Aide alimentaire : le Sénat vote une rallonge de 30 millions d’euros pour répondre à l’« urgence »

Le Sénat a adopté une aide de 30 millions d’euros supplémentaires pour les associations d’aide alimentaire, une mesure soutenue par tous les bancs. Elle s’ajoute aux 20 millions d’euros déjà adoptés par les députés. Le ministre a émis un avis de « sagesse », car « se pose la question de la faisabilité de ces renforts de crédits » et savoir s’ils seront « effectivement utilisés » avant la fin de l’année.
François Vignal

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

C’est un appui crucial pour les associations. Le Sénat a voté lundi soir une aide supplémentaire de 30 millions d’euros en faveur de l’aide alimentaire, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour l’année 2023. Les sénateurs de tous les bancs ont adopté trois amendements identiques du rapporteur LR du budget, Jean-François Husson, des communistes et du groupe RDPI (Renaissance).

Ce PLFG permet d’ajuster à la hausse ou à la baisse les différents crédits budgétaires de l’exercice en cours, selon les besoins. Et des besoins, il y en a actuellement beaucoup pour lutter contre la précarité alimentaire. Cette aide s’ajoute aux 20 millions d’euros déjà votés par les députés lors du passage du texte devant l’Assemblée nationale. Il faut maintenant voir si députés et sénateurs trouveront un accord sur un texte commun en commission mixte paritaire et si ces 30 millions supplémentaires sont conservés. A défaut d’accord, les députés auront le dernier mot.

« Si on ne fait pas cet effort, on est obligé de trier. C’est affreux »

Avec ces 30 millions de plus, il s’agit « de répondre à des difficultés croissantes d’un certain nombre de nos concitoyens qui se trouvent en situation de précarité sociale et alimentaire », a défendu Jean-François Husson, qui souligne que « l’ensemble des intervenants sur l’aide alimentaire, que ce soient les Restos du cœur, la fédération des banques alimentaires, […] tous convergent vers une augmentation de la précarité, avec plus de bénéficiaires, de l’ordre de 20 % » (voir la vidéo). « On a un contexte d’inflation qui est record sur les denrées alimentaires. 21,3 % sur 2 ans, entre août 2021 et 2023. On a un nombre de bénéficiaires qui explose », ajoute le sénateur PCF du Val-de-Marne, Pascal Savoldelli, qui alerte :

 Plus d’un tiers des Français n’a plus les moyens de se nourrir de trois repas dans la journée. 

Pascal Savoldelli, sénateur PCF du Val-de-Marne.

Face à cette pression du nombre de demandeurs, « si on ne fait pas cet effort, on est obligé de trier. C’est affreux », s’indigne le sénateur communiste. « Certaines associations sont amenées à durcir leur barème, c’est-à-dire à ne pas prendre autant de bénéficiaires que par le passé, alors que la demande elle-même augmente. Nous sommes donc dans une situation d’urgence », insiste Arnaud Bazin, sénateur LR du Val-d’Oise et rapporteur spécial de cette mission pour le budget.

« On a vu, avec la crise du covid, des files d’attente énormes devant les soupes populaires, de femmes, d’enfants, d’étudiants », rappelle le sénateur PCF Fabien Gay. Le sénateur de Seine-Saint-Denis note au passage que « c’est à l’Etat d’organiser la solidarité nationale, et non pas à quelques grandes fortunes qui répondront au coup par coup, par générosité, comme le 15 septembre dernier, aux Restos du cœur ». Une référence au don de 10 millions d’euros fait par Bernard Arnault, président de LVMH, à la célèbre association.

« Nous avons tous été alertés par les associations d’aide alimentaire, notamment les Restos du cœur, par la gravité de la situation »

Le sujet traverse la gauche, la droite, comme la majorité présidentielle. « Nous avons tous été alertés par les associations d’aide alimentaire, notamment les Restos du cœur, par la gravité de la situation actuelle. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus satisfaire toutes les demandes et sont dans une obligation de refuser un certain nombre de nos concitoyens dans le besoin », signale Xavier Iacovelli, sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine, dont le « groupe RDPI souhaite renforcer ce soutien ».

Signe de l’unanimité qui règne sur le sujet dans l’hémicycle – les socialistes ont aussi soutenu la mesure – la sénatrice centriste Annick Billon s’est « réjoui que cet amendement soit porté par tous les groupes sur tous les bancs ce soir ». L’ancienne présidente de la délégation au droit des femmes du Sénat ajoute qu’on voit « de plus en plus de femmes dans ces files d’attente et aussi de famille monoparentales ».

