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Budget 2026 : comment fonctionne la loi spéciale ?

Comme l’année dernière, le gouvernement a recours à une loi spéciale pour éviter un « shutdown » et permettre la continuité de l’Etat. Pour cela, le Parlement doit se réunir mardi 23 décembre pour autoriser l’exécutif à prélever les impôts.
Henri Clavier

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Après l’échec des négociations parlementaires entre sénateurs et députés pour l’adoption du projet de loi de finances pour 2026, le gouvernement s’apprête à présenter une loi spéciale au Parlement. Grâce à cette procédure, déjà utilisée l’année précédente, l’exécutif demande l’autorisation aux deux chambres de percevoir les recettes nécessaires au fonctionnement de l’Etat dans la limite du niveau voté lors du précédent exercice. Concrètement, les parlementaires autoriseraient l’Etat à collecter les prélèvements obligatoires pour l’année 2026 au niveau prévu pour 2025. Ce dispositif d’urgence permet d’empêcher une paralysie de l’Etat au 1er janvier 2026, mais n’est qu’un « sparadrap » pour « faire tourner le pays » selon la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon.

Le projet de loi spéciale doit être présenté en conseil des ministres ce lundi 22 décembre. La commission des finances de l’Assemblée nationale devrait ensuite auditionner le ministre de l’Economie, Roland Lescure, et la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, dans la soirée. Les ministres devront également passer devant les sénateurs avant que le texte ne soit débattu dans l’hémicycle de chacune des deux chambres. L’examen de la loi spéciale doit se tenir mardi 23 décembre à l’Assemblée nationale puis au Sénat.

Le texte, très court (seulement trois articles), pourrait être adopté assez rapidement dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement. L’année dernière, la loi spéciale avait été adoptée à l’unanimité par les deux chambres. Néanmoins, si l’adoption de la loi spéciale ne devrait pas poser de difficultés, Amélie de Montchalin affirme vouloir adopter rapidement le projet de loi de finances et vise « la fin janvier » faisant de la loi spéciale une solution temporaire.

Un cadre législatif contraint

Largement qualifiée de « rustine » budgétaire par les membres du gouvernement, la loi spéciale, conformément à l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), reconduit les « impôts et taxes existants ». Par conséquent, ce cadre empêche de modifier le barème de l’impôt sur le revenu et de l’indexer au niveau de l’inflation. Normalement réindexé chaque année, le gel du barème de l’impôt sur le revenu était une mesure d’économie proposée par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances. En 2024, le bureau de l’Assemblée nationale avait jugé irrecevable un amendement d’Éric Coquerel visant à effectuer cette indexation.

Par ailleurs, la loi spéciale ne devrait pas non plus renouveler les dispositifs fiscaux qui ont vocation à s’éteindre au 31 décembre 2025. La possibilité de reconduire la surtaxe d’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises et la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) se pose donc. Selon l’Opinion, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel (LFI) souhaiterait prolonger ces dispositifs en amendant le projet de loi spéciale. « Ça revient un peu à tordre le cou de la loi spéciale. Introduire une mesure qui avait vocation à disparaître, ce n’est ni l’esprit ni la règle de la loi spéciale », juge Emilien Quinart, professeur de droit public à l’université de Strasbourg. Dans son avis du 9 décembre 2024, sur le fonctionnement de la loi spéciale, le Conseil d’Etat estimait que « les mesures nouvelles d’ordre fiscal, qui ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme des mesures nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, ne relèvent pas du domaine de la loi spéciale ».

Des dépenses à la main de l’exécutif

Mécaniquement, en l’absence de nouvelles ressources il devient impossible d’engager de nouvelles dépenses. Ainsi, les 6,5 milliards d’euros supplémentaires promis par Emmanuel Macron pour le budget des armées devront attendre l’adoption d’une loi de finances. Pour engager des dépenses, l’exécutif doit, après l’adoption de la loi spéciale, publier un décret sur les « services votés ». Selon la LOLF ce décret fixe « le minimum de crédits que le gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement ».

« Avec ce décret, le Premier ministre fixe le plafond de dépenses des ministères afin d’assurer la continuité de l’Etat et ainsi d’engager les dépenses permettant de faire fonctionner les services publics » et de payer les fonctionnaires, explique Emilien Quinart. L’exécutif prend ensuite une circulaire d’interprétation au travers de laquelle il peut contraindre l’utilisation des crédits. « L’année dernière, Michel Barnier avait publié une circulaire obligeant les ministres à n’engager que 25 % des crédits ouverts », rappelle Emilien Quinart. Alors démissionnaire, Michel Barnier n’avait pas souhaité préempter les débats budgétaires se contentant donc d’ouvrir le minimum de crédits nécessaires au fonctionnement de l’Etat.

Un impact sur les finances publiques 

Si la loi spéciale implique une certaine inertie politique, elle est également critiquée pour son incapacité à endiguer la progression du déficit budgétaire. « La loi spéciale nous conduirait à un déficit nettement supérieur à ce qui est souhaitable, car elle ne comporte pas de mesures d’économies, ni aucune mesure fiscale », a déclaré vendredi sur France Inter le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Selon l’OFCE, sans budget voté pour 2026, le déficit s’élèverait à 5,5 % du PIB.

 

 

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