Au Sénat, le CETA pourrait rapprocher la droite et la gauche : « C’est une nouvelle forme de majorité », tacle le patron des centristes 

Pour la première fois, le Sénat va s’exprimer sur le CETA, un accord de libre-échange entre l’UE et le Canada. La majorité sénatoriale de droite et du centre affiche des positions divergentes sur ce texte. À notre micro, Hervé Marseille, le chef de file des sénateurs centristes, reproche à ses partenaires LR d’utiliser ce débat à des fins électoralistes, à trois mois des européennes.
Romain David

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le débat pour la ratification du CETA créé de sérieux remous au sein de la majorité sénatoriale de droite et du centre. Jeudi, les sénateurs seront amenés à se prononcer pour la première fois sur ce traité de libre-échange conclu entre l’UE et le Canada en 2014, déjà très largement entré en vigueur, mais sur lequel la Chambre haute ne s’est jamais exprimée. C’est à la faveur de la niche parlementaire des communistes que ce texte a pu être inscrit à l’ordre du jour, dans un contexte de grogne agricole qui a vu ce type de partenariat commercial largement dénoncé. Agriculteurs et producteurs leur reprochent de faire entrer sur le marché européen des denrées qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes sanitaires, sociales et environnementales que celles produites dans les Etats membres.

Bruno Retailleau, le patron des LR du Sénat, a fait savoir que les membres de son groupe allaient très majoritairement se prononcer contre cette ratification, ralliant ainsi la gauche, ce qui n’a pas manqué de soulever la perplexité de ses alliés centristes, plutôt favorables au CETA. « On est au Sénat et le Sénat a l’habitude de l’équilibre. Moi, je respecte mes collègues républicains, j’entends qu’ils nous respectent ! », s’agace au micro de Public Sénat Hervé Marseille, le président du groupe Union centriste. L’élu des Hauts-de-Seine dénonce un positionnement démagogique de la part des LR, en pleine campagne pour les élections européennes.

« Je respecte la position exprimée par les LR, mais je regrette que tout cela soit fait sans nuance. Je crois que le CETA est l’un des rares accords commerciaux qui soient très profitables à notre pays », explique-t-il. « Les deux rapporteurs ont été choisis par la même formation, par le même groupe, et les deux rapporteurs sont plus des procureurs que des rapporteurs », estime Hervé Marseille, qui vise notamment le sénateur LR de la Haute-Loire, Laurent Duplomb, président du groupe d’étude sur l’agriculture, et auteur d’une proposition de loi « en faveur de la ferme France ».

« Comme il y a des élections européennes, tout le monde fait la ligne de front »

« Il y a deux rapporteurs. Ils ont été choisis à dessein pour obtenir un certain vote avec la gauche. C’est une nouvelle forme, vous en conviendrez, de majorité », tacle le sénateur. « Nous sommes au Sénat et le Sénat a l’habitude de plus d’équilibre », souligne l’élu. « On prend en compte la diversité des opinions. Là, il y a préemption sur un sujet parce qu’il y a des élections et que l’on veut à tout prix montrer que tout ça, ça va dans le sens de la défense des agriculteurs et qu’il ne faut rien faire d’autre. »

« Comme il y a des élections européennes, tout le monde fait la ligne de front pour dire, ‘regardez, on veut faire quelque chose contre l’exécutif’. Ce n’est pas sérieux », soupire encore le centriste. Rappelons que le scrutin du 9 juin prochain est aussi un élément de division entre Hervé Marseille et les LR, dans la mesure où son parti, l’UDI, a fait le choix de s’allier au camp présidentiel pour cette élection.

Jeudi, les centristes déposeront une motion de renvoi en commission, qui sera examinée juste avant l’ouverture de la discussion publique sur le CETA. Si cette motion est adoptée, les débats seront ajournés et le texte soumis à un nouvel examen en commission. « Je souhaite que l’on revienne à des choses plus orthodoxes, plus partagées et plus équilibrées », ajoute Hervé Marseille.

Partager cet article

Dans la même thématique

Au Sénat, le CETA pourrait rapprocher la droite et la gauche : « C’est une nouvelle forme de majorité », tacle le patron des centristes 
6min

Parlementaire

Commission d’enquête du Sénat sur les agences : « Tous ceux qui annoncent des milliards d’euros d’économies mentent un peu aux Français »

Selon les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur les agences et opérateurs d’Etat, il ne sera pas possible de trouver des milliards d’euros d’économies en supprimant ces structures, sauf à stopper leurs politiques publiques. En poussant les mutualisations, près de 540 millions d’euros peuvent être espérés. Un constat qui démonte le récit fait par la ministre Amélie de Montchalin.

Le

Covid-19 Saint Denis hopital Delafontaine
5min

Parlementaire

Fin de vie : le Sénat se nourrit des expériences étrangères

Après avoir entendu les anciens députés Jean Leonetti et Alain Claeys, auteurs du texte de loi « Claeys – Leonetti » relatif aux droits du patient en fin de vie, les sénateurs de la commission des affaires sociales ont souhaité entendre certaines expériences étrangères où l’euthanasie est autorisée comme en Belgique, au Québec et aux Pays-Bas.

Le

Au Sénat, le CETA pourrait rapprocher la droite et la gauche : « C’est une nouvelle forme de majorité », tacle le patron des centristes 
5min

Parlementaire

Canicule : « Les gens ne meurent pas de la chaleur, mais de l’action climaticide du gouvernement », accuse la sénatrice Mélanie Vogel

Durant la séance de questions d’actualité au gouvernement, ce mercredi 2 juillet, l’élue écologiste a accusé le gouvernement de « mener une politique climaticide dictée par l’extrême droite », afin de se maintenir au pouvoir dans un contexte de forte fracturation politique. Alors que la France suffoque depuis plusieurs jours sous une vague de chaleur particulièrement précoce et intense, la ministre Agnès Pannier-Runacher a tenté de faire valoir les adaptations mises en place depuis la canicule de 2003.

Le