« Cette question de la précarité est prise très au sérieux. Il y a systématiquement des moyens supplémentaires qui sont engagés », assure le ministre Thomas Cazenave

Malgré ce soutien généralisé, y compris du groupe des sénateurs Renaissance, le gouvernement n’a pas donné un avis favorable à l’amendement, comme il l’a fait sur les 20 millions adoptés à l’Assemblée, mais cette fois « un avis de sagesse », a annoncé le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave (voir la vidéo). « Cette question de la précarité est prise très au sérieux. Il y a systématiquement des moyens supplémentaires qui sont engagés », a assuré le ministre délégué, donnant des chiffres éclairants :

 En 2023, la dépense consacrée à l’aide alimentaire atteint un niveau historique de 156 millions d’euros. C’est le double de 2021 et le triple du niveau de 2018. 

Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des Comptes publics.

Mais Thomas Cazenave a rappelé aux sénateurs que « nous sommes dans un PLF de fin de gestion, et la question qu’on doit se poser, c’est si les crédits qui sont votés, sont des crédits qui seront effectivement utilisés. Nous atteignons un montant record pour l’aide alimentaire et se pose la question de la faisabilité de ces renforts de crédits supplémentaires ». Ce PLFG réduit en effet certaines lignes budgétaires adoptés l’an dernier, mais non intégralement dépensées, comme les 800 millions d’euros destinés à MaPrimeRenov’.

Le ministre des Comptes publics, qui « note néanmoins une forme de partage très large sur les bancs à destination du renfort », répète que le gouvernement est « extrêmement attentifs » au sujet. Il s’est donc remis à « la sagesse » du Sénat, qui a adopté cette rallonge de 30 millions d’euros supplémentaires, pour terminer l’année 2023, avant d’entamer la suivante. Et Jean-François Husson prévient déjà : « Il y aura un besoin de rallonge dans la deuxième partie de l’année 2024 ».

Dans la même thématique

Aide alimentaire : le Sénat vote une rallonge de 30 millions d’euros pour répondre à l’« urgence »
5min

Parlementaire

Budget 2025 : « Les vaincus se sont alliés aux loosers pour gouverner », tacle Fabien Gay

Lors du débat budgétaire à l’Assemblée nationale les parlementaires du Nouveau Front populaire ont réussi à faire voter de nombreux amendements, notamment des hausses d’impôt, contre l’avis du gouvernement. En face, les élus du bloc central ont été épinglés pour leur faible taux de présence. Pour le sénateur communiste Fabien Gay, invité ce vendredi de l’émission « Parlement hebdo », cette situation trahit la vulnérabilité de la coalition gouvernementale.

Le

Aide alimentaire : le Sénat vote une rallonge de 30 millions d’euros pour répondre à l’« urgence »
3min

Parlementaire

Budget de la Sécu : le texte transmis au Sénat conservera les amendements « qui ont reçu un avis favorable du gouvernement »

Les députés n’ont pas pu aller au bout de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Néanmoins, le gouvernement s’engage à conserver certains des amendements votés en séance dans la version du texte sur laquelle doit désormais plancher le Sénat. Au micro de Public Sénat, la ministre chargée des Relations avec le Parlement a également apporté des précisions sur le calendrier d’examen du budget général de l’Etat.

Le

Aide alimentaire : le Sénat vote une rallonge de 30 millions d’euros pour répondre à l’« urgence »
4min

Parlementaire

Les tentatives de manipulations de l’information en France sont en hausse en 2024, alerte Viginum

Auditionnés par la commission de la Défense et des Affaires étrangères du Sénat, Stéphane Bouillon, secrétaire général du SGDSN, (Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale), les patrons de l’Anssi et de la Viginum ont fait le bilan de leur action l’année dernière et listé les défis qui s’annoncent en 2025 avec une enveloppe budgétaire en baisse.

Le

Aide alimentaire : le Sénat vote une rallonge de 30 millions d’euros pour répondre à l’« urgence »
7min

Parlementaire

Sécurité : le Sénat vote le renforcement de la surveillance des auteurs d’infractions sexuelles et terroristes

Ce 5 novembre, le Sénat a voté une proposition de loi élargissant l’usage des fichiers dans lesquels sont inscrits les auteurs d’infractions sexuelles, violentes ou terroristes. En commission des lois, un amendement avait été ajouté au texte pour allonger la durée de rétention administrative des étrangers auteurs d’une infraction sexuelle ou violente grave. À la demande du gouvernement, celui-ci a été retiré.

Le