Face à la crise en Nouvelle-Calédonie, l’exécutif s’est finalement résigné à décaler d’une année les élections provinciales qui étaient prévues en décembre. Mais ce report nécessite un texte de loi. Dans un contexte parlementaire tendu, l’exécutif devrait s’appuyer sur une proposition de loi déposée par les sénateurs socialistes.
Bombardements de Gaza : « Israël ne doit pas tomber dans le piège du Hamas », avertit Élisabeth Borne
Par Romain David
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C’est dans un climat apaisé que s’est tenu, mardi soir au Sénat, le débat promis par le gouvernement sur la situation au Proche Orient. Loin de l’atmosphère électrique qui a agité l’Assemblée nationale, 24 heures plus tôt. Il faut dire que du côté de la Chambre haute, le consensus domine d’un groupe politique à l’autre sur ce dossier, avec une même volonté de considérer le Hamas comme une organisation terroriste, de reconnaître à Israël le droit de se défendre dans le respect des conventions internationales. Même attention portée aussi de la part des élus à l’égard des populations palestiniennes de la bande de Gaza, considérées à la fois comme victimes des frappes israéliennes et des velléités terroristes du Hamas. « Les mots ont un sens, refuser d’en prononcer certains aussi. Ici au Sénat, personne n’a d’états d’âme pour qualifier le Hamas de groupe terroriste et je veux le saluer », a déclaré la Première ministre Élisabeth Borne en clôture des discussions.
Une heure et demie plus tôt, la cheffe du gouvernement avait abordé ce débat parlementaire par un point sur la situation, alors qu’Emmanuel Macron était à Tel-Aviv ce mardi, où il s’est entretenu avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. « Une situation extrêmement évolutive », a souligné la Première ministre. Pour l’heure, le bilan français de l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre dernier, qui a fait au moins 1 400 victimes et 5 000 blessés selon les autorités israéliennes, reste inchangé : 30 morts et 9 ressortissants portés disparus ou enlevés.
Le choix des mots
« Cette attaque n’était en rien comparable aux derniers épisodes de violences. Ce déchaînement de barbarie commandité par le Hamas montre un changement de nature et d’échelle », a estimé la cheffe du gouvernement. « Minimiser, justifier, voire absoudre le terrorisme c’est accepter qu’il frappe à nouveau demain, en Israël, en France ou partout ailleurs. Nous ne devons faire preuve d’aucune ambiguïté. Ceux qui confondent le droit du peuple israélien à disposer d’un Etat et la justification du terrorisme commettent une faute morale, politique et stratégique », a-t-elle martelé. Une adresse indirecte à l’attention des membres de La France insoumis – même si le Sénat ne compte aucun élu LFI -, qui refusent de considérer le Hamas comme une organisation terroriste.
À la tribune, Bruno Retailleau, le président des sénateurs LR, lui a emboîté le pas, en voulant rappeler « aux islamo-gauchistes qui se déshonorent en refusant de qualifier de terroristes les crimes commis que le Hamas n’est pas un mouvement de libération, et que le credo de son inspirateur était de soumettre la Palestine à la charia ».
« On peut disserter sans fin des raisons qui ont poussé le Hamas à cet effroyable massacre, elles sont nombreuses. Mais il en est une qui domine toutes les autres : anéantir les accords d’Abraham (en faveur du processus de paix, ndlr). Et si les mains qui ont égorgé les enfants israéliens viennent de Gaza, le cerveau qui a conçu ce plan atroce et machiavélique est à Téhéran », a tenu à dénoncer Claude Malhuret, le président du groupe Les Indépendants. L’ancien secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme a voulu prendre de la hauteur pour replacer ce nouveau chapitre du conflit israélo-palestinien dans un contexte international « d’affrontement des démocraties et des dictatures ».
