Autonomie de la Corse : « Vous êtes en train de capituler devant les séparatistes », lance le sénateur LR Francis Szpiner à Gérald Darmanin

« Vous venez de déconstruire la République et d’ouvrir la boîte de Pandore », dénonce le sénateur LR, après qu’un accord a été conclu entre le ministre de l’Intérieur et les élus corses sur l’autonomie de l’île. Sans le vote du Sénat, la réforme de la Constitution, indispensable pour conclure la réforme, ne sera pas possible.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

La question corse s’est invitée aux questions d’actualité au gouvernement du Sénat, ce mercredi. L’accord (voir ici le texte) conclu entre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et une majorité des élus de l’île, ouvrant la voie à un statut d’autonomie de la Corse, après une réforme constitutionnelle, fait débat et même polémique. Chez les sénateurs LR, il passe mal. Bruno Retailleau, à la tête du groupe LR de la Haute assemblée, dénonce déjà des « difficultés absolument majeures ». Or sans le vote conforme du Sénat, pas de révision de la Constitution.

« Une manière très cagoulée de répondre… »

Le sénateur LR Francis Szpiner a pris le relais ce mercredi. « Ce texte viole à l’évidence les principes républicains », dénonce le sénateur de Paris. Cet avocat de profession cite au passage les mots du site internet de l’Elysée : « Aucun individu, aucune partie de la population française, ne peut s’arroger un exercice de la souveraineté qui appartient aux citoyens français dans leur ensemble ». Or le projet de réforme prévoit de donner à la Corse la possibilité de définir ses propres lois locales.

Lire aussi » Autonomie de la Corse : Bruno Retailleau dénonce des « difficultés absolument majeures »

« En vérité, votre texte, dont Monsieur Simeoni (président de l’exécutif Corse, ndlr) a compris le sens, puisqu’il sait le traduire. La « communauté », c’est en réalité le peuple corse dissimulé. C’est finalement une manière très cagoulée de répondre à vous… La « linguistique », c’est la co-officialité de la langue corse. « L’attachement singulier à sa terre », c’est le statut de résidence. Et enfin, vous faites l’adaptation des lois et règlements sans le contrôle du Parlement. La vérité, c’est que vous venez de déconstruire la République et d’ouvrir la boîte de Pandore », dénonce Francis Szpiner, qui craint qu’après « la Bretagne », « en Alsace et au Pays Basque, on regarde avec impatience ce que vous êtes en train de faire ». Et d’ajouter : « Vous êtes en train de capituler devant les séparatistes. La République est une et indivisible. Et nous la défendrons ».

« Le Sénat aura le dernier mot », lance Gérald Darmanin

Gérald Darmanin rétorque et assure que le texte « ne prévoit ni le peuple corse, ni la co-officialité de la langue corse, ni le statut de résident ». Après la consultation de l’Assemblée de Corse, « il appartiendra évidemment aux deux assemblées de se prononcer et, si elles le souhaitent, de l’amender. Et par ailleurs, ce texte prévoit qu’une loi organique encadre chacune des dispositions qui permettent de décentraliser et parfois de définir les normes par la collectivité de Corse. C’est donc le Sénat qui aura le dernier mot », lance étonnamment le ministre de l’Intérieur.

En matière constitutionnelle, Assemblée et Sénat sont plutôt à armes égales. Le projet de loi doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres, donnant un pouvoir de blocage au Sénat, comme à l’Assemblée.

Lire aussi » [Document] Autonomie de la Corse : le texte de l’accord entre le gouvernement et les élus

Eric Ciotti voulait veut reconnaître « la spécificité de l’identité corse dans la République », rappelle le ministre

Gérard Darmanin s’amuse au passage à rappeler une interview d’Eric Ciotti, président de LR, accordée à Corse Matin, datée du 22 septembre 2021, où il affirme : « Ce qu’avait porté le Président Sarkozy pour la Corse est le bon chemin, […] il faut poursuivre dans cette voie en reconnaissant la spécificité de l’identité corse dans la République ». Ou un tweet de Valérie Pécresse, de mars 2022, qui « se prononçait pour une autonomie des régions, et notamment la Corse ». Le ministre de l’Intérieur conclut ainsi : « Je rappelle que ce n’est pas le gouvernement de la République qui a demandé l’autonomie mais les Corses, qui part trois fois, ont élu des autonomistes. Je crois que dans la chambre des territoires, vous pourriez l’écouter ».

Partager cet article

Dans la même thématique

Des échanges parfois vifs, des questions à plusieurs milliards d’euros, 87 heures d’auditions : la saga de la commission d’enquête sur les aides aux entreprises
12min

Parlementaire

Des échanges parfois vifs, des questions à plusieurs milliards d’euros, 87 heures d’auditions : la saga de la commission d’enquête sur les aides aux entreprises

Série – Les enquêtes du Sénat : Durant six mois, une commission d’enquête au Sénat a enchaîné les auditions d’une trentaine de patrons de grandes entreprises, mais également de responsables politiques, de hauts fonctionnaires ou encore d’économistes sur le sujet des aides publiques versées aux entreprises.

Le

Senat- Questions au gouvernement
8min

Parlementaire

Texte narcotrafic, loi Duplomb sur l’agriculture, PPL Gremillet sur le nucléaire : comment le gouvernement s’appuie sur le Sénat pour légiférer

Faute de majorité claire et sûre à l’Assemblée, le gouvernement ne dépose quasiment plus de projets de loi. Il mise plutôt sur les propositions de loi, d’origine parlementaire. Et dans ce contexte, le Sénat tire son épingle du jeu. L’exécutif peut compter sur la majorité sénatoriale, dont il est proche.

Le

L’hémicycle de l’Assemblée nationale
8min

Parlementaire

« On se demande ‘à quoi sert-on ?’ » : retour sur une année parlementaire inédite, qui a démoralisé les élus

Avec l’arrivée à Matignon de François Bayrou, les parlementaires ont vu cette année l’exercice de leurs fonctions profondément modifié. Très peu de projets de loi, issus du gouvernement, et pléthore de propositions de lois, rédigées par un député ou un sénateur, dont l’impact n’est pas évalué a priori. Une situation inédite dans l’histoire de la Ve République, qui a démotivé et démobilisé les élus, et interroge sur le rôle du Parlement dans la période.

Le