Étape cruciale pour la suite du budget 2025, la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances s’est entendue ce 30 janvier sur la première partie du texte, consacrée aux recettes. Elle a également largement entamé l’examen du volet dépenses, qui n’avait pas pu être débattu à l’Assemblée en novembre, pour cause de rejet de la première partie.
Le socle commun avance « sans trembler »
Réunis depuis ce jeudi matin à 9 heures 30, députés et sénateurs ont interrompu comme prévu leurs travaux vers 20 heures. Ils reprendront les discussions en vue de l’élaboration d’un texte commun demain matin, à partir de 8 heures 30.
Les soutiens au gouvernement, représentés par 8 des 14 membres titulaires dans cette instance, ont logiquement pu faire adopter la première partie, relative aux recettes. « Le socle commun bénéficie d’une majorité arithmétique qui lui permet d’avancer sans trembler », constatait en fin d’après-midi un sénateur participant aux travaux.
La CMP a notamment approuvé la contribution exceptionnelle pour les grandes entreprises, mais celle-ci s’appliquera pendant un an et non pendant deux exercices, comme cela était prévu initialement. La contribution différentielle demandée aux plus hauts revenus en 2025, a également été validée, sans être pérennisée comme le souhaitait la gauche. Comme François Bayrou s’y était engagé, le taux de la taxe sur les transactions financières a été relevé de 0,1 point.
Les socialistes saluent des « avancées » et font toujours pression sur le gouvernement
Du côté des dépenses, la CMP a rétabli 4 000 postes d’enseignants, ou encore relevé de 300 millions d’euros le budget de l’écologie, notamment pour le Fonds vert, qui finance la transition écologique dans les communes.
Les représentants du Parti socialiste notent des « avancées », dans le sens où les engagements du Premier ministre pris dans une lettre à mi-janvier ont été tenus. Mais aucune concession supplémentaire n’a émergé durant cette CMP, en particulier sur le volet fiscal. L’augmentation du texte de la taxe sur le rachat d’actions, par exemple, a été rejetée. Comme la France insoumise et le Rassemblement national, les socialistes ont voté contre cette première partie. « Nous faisons tout pour pouvoir aboutir », a rétorqué de son côté le député Renaissance David Amiel.
Face à la presse, Patrick Kanner annonce qu’il est « fort probable » que les socialistes de la CMP votent en bout de course « contre » les conclusions vendredi. Charge au gouvernement de corriger le tir lundi, quand le texte de la CMP sera soumis à l’hémicycle de l’Assemblée nationale. « Le gouvernement a le pouvoir d’amendement et nous lui dirons ce qui nous paraît manquer dans ce budget et les efforts supplémentaires qu’il y aura à accomplir », a prévenu le député PS Boris Vallaud.
En CMP, le député RN Jean-Philippe Tanguy dénonce une « irresponsabilité » et fait un pas vers la censure
L’enjeu pour le gouvernement réside moins dans l’issue de la CMP — où ses soutiens sont majoritaires — que dans la suite : éviter de coaliser contre lui plus de la moitié de l’hémicycle sur les conclusions de cette CMP. La semaine prochaine, François Bayrou s’expose à une motion de censure, bien plus à risque que celle qui avait suivi la déclaration de politique générale début janvier. Un parlementaire du socle commun, membre de la CMP, ne veut pas croire que les socialistes soient prêts à voter la censure. « Je ne pense pas qu’ils soient animés de la politique du pire », espère notre interlocuteur.
De l’autre côté de l’hémicycle, les nuages s’accumulent aussi, comme il y a deux mois. La journée a notamment été marquée par un coup de froid du Rassemblement national. Et comme à l’automne, sur la question de l’électricité. Chef de file de son groupe dans ces négociations, le député Jean-Philippe Tanguy s’est insurgé contre l’adoption de l’article 4, qui prévoit un nouveau cadre de régulation des revenus d’EDF issus du nucléaire. Furieux contre le risque d’une augmentation des prix, il a menacé ses interlocuteurs de censure la semaine prochaine. « Ce seront Marine Le Pen et Jordan Bardella qui décideront si le comportement du gouvernement et cette irresponsabilité méritent la censure », a-t-il précisé face à la presse.
Du côté des Insoumis, « pas vraiment de surprise ». « Rien n’a été retenu par rapport à ce qui était mis sur la table […] Il y a peu de changement par rapport aux textes avec lesquels ils sont arrivés », grince le président LFI de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel. Déplorant un « jeu de dupes », le député de Seine-Saint-Denis relève même des « aggravations importantes » dans le volume d’économies par rapport au texte sorti du Sénat, notamment dans la mission cohésion des territoires, laquelle contient la politique du logement. « Les 7 milliards de baisses supplémentaires de la version Sénat, elles sont bien maintenues. Elles vont même être aggravées vraisemblablement », a-t-il anticipé.
D’autres forces du Nouveau Front populaire ont également déploré les choix retenus par la majorité de la CMP. Le sénateur communiste Pascal Savoldelli (suppléant donc sans pouvoir de vote) a décidé de quitter symboliquement les lieux en début d’après-midi. Son groupe regrette des « marges de négociations extrêmement réduites ».
La question de l’aide médicale d’Etat sera au centre des débats de la journée de vendredi
La journée de vendredi sera déterminante, puisque les socialistes veulent revenir sur un certain nombre de coupes dans différents ministères. Et surtout, faire annuler la réduction des moyens de l’aide médicale d’Etat, votée début décembre par le Sénat. Une véritable ligne rouge à leurs yeux qui constituera l’un des points durs des discussions.
Ce sujet ne semble d’ailleurs pas revêtir la même importance d’une famille à l’autre du socle commun. Le député Renaissance David Amiel appelle par exemple à « distinguer les débats ». « La question que nous devons absolument régler aujourd’hui, c’est une question budgétaire. Chacun doit avoir cette attitude-là, se consacrer d’abord et pleinement aux questions budgétaires. »
La majorité sénatoriale, dominée par la droite, a procédé à deux modifications en la matière fin 2024 : une réduction de 200 millions d’euros dans l’enveloppe dédiée à l’AME, pour revenir à un milliard d’euros de dépenses annuelles, et une redéfinition du panier de soins, à l’origine du nouveau calibrage budgétaire. « Sur les crédits, à ce stade, on n’entend pas lâcher, ça fait des années qu’on le vote », prévient le sénateur Stéphane Sautarel (apparenté LR).
« Demain, on fera le travail. On n’a pas tout fait abouti », précise ce soir Jean-François Husson, le rapporteur général (LR) de la commission des finances du Sénat. « C’est préférable d’avoir un point de convergence et d’atterrissage commun, donc on va continuer de rechercher une solution », nous indique-t-il.
À ce stade, le sénateur de Meurthe-et-Moselle se montre « raisonnablement confiant » sur l’issue des débats de la CMP, d’autant que l’objectif de réduction du déficit public à 5,4 % du PIB est respecté à ce stade de l’examen. « Pour l’instant, la copie est propre. L’objectif de redressement des comptes publics est tenu. Il faut être optimiste, car je crois que ça ferait du bien, au cœur de l’hiver de démarrer 2025 avec une issue positive. »