Le sort des Palestiniens
Élisabeth Borne a également insisté sur la préoccupation de la France à l’égard des Gazaouis, et « la catastrophe humanitaire en cours » : « Plus d’un million de personnes ont été déplacées, l’accès aux services essentiels est interrompu, la nourriture et le fioul manquent, les civils n’ont plus d’eau et les hôpitaux sont saturés », a énuméré la Première ministre. « Israël ne doit pas tomber dans le piège du Hamas », a-t-elle insisté, rappelant que « la réponse militaire doit se faire dans le respect du droit international, et que les populations civiles ne doivent pas payer pour les terroristes. »
« L’honneur des démocraties n’est jamais de s’abaisser au niveau de ceux qui veulent nous tirer vers le bas », a averti Bruno Retailleau. Plus directe, Cécile Cukierman, la nouvelle cheffe de file des communistes du Sénat, a estimé que « l’engrenage de la violence s’amplifi[ait] d’heure en heure ». « Nous ne pouvons accepter que l’Etat d’Israël et le gouvernement de Monsieur Netanyahou passe du droit à se défendre au droit à se venger », a accusé l’élue de la Loire.
Le Hamas a fait état de plus de 5 000 morts à Gaza sous les bombes israéliennes, un chiffre à manier avec précaution. « Des milliers de Palestiniens sont morts à Gaza, dont plus de 2 000 enfants », s’est contentée d’indiquer Élisabeth Borne. La France entend par ailleurs continuer à adresser un soutien financier aux territoires palestiniens. La Première ministre a ainsi confirmé le déblocage d’une « aide supplémentaire de 10 millions d’euros », en plus des fonds déjà prévus par les programmes d’aide au développement (qui ont atteint les 100 millions d’euros en 2022), ainsi que l’envoi « prochainement » d’un avion de fret humanitaire pour soutenir la population de Gaza.
Une « coalition internationale » contre le Hamas
Les élus ont également réagi aux déclarations faites par Emmanuel Macron durant sa visite en Israël. Le président de la République a évoqué la nécessité de bâtir « une coalition régionale et internationale » contre le Hamas, qui pourrait aussi être celle déjà mise en place contre Daesh en zone irako-syrienne depuis 2014. « Nous avons besoin de précisions sur cette annonce, son périmètre exact et son opérationnalité », a fait savoir Patrick Kanner, le patron des sénateurs socialiste. « La sidération ne doit pas nous paralyser, au contraire nous devons nous élever, constituer des remparts contre les forces obscurantistes », a toutefois reconnu l’élu du Nord, dressant un parallèle entre la situation au Proche-Orient et l’attentat d’Arras.
« Nous sommes surpris des propos du président, pouvant laisser entendre à un nouvel engagement militaire de la France dans le cadre de l’extension du champ d’intervention de la coalition internationale contre Daesh. Si cela devait se confirmer, inévitablement, un débat et un vote au Parlement seraient indispensables », a relevé Cécile Cukierman. « La coalition mise en place contre Daesh n’implique pas exclusivement des actions militaires sur le terrain mais aussi un certain nombre d’actions en matière de renseignements, de lutte contre le financement du terrorisme, de lutte contre le jihadisme en ligne et sur les réseaux sociaux », a tenu à préciser Olivier Becht, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger, qui remplaçait au pied levé la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, actuellement en déplacement à New York.
Les remontrances d’Hervé Marseille
Notons enfin que ce débat s’est ouvert par un rappel au règlement à l’initiative d’Hervé Marseille, le président du groupe Union centriste, l’une des composantes de la majorité sénatoriale. L’élu des Hauts-de-Seine a reproché au gouvernement d’avoir enterré la proposition de résolution sur Israël portée par plusieurs présidents de groupe du Sénat, parmi lesquels pourtant des soutiens d’Emmanuel Macron. « Cette résolution disait des choses simples, elle qualifiait les faits. Nous demandions que ce qui peut faire l’objet d’une qualification de crime contre l’humanité puisse faire l’objet d’une instruction devant la Cour internationale de justice. Je pense que ce que nous avons fait pour les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan pouvait être fait pour les populations massacrées en Israël », a déploré Hervé Marseille.
Le gouvernement n’a pas souhaité inscrire ce texte à l’ordre du jour. Selon nos informations, l’Elysée a considéré que son contenu ne cadrait pas suffisamment avec les propos tenus par Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée du 12 octobre.