Ministere des finances – Bercy

Budget 2025 : « Nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons travailler sur le projet de loi de finances », estime le rapporteur général du budget au Sénat

A six semaines du dépôt du projet de loi de finances sur le bureau de l’Assemblée, aucun premier ministre n’a encore été nommé. Une situation qui pourrait déboucher sur une crise politique majeure. Les sénateurs fustigent notamment le temps pris par Emmanuel Macron pour nommer un premier ministre qui menace le respect des délais de présentation du budget.
Henri Clavier

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Alors que le nouveau Premier ministre n’a pas encore été nommé, Bercy avance dans sa préparation du projet de loi de finances 2025. Si le « tiré à part », le document résumant les plafonds de dépenses, n’a pas été publié, le Premier ministre a fait parvenir, ce mardi, les lettres de plafonds aux différents ministères. Bien que le gouvernement soit démissionnaire depuis le 16 juillet, les services de Bercy préparent une architecture budgétaire. Celle-ci reconduit les dépenses prévues pour l’exercice budgétaire en cours, à savoir 492 milliards d’euros.  Présenter comme un « budget réversible » le gel des dépenses doit permettre à la prochaine équipe gouvernementale de modifier le budget en profondeur. 

La préparation du budget est un parcours très strictement balisé, qui ne peut se permettre de vivre au rythme des trêves, olympiques ou politiques. En effet, le gouvernement a jusqu’au premier mardi d’octobre pour déposer son projet de loi de finances sur le bureau de l’Assemblée nationale. L’été est également une période clé puisque c’est durant les mois de juin et juillet que doivent être rendus les principaux arbitrages et que les lettres plafonds doivent être délivrées. D’abord réticent à entamer la préparation du budget, le Premier ministre a finalement annoncé avoir fait parvenir les lettres plafonds ces derniers jours. Une situation inédite où un gouvernement, sans légitimité politique et démissionnaire, pourrait présenter le budget.

« L’intérêt supérieur du pays est d’avoir un budget pour 2025 avant la fin de l’année. […] On s’est mis en situation de présenter un projet de loi de finances au 1er octobre », déclarait Thomas Cazenave, ministre sortant des comptes publics, dans un entretien accordé au journal Sud-Ouest le 14 août. Le ministre démissionnaire annonçait également avoir gelé 10 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour l’année 2024.

Un futur gouvernement contraint ?

Tout l’enjeu est donc de savoir si le futur gouvernement sera contraint par ces premières mesures de cadrage prises par les ministres démissionnaires. Après l’annonce de l’envoi des lettres plafonds, Matignon assurait à l’AFP, ce mercredi 14 août, que cette « première base budgétaire » ne préempte pas « les arbitrages finaux qui seront rendus par le prochain gouvernement ». Un nouveau gouvernement aura effectivement tout le loisir de revenir sur le gel des 10 milliards d’euros de crédits sur le budget de 2024 ou sur le début d’architecture du budget, mais dans un délai extrêmement court et contraint. Alors que les chefs de partis et de groupes parlementaires sont reçus à partir de ce vendredi 23 août à l’Elysée, le gouvernement doit faire parvenir le budget au Conseil d’Etat et au Haut conseil des Finances publiques d’ici la mi-septembre.

« On a aujourd’hui un gouvernement démissionnaire qui envoie des lettres plafonds aux ministres, c’est pour faire tenir un semblant de procédure budgétaire »

Si la nomination d’un nouveau gouvernement intervient d’ici là, sa tâche sera largement compliquée par ces délais restreints. « En retardant la nomination d’un Premier ministre, le Président de la République ne facilite la tâche d’aucun gouvernement, de quelque bord politique qu’il soit », déplore le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR). « Emmanuel Macron continue à gagner du temps sur la nomination d’un Premier ministre avec pour conséquence un gouvernement démissionnaire qui prépare le budget, cela fragilise tout l’équilibre budgétaire puisque ce gouvernement n’a pas de légitimité politique » , abonde le sénateur socialiste Rémi Féraud. De la même manière, le président de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal, juge que le futur gouvernement ne sera pas lié par le cadrage actuellement effectué par Bercy.  « On a aujourd’hui un gouvernement démissionnaire qui envoie des lettres plafonds aux ministres, c’est pour faire tenir un semblant de procédure budgétaire », estime le sénateur de Haute-Garonne. Néanmoins, le futur gouvernement devra composer dans l’urgence, au risque de ne pas pouvoir travailler sereinement. Une situation inédite dont la responsabilité incombe au Président de la République affirme Jean-François Husson : « Nous sommes dans une situation inédite et dangereuse à cause des choix hasardeux du Président de la République qui veut jouer les faiseurs de roi ».

Un retard qui paralyse le Parlement 

Outre les capacités du futur gouvernement à proposer un budget totalement différent, le droit d’amendement des parlementaires et le rôle de contrôle du Parlement sont indirectement mis en péril. Pour l’heure, comme le rapporte Jean-François Husson, les parlementaires n’ont pas du tout été associés aux préparatifs du budget. « Nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons travailler sur le projet de loi de finances », note le rapporteur général du budget. « Nous n’avons aucune information, même sur les secteurs sur lesquels nous sommes rapporteurs », abonde Rémi Féraud. « Il y a un retard, beaucoup de questions n’ont pas encore été traitées par l’administration », confie Claude Raynal. Malgré une rentrée parlementaire qui s’annonce tendue, le président de la commission des finances estime que la situation résulte avant tout d’une absence de majorité sur les questions budgétaires pour trancher les orientations à donner.

De là à imaginer une absence de budget au 31 décembre 2024 ? « En tout cas, c’est du temps perdu, et le risque devient bien réel », répond Rémi Féraud. Si l’article 47 de la Constitution prévoit une solution permettant au gouvernement de mettre en œuvre son projet de loi de finances par ordonnance lorsque le Parlement ne se prononce pas, les hypothèses en cas de rejet sont beaucoup plus floues.

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