Paris: Election President du Senat

« Air du temps » auquel il ne faut pas céder selon Macron, l’écriture inclusive et son interdiction en débat au Sénat

Les sénateurs et sénatrices se penchent ce lundi soir sur le sort de cette façon d’écrire le français qui consiste à faire apparaître de manière plus marquée le féminin, afin de faire progresser une représentation plus égalitaire des hommes et des femmes. La proposition, examinée quelques heures après que le chef de l’Etat a tancé l’utilisation de l’écriture inclusive à Villers-Cotterêts, pourrait être adoptée.
Camille Romano

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le point médian vivrait-il ses dernières heures ? Assurément, si on écoute Pascale Gruny. Pour la sénatrice Les Républicains de l’Aisne, auteure de cette proposition de loi, examinée par le Sénat ce lundi 30 octobre, cette écriture qui « s’impose à nous » et qui « n’apporte rien à l’égalité homme femme » est un danger pour le français : « Il n’y a pas besoin de rendre plus complexe la langue française. », assume la sénatrice. Elue de l’Aisne, un département aux prises avec « l’illettrisme » comme elle le souligne, Pascale Gruny met en avant les faux-semblants « d’une écriture inclusive qui devient en fait exclusive pour les personnes en situation de handicap, atteintes de troubles dys ou autistiques… »

L’auteur du texte se félicite des apports effectués par ses collègues en commission, des précisions sur les modalités de l’interdiction de l’écriture inclusive : exit les pronoms dits neutres comme « iel », « ael » ou autres « ul », considérés comme des néologismes. Ainsi amendé, le texte rend nul les actes juridiques rédigés en écriture inclusive, et étend aux personnes publiques ou privées chargées de mission de service public l’interdiction. Une interdiction qui passait nécessairement par le législatif ? Assurément selon la sénatrice, qui avance que les circulaires prises sur le sujet ces dernières années ne sont tout simplement « pas assez contraignantes ».

Le clin d’œil d’Emmanuel Macron, la réserve de Rima Abdul-Malak

Dans ce débat qui a réactivé des clivages idéologiques entre la droite et la gauche, les sénateurs LR, qui portent le texte, ont vu comme un signe positif l’attaque d’Emmanuel Macron. Le président de la République, sans faire référence au texte, a sèchement tancé l’utilisation de l’écriture inclusive dans son discours d’inauguration de la Cité internationale de la langue française, ce lundi 30 octobre, à Villers-Cotterêts, sans pour autant se prononcer en faveur de son interdiction.

Quelques heures à peine avant l’ouverture de la séance, Emmanuel Macron refuse de « céder aux airs du temps » de l’écriture inclusive : « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets ou des choses pour la rendre lisible ». Un clin d’œil qui a « ravi » Pascale Gruny, qui était aux côtés d’Emmanuel Macron ce lundi matin, en tant que locale de l’étape. « J’avais sollicité son soutien en l’accueillant », confie Pascale Gruny, ainsi que celui de son épouse Brigitte Macron, qu’elle savait déjà opposée à l’utilisation du pronom « iel ».

Contactée par Public Sénat, la sénatrice pensait pouvoir compter sur le soutien de la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, bien qu’elle n’ait pas eu l’occasion de sonder la ministre sur le sujet.

Si sur les questions d’accessibilité et d’intelligibilité, ministre et sénatrice semblent tomber d’accord, la ministre n’est pas favorable à un texte de loi sur le sujet. « Il y a déjà plusieurs circulaires qui ont été prises, pour que dans les documents administratifs, les documents publiés au Journal Officiel, dans l’enseignement scolaire, il n’y ait pas d’écriture inclusive, c’est-à-dire avec point médian, parce que c’est un enjeu d’intelligibilité de la langue. », explique la ministre sur BFMTV. « Pour autant, une langue ne se fige pas, ne se fixe pas, c’est Victor Hugo qui le disait, « une langue est toujours en mouvement ». Il ne faut pas bloquer par la loi la possibilité d’évolution d’une langue, y compris pour féminiser, amener des nouveaux mots qui peuvent entrer dans le dictionnaire… Ce n’est pas tellement ni à une ministre ni à un parlementaire d’en décider… » poursuit la ministre avant de conclure : « Oui pour l’évolution de la langue, mais préservons sa facilité de lecture. »

Quelle majorité pour la suite ?

Dans l’hémicycle, la discussion pourrait être brève : seulement deux amendements, de suppression, ont été déposés, par le sénateur socialiste Yan Chantrel. Le socialiste devrait être soutenu par le groupe écologiste, la sénatrice des Français de l’étranger Mathilde Ollivier a déjà fait part sur X (ex-Twitter) de sa volonté de « défendre l’usage de l’écriture inclusive, face à une droite toujours plus à droite et toujours plus réactionnaire ». « Mon but n’est pas politique », se défend la sénatrice de l’Aisne. « Je suis dans la défense de la langue française et de son apprentissage. Le sujet devient politique parce que l’écriture inclusive est politique, mais ce n’est pas de mon fait. »

S’il est adopté par le Sénat, il faudra ensuite que le texte soit adopté par l’Assemblée nationale avant d’être promulgué. La sénatrice devrait se rapprocher, avec son président de groupe Bruno Retailleau, de ses collègues de l’Assemblée nationale, avec l’espoir de trouver une place pour son texte lors de la niche parlementaire des députés LR, le 7 décembre. Le palais Bourbon, qui peine régulièrement à trouver des majorités, pourrait-il voter un tel texte ? Rien n’est moins sûr : le 12 octobre, l’Assemblée nationale devait examiner un texte similaire, présenté par le RN lors de sa niche parlementaire. Le texte, rejeté en commission, n’avait pas été examiné jusqu’au bout par l’Assemblée.

Dans la même thématique

USSAT LES BAINS : Cure thermale pour les malades Parkinsoniens
5min

Parlementaire

Cures thermales : « Le déremboursement conduirait à une situation catastrophique », alerte le sénateur Jean-Marc Boyer

Entre vertus thérapeutiques et source d’emplois, la deuxième « Journée Parlementaire du Thermalisme », qui s’est tenue au Sénat ce mardi, est venue saluer les bénéfices des cures thermales. Pour l’organisateur de cette journée, le sénateur Jean-Marc Boyer, il est urgent de « maintenir » le remboursement des soins par l’Assurance Maladie.

Le

« Air du temps » auquel il ne faut pas céder selon Macron, l’écriture inclusive et son interdiction en débat au Sénat
3min

Parlementaire

Scandale des eaux en bouteille : « La fin de l’eau minérale naturelle de Perrier est en jeu », déclare Alexandre Ouizille

Ce vendredi, le sénateur socialiste Alexandre Ouizille était l’invité de la matinale de Public Sénat. Rapporteur de la commission d’enquête sur le scandale des eaux en bouteille qui met en cause le groupe Nestlé Waters, le sénateur estime qu’il n’est « plus possible de commercialiser » les eaux Perrier comme des « eaux minérales naturelles ».

Le

Clamart: President of Libre, Pecresse during a political meeting
4min

Parlementaire

Reconnaissance de la Palestine : Roger Karoutchi adresse une lettre à Emmanuel Macron

Après l’annonce d’Emmanuel Macron, dans une interview accordée à C à Vous le 8 avril dernier, d’une reconnaissance de la Palestine en juin prochain, le sénateur Les Républicains, Roger Karoutchi, a adressé une lettre ouverte, signée par 107 sénateurs, au président de la République estimant que « les conditions ne sont pas remplies pour cette reconnaissance ».

Le