Récidive des criminels sexuels : « 30 % des auteurs d’infractions sexuelles sur mineurs ont moins de 13 ans »

La mission d’information du Sénat sur la récidive des auteurs de viols et d’agressions sexuelles, auditionnait des psychiatres et psychologues experts. Ils ont rappelé la difficulté d’évaluer « la dangerosité » des auteurs, même si des études statistiques permettent d’aider à l’évaluation du risque. Ils ont également insisté sur la prévention et invitent à porter une attention particulière sur les mineurs auteurs.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

La délégation aux droits des femmes et la commission des lois qui mènent conjointement une mission d’information pour évaluer l’efficacité des mesures visant à lutter contre cette récidive, auditionnaient ce jeudi plusieurs psychiatres et psychologues experts.

Alors que 6 000 personnes, en grande majorité des hommes sont condamnés chaque année dans des affaires de violences sexuelles, ces experts interviennent à plusieurs stades de la procédure, que ce soit en garde à vue, avant leur sortie détention, ou encore dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire avec injonction de soins.

La mission s’intéressait donc au rôle de ces experts dans la prévention de la récidive. Roland Coutanceau, expert psychiatre, président du Syndicat national des experts psychiatres et psychologues (Snepp), rappelle, tout d’abord, que l’évaluation se fait en plusieurs étapes. D’abord sur l’homme, l’acte en lui-même, et le témoignage de la victime. « On ne peut pas analyser quelqu’un si on n’a pas en contrepoint le discours de la plaignante et explorer la vie affectivo sexuelle », a-t-il détaillé.

Concernant spécifiquement l’évaluation du risque. « Il y a le risque dans l’analyse de l’homme et le risque dans l’analyse de l’acte », a-t-il distingué. S’appuyant sur une étude statistique réalisée outre Atlantique, Roland Coutanceau relève « que contrairement à ce que pense l’opinion publique, nombre d’auteurs d’agression sexuelle ne récidivent pas ».

« Si on accompagne un père incestueux dans une injonction de soins, on a une probabilité de récidive quasi nulle »

Le psychiatre distingue ensuite le risque de récidive selon l’acte. « Les auteurs d’agressions sur les jeunes garçons extrafamiliaux forment le groupe le plus récidivant […] le deuxième groupe le plus récidivant, ce sont les violeurs sur adultes ». Pour ce deuxième groupe, trois facteurs de risques, selon l’acte, sont à prendre en compte pour déterminer la dangerosité et le risque de récidive : si la victime est inconnue de son agresseur, s’il a utilisé une arme et s’il l’a séquestré. « Statistiquement, il y a des gens plus inquiétants que d’autres », appuie-t-il. Pour ces profils, il préconise d’utiliser leur temps de peine pour effectuer le suivi d’accompagnement. A l’inverse, il note que « l’inceste judiciarisé récidive peu ». « Si on accompagne un père incestueux dans une injonction de soins, on a une probabilité de récidive quasi nulle ».

« Les experts psychiatres ne sont pas mauvais pour diagnostiquer les individus […] là où on est moins bons, c’est sur la question de la dangerosité », reconnaît Laurent Layet, expert psychiatre, représentant de l’Association nationale des psychiatres experts judiciaires (Anpej), président de la Compagnie nationale des experts psychiatres près les cours d’appel (CNEPCA). « C’est une évaluation à l’instant T mais aussi une projection dans le futur et ça, c’est beaucoup plus compliqué ».

Laurent Layet regrette une tendance chez les magistrats à faire expertiser les auteurs par des psychiatres et les victimes par des psychologues. « Ça n’a aucune base scientifique. Un même expert peut expertiser l’auteur et la victime. Ça peut être très riche au niveau de la dynamique criminologique, pour (comprendre) la relation d’emprise », a-t-il préconisé.

« Manque criant de prévention »

Chez les psychologues, Florent Simon, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP) relève justement « qu’assez peu d’auteurs sont atteints de troubles psychiatriques ». « Pour nous, il ne nous semble pas pertinent de penser la notion de récidive sous l’angle unique de la psychopathologie ou de la psychiatrie ». Il constate également qu’un certain nombre d’auteurs ont, eux, même subi des agressions sexuelles ou des viols. « Cela montre la nécessité d’un véritable travail sur la prévention et une attention portée sur les mineurs auteurs ». Il demande de renforcer les postes de psychologues et de soignants dans les établissements pénitentiaires et les centres médico-psychologiques et de créer des centres spécialisés qui permettraient de favoriser un suivi en continu et sur du long terme.

« Selon un récent rapport de la protection judiciaire de la jeunesse, les auteurs représentent la moitié des mises en cause dans les affaires de viols et d’agression sexuels sur mineurs. 95 % sont des garçons et les moins de 13 ans représentent près de 30 % des auteurs », insiste-t-il.

Florent Simon regrette lui aussi « un manque criant de prévention » notamment sur le risque lié à l’exposition des mineurs à la pornographie. Un sujet qui avait l’objet d’un rapport de la délégation aux droits des femmes, il y a deux ans.

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Récidive des criminels sexuels : « 30 % des auteurs d’infractions sexuelles sur mineurs ont moins de 13 ans »
4min

Parlementaire

Budget 2026 : le Sénat espère pouvoir « récupérer » 50 millions pour les infrastructures sportives

Le Sénat n’a pas pu finir l’examen du budget du sport et de la vie associative ce jeudi. De nombreux scrutins publics et des débats confus ont amené la chambre haute au-delà des délais impartis et les sénateurs devront donc finir cet examen dimanche. Le Sénat espère arracher 50 millions d’euros supplémentaires pour les infrastructures des collectivités.

Le

Senat : QAG
6min

Parlementaire

Fin de vie, budget, débat sur la défense et le narcotrafic, logement, police municipale : le calendrier parlementaire du Sénat se précise

Comme demandé par le premier ministre, un débat, suivi d’un vote, sera organisé au Sénat sur la défense le 15 décembre, puis sur le narcotrafic le 17 décembre. Outre la fin de l’examen du budget, avec une lecture de CMP attendue le 23 décembre, le texte sur la fin de vie sera examiné le 7 janvier en commission, puis en séance à partir du 20 janvier.

Le