Pour la deuxième fois en l’espace d’une semaine, les députés du socle commun ont voté une motion de rejet sur un texte qu’ils avaient eux-mêmes soutenu. Face à un grand nombre d’amendements déposés par la gauche, le bloc central a préféré couper court à ce qu’il considère être comme une tentative d’obstruction, et ainsi mettre fin prématurément à la première lecture, en adoptant une motion de rejet préalable… déposée par les députés de la France insoumise.
Le texte va directement faire l’objet d’une commission mixte paritaire entre sept députés et sept sénateurs, qui a de bonnes chances d’être conclusive, vu les équilibres internes. Le dernier exemple de cette bataille procédurale s’est joué ce 2 juin sur la proposition de loi du sénateur centriste du Tarn Philippe Folliot, visant à sécuriser la reprise du chantier de l’A69 entre Castres et Toulouse.
« La gauche utilise des outils réglementaires et des outils constitutionnels pour bloquer les débats »
Le même scénario s’était déjà produit une semaine auparavant sur la proposition de loi issue du sénateur Laurent Duplomb, qui a pour objectif de « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Invité ce 6 juin de l’émission Parlement hebdo sur les chaînes parlementaires, face à la députée Sophie Taillé-Polian (Générations), le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli réfute toute « tactique » et évoque « un principe de réalité ». « C’est la gauche qui est prise à son propre jeu, à force de faire de l’obstruction en multipliant le nombre d’amendements, pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de débat et de vote in fine. La gauche utilise des outils réglementaires et des outils constitutionnels pour bloquer les débats, le bloc central essaye de faire en sorte de s’adapter à cette nouvelle réalité, et de faire avancer le débat », a justifié ce vice-président du Sénat.
La députée Sophie Taillé-Polian, qui siège dans le groupe écologiste, accuse ses adversaires de vouloir « museler l’opposition tout simplement en faisant un vote contraire à ses propres convictions ». « On préfère les commissions mixtes paritaires, où il n’y a pas de transparence, où les débats sont opaques. On est prêt aux plus grandes acrobaties à voter contre ses propres textes pour éviter le débat », a critiqué en retour l’ancienne sénatrice du Val-de-Marne.
« Le calendrier est occupé par une myriade de petits textes qui ne sont pas très urgents »
Le texte vise à assurer que le chantier ira à son terme, en prévoyant une « raison impérative d’intérêt public majeur » pour cette liaison autoroutière. Fin mai, la cour administrative d’appel a autorisé la reprise des travaux, à la suite d’un recours en urgence, mais la justice doit encore se prononcer sur le fond dans plusieurs mois. Alors que le gouvernement a soutenu l’initiative parlementaire, la députée Sophie Taillé-Polian dénonce les choix du gouvernement dans la configuration de l’agenda parlementaire et lui reproche un « dévoiement du travail parlementaire ». Selon elle, le texte aurait dû figurer sur les semaines dédiées au gouvernement, or, la proposition de loi a été débattue dans un espace d’une demi-journée réservé au groupe Ensemble pour la république (EPR). Avant que le rejet préalable ne soit adopté, les députés devaient examiner plus de 200 amendements déclarés recevables, parmi les près de 700 déposés.
« A l’Assemblée nationale, il y a beaucoup de textes qui se succèdent, sans réelle envergure. Le calendrier est occupé par une myriade de petits textes qui ne sont pas très urgents. Le gouvernement choisit de laisser faire […] En réalité, il dénie à l’Assemblée nationale d’être la chambre basse, la plus importante parce qu’élue au suffrage universel, il préfère s’appuyer sur des propositions de loi venant du Sénat », a-t-elle attaqué.
« Vous vous plaignez que le bloc central dénie le droit de l’opposition et de chaque parlementaire de pouvoir déposer des amendements, mais là vous dénoncez le fait qu’il y a une multitude d’initiatives parlementaires, de texte parlementaires issus à la fois de l’Assemblée nationale et des sénateurs, sur du temps parlementaire, au bout d’un moment il faut savoir ce que vous voulez », lui a répondu le sénateur Renaissance.
Sur le fond du dossier, le sénateur a défendu un projet autoroutier à même de « désenclaver un territoire » et de favoriser la création de « 1 000 emplois ». « Il va réduire la pollution, c’est la première autoroute d’Occitanie en flux libre, sans péage pour éviter les augmentations de polluants au moment du freinage. Il ne faut pas opposer développement économique et désenclavement de nos territoires, et écologie. Tout va ensemble », a-t-il affirmé. « Une autoroute, c’est vraiment le XXe siècle, d’autres solutions moins coûteuses, notamment sur le plan environnemental, étaient possibles », a répliqué Sophie Taillé-Polian. « C’est un entêtement caractérisé de gens qui ne veulent pas reconnaître que ces projets étaient les projets d’avant. »