beaucoup trop insuffisantes, qui ne permettent pas aux foyers les plus pauvres de changer de voiture. Un exemple, mettre à la casse une vieille voiture pour investir dans une voiture électrique, offre une aide de 12 000 euros.

« L’immobilisme est en marche, et rien ne l’arrêtera. »

Le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, a pris connaissance ce matin du courrier de l’association.
Si ce dernier peut comprendre les craintes, il ne partage pas le point de vue. « Il faut arrêter de jouer sur la corde des foyers modestes qui vont en pâtir », explique Jean-François Longeot. « Le problème de la pollution concerne tous les êtres humains et j’en ai marre de ces gens qui sont d’accord pour lutter contre le réchauffement climatique, mais seulement si ça ne les concerne pas. Pour citer Edgar Faure, figure de mon territoire de Franche-Comté, l’immobilisme est en marche, et rien ne l’arrêtera. »

Et le sénateur Union Centriste de rappeler que les ZFE concerneront 45 agglomérations qui ont toute une offre de transports en commun. « On ne parle pas de toute la France ». Par contre, précise-t-il, « il faut sûrement augmenter les aides pour ceux qui souhaitent changer de véhicule ».

Un avis que partage Didier Mandelli. Le sénateur Les Républicains de Vendée estime qu’il ne peut pas y avoir de mesures contraignantes, sans un accompagnement fort de la puissance publique, pour les particuliers comme pour les professionnels.

« Sur le principe, je défends les ZFE. Mais il faut absolument augmenter l’accompagnement financier, qui n’est pas le même selon les territoires. Et aussi développer les transports collectifs. Sinon, pour les usagers, c’est la double peine ».

Le sénateur Les Républicains d’ajouter que cette mesure ne vise pas seulement la pollution, mais aussi l’encombrement. « Si on remplace juste les véhicules, nous n’aurons pas gagné grand-chose. Le trafic restera impossible aux abords des métropoles. Il faut aussi travailler à la diversification des modes de transports ».

C’est toujours la même rengaine de ceux qui veulent que rien ne change

La diminution de la place de la voiture, le développement de nouveaux modes de transports, bien articulés les uns aux autres, avec des espaces sécurisés pour les piétons et les vélos, c’est aussi ce que défend le sénateur écologiste du Bas-Rhin, Jacques Fernique. Lui qui, en réponse à la colère de l’association 40 millions d’automobilistes, se désole de ces postures de refus systématiques qui ne sont pas crédibles.
« On a eu les mêmes débats au moment de la mise en place des premières zones piétonnes dans les centres-villes, puis des couloirs de bus, puis du stationnement payant. C’est toujours la même rengaine de ceux qui veulent que rien ne change. Et pourtant, rappelle le sénateur, nous sommes face à une calamité en matière de santé publique. Dans l’agglomération de Strasbourg, on perd en moyenne neuf mois d’espérance de vie du fait de la mauvaise qualité de l’air ».

Pour Jacques Fernique sénateur écologiste du Bas Rhin, les ZFE constituent un modèle politique intéressant car elles demandent une mise en œuvre et des adaptations locales.
Lui qui souhaite d’ailleurs que les agglomérations et non les régions, soient sollicitées pour aider financièrement les changements de flottes de véhicules des petites entreprises. « Pour faire passer cette mesure, il y a un vrai travail d’accompagnement et de soutien financier à avoir. Et notre mission, désormais, à nous sénateurs et bien c’est de renforcer la loi Climat sur cette question ».
Le Sénat entame ce lundi après-midi l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Il a été adopté par l’Assemblée nationale après que le gouvernement a engagé une procédure accélérée.

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