Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Accord UE-Mercosur : le gouvernement propose un débat et un vote au Parlement
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Alors que la colère monte chez les agriculteurs, de nouveau mobilisés un peu partout en France, le gouvernement annonce qu’il va proposer un débat et un vote au Parlement sur la question de l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie). « J’entends la colère, les tensions, l’incompréhension des agriculteurs sur le projet d’accord UE – Mercosur. La France y est fermement opposée », a rappelé Michel Barnier sur X.
Ce 19 novembre, la ministre des Relations au Parlement a annoncé l’inscription du sujet à l’ordre du jour de l’Assemblée le 26 novembre prochain. Au Sénat, aucune date de débat n’a encore été communiquée, mais une source ministérielle indique à l’AFP qu’il pourrait avoir lieu « sans doute le lendemain de l’Assemblée ».
« Il faudrait que ce débat arrive maintenant, car la situation est bouillonnante »
Alors que la chambre haute entame à peine son examen du budget 2025, du côté de la majorité sénatoriale ce débat est très attendu. « Il faudrait que ce débat arrive maintenant, car la situation est bouillonnante », observe Dominique Estrosi Sassone, présidente LR de la commission des affaires économiques du Sénat. « Même si le programme est chargé dans les semaines qui arrivent, le gouvernement peut très bien décider d’inscrire le débat au Sénat dans la foulée de celui de l’Assemblée, voire au même moment. Quand il y a une volonté, il y a un chemin », remarque le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb.
Pour le moment, la France reste assez isolée dans sa position de rejet de l’accord commercial. Seule l’Italie s’est officiellement opposée au traité, alors que l’Allemagne et l’Espagne y sont très favorables. Malgré tout, pour la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, « tout ce qui peut participer à montrer qu’il y a en France une coalition la plus large possible, de presque tous les partis politiques français et du pouvoir exécutif comme du législatif, est bon à prendre ». Il y a une semaine, plus de 600 parlementaires français – dont les présidents des groupes LR, macroniste, socialiste, écologiste et communiste du Sénat – ont ainsi signé une tribune, adressée à la présidente de la Commission européenne, pour manifester leur rejet de l’accord.
La France entend « tenir un bras de fer aussi longtemps que nécessaire » avec la Commission européenne
Avec la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne et dans le cadre du G20 au Brésil, Ursula von der Leyen entend de son côté accélérer et conclure rapidement sur ce traité de libre-échange. Un débat et un vote contre l’accord UE – Mercosur des parlementaires français ne devrait pas toutefois empêcher la conclusion de l’accord. Si la France dispose d’un droit de veto au Conseil de l’Union européenne dans le cas où un vote à l’unanimité serait nécessaire, elle ne semble pas requise. Pour éviter l’impasse, l’accord pourrait en effet être scindé en deux volets et faire l’objet de deux votes séparés. Le volet politique devrait toujours être validé à l’unanimité, mais le volet commercial pourrait être adopté à la majorité qualifiée (au moins 15 États sur 27, représentant au moins 65 % de la population de l’UE). Dans ce cas de figure, une opposition de la France ne suffirait pas à faire tomber l’accord. Paris devrait réunir une « minorité de blocage » composée d’au moins quatre pays, suffisamment peuplés pour empêcher les partisans de l’accord d’atteindre la barre de 65 % de la population. En marge du G20, ce 19 novembre, Emmanuel Macron a affirmé que la France n’était « pas isolée » dans son opposition au traité « en l’état ».
Pour Laurent Duplomb, un rejet de l’accord UE – Mercosur par le Parlement devrait aussi pousser la France à s’opposer plus fermement à une division de l’accord en deux parties. « Pour le moment, le président de la République dit simplement qu’il s’oppose à l’écriture actuelle du texte. Après les résultats du débat au Parlement, l’exécutif devra dire deux choses : qu’il s’oppose à cet accord, mais aussi qu’il est fermement contre la décision de la Commission de scinder l’accord en deux », estime-t-il. Sur le plateau de TF1, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a promis que le gouvernement continuerait « à tenir un bras de fer aussi longtemps que nécessaire » avec la Commission européenne.
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