C’est un appui crucial pour les associations. Le Sénat a voté lundi soir une aide supplémentaire de 30 millions d’euros en faveur de l’aide alimentaire, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour l’année 2023. Les sénateurs de tous les bancs ont adopté trois amendements identiques du rapporteur LR du budget, Jean-François Husson, des communistes et du groupe RDPI (Renaissance).
Ce PLFG permet d’ajuster à la hausse ou à la baisse les différents crédits budgétaires de l’exercice en cours, selon les besoins. Et des besoins, il y en a actuellement beaucoup pour lutter contre la précarité alimentaire. Cette aide s’ajoute aux 20 millions d’euros déjà votés par les députés lors du passage du texte devant l’Assemblée nationale. Il faut maintenant voir si députés et sénateurs trouveront un accord sur un texte commun en commission mixte paritaire et si ces 30 millions supplémentaires sont conservés. A défaut d’accord, les députés auront le dernier mot.
« Si on ne fait pas cet effort, on est obligé de trier. C’est affreux »
Avec ces 30 millions de plus, il s’agit « de répondre à des difficultés croissantes d’un certain nombre de nos concitoyens qui se trouvent en situation de précarité sociale et alimentaire », a défendu Jean-François Husson, qui souligne que « l’ensemble des intervenants sur l’aide alimentaire, que ce soient les Restos du cœur, la fédération des banques alimentaires, […] tous convergent vers une augmentation de la précarité, avec plus de bénéficiaires, de l’ordre de 20 % » (voir la vidéo). « On a un contexte d’inflation qui est record sur les denrées alimentaires. 21,3 % sur 2 ans, entre août 2021 et 2023. On a un nombre de bénéficiaires qui explose », ajoute le sénateur PCF du Val-de-Marne, Pascal Savoldelli, qui alerte :
Face à cette pression du nombre de demandeurs, « si on ne fait pas cet effort, on est obligé de trier. C’est affreux », s’indigne le sénateur communiste. « Certaines associations sont amenées à durcir leur barème, c’est-à-dire à ne pas prendre autant de bénéficiaires que par le passé, alors que la demande elle-même augmente. Nous sommes donc dans une situation d’urgence », insiste Arnaud Bazin, sénateur LR du Val-d’Oise et rapporteur spécial de cette mission pour le budget.
« On a vu, avec la crise du covid, des files d’attente énormes devant les soupes populaires, de femmes, d’enfants, d’étudiants », rappelle le sénateur PCF Fabien Gay. Le sénateur de Seine-Saint-Denis note au passage que « c’est à l’Etat d’organiser la solidarité nationale, et non pas à quelques grandes fortunes qui répondront au coup par coup, par générosité, comme le 15 septembre dernier, aux Restos du cœur ». Une référence au don de 10 millions d’euros fait par Bernard Arnault, président de LVMH, à la célèbre association.
« Nous avons tous été alertés par les associations d’aide alimentaire, notamment les Restos du cœur, par la gravité de la situation »
Le sujet traverse la gauche, la droite, comme la majorité présidentielle. « Nous avons tous été alertés par les associations d’aide alimentaire, notamment les Restos du cœur, par la gravité de la situation actuelle. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus satisfaire toutes les demandes et sont dans une obligation de refuser un certain nombre de nos concitoyens dans le besoin », signale Xavier Iacovelli, sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine, dont le « groupe RDPI souhaite renforcer ce soutien ».
Signe de l’unanimité qui règne sur le sujet dans l’hémicycle – les socialistes ont aussi soutenu la mesure – la sénatrice centriste Annick Billon s’est « réjoui que cet amendement soit porté par tous les groupes sur tous les bancs ce soir ». L’ancienne présidente de la délégation au droit des femmes du Sénat ajoute qu’on voit « de plus en plus de femmes dans ces files d’attente et aussi de famille monoparentales ».
« Cette question de la précarité est prise très au sérieux. Il y a systématiquement des moyens supplémentaires qui sont engagés », assure le ministre Thomas Cazenave
Malgré ce soutien généralisé, y compris du groupe des sénateurs Renaissance, le gouvernement n’a pas donné un avis favorable à l’amendement, comme il l’a fait sur les 20 millions adoptés à l’Assemblée, mais cette fois « un avis de sagesse », a annoncé le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave (voir la vidéo). « Cette question de la précarité est prise très au sérieux. Il y a systématiquement des moyens supplémentaires qui sont engagés », a assuré le ministre délégué, donnant des chiffres éclairants :
Mais Thomas Cazenave a rappelé aux sénateurs que « nous sommes dans un PLF de fin de gestion, et la question qu’on doit se poser, c’est si les crédits qui sont votés, sont des crédits qui seront effectivement utilisés. Nous atteignons un montant record pour l’aide alimentaire et se pose la question de la faisabilité de ces renforts de crédits supplémentaires ». Ce PLFG réduit en effet certaines lignes budgétaires adoptés l’an dernier, mais non intégralement dépensées, comme les 800 millions d’euros destinés à MaPrimeRenov’.
Le ministre des Comptes publics, qui « note néanmoins une forme de partage très large sur les bancs à destination du renfort », répète que le gouvernement est « extrêmement attentifs » au sujet. Il s’est donc remis à « la sagesse » du Sénat, qui a adopté cette rallonge de 30 millions d’euros supplémentaires, pour terminer l’année 2023, avant d’entamer la suivante. Et Jean-François Husson prévient déjà : « Il y aura un besoin de rallonge dans la deuxième partie de l’année 2024 ».