« Sans grande surprise, ça sera un avis défavorable. » Effectivement, le rapporteur général du budget n’a pas surpris grand monde dans l’hémicycle au moment de se positionner sur la taxe Zucman proposée par la gauche dans le cadre des débats budgétaires. Alors que la chambre Haute avait déjà rejeté cet impôt en juin dernier (voir notre article), la majorité sénatoriale n’a pas changé sa position.
Pourtant tous les groupes de gauche avaient déposé un amendement visant à instaurer un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, dispositif défendu par l’économiste Gabriel Zucman. « Un dispositif soutenu par sept prix Nobel pour remédier au fait que les milliardaires payent moins d’impôts que leurs secrétaires », a défendu le sénateur socialiste Thierry Cozic. En dehors de la gauche, le groupe RDSE (centriste et radical), a aussi défendu la mesure, en proposant même un amendement de repli avec un taux de 1 % pour un « choix républicain fort. » Il y a quelques mois, le vote avait d’ailleurs été plus serré qu’à l’accoutumée au Sénat où la droite et le centre sont largement majoritaires (129 voix contre 188).
« Il y a là les ferments d’une crise politique et sociale majeure »
Lors d’un débat relativement court, le rapporteur général a rappelé les risques constitutionnels qui pèsent sur la mesure (voir notre article), renvoyant à la lutte contre les « abus » liés à l’optimisation fiscale et rappelant l’importance de maintenir l’attractivité de la France pour les flux financiers étrangers. De son côté, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin a rappelé l’argumentation du gouvernement sur la question : le système fiscal français est largement redistributif si l’on prend en compte les revenus de transfert et les patrimoines des très hauts revenus ne sont que des valorisations. « Si quelqu’un donne 1 million pour posséder 1 % de votre entreprise, Challenges estime que votre entreprise vaut 100 millions, mais c’est une extrapolation, rien ne garantit qu’en cas de vente le contribuable puisse récupérer cette valorisation », a-t-elle détaillé.
« Nos comptes publics sont dans le rouge et ce budget doit répondre à la question de qui doit contribuer à leur redressement. Vous avez choisi les allocataires des différents minima sociaux », a fustigé le sénateur écologiste Thomas Dossus, en référence au gel des prestations sociales voté dans le budget de la Sécurité sociale par le Sénat et à la restriction de la taxe sur les holdings. « Si ce n’est pas la taxe Zucman parce qu’elle ne vous va pas, qu’y a-t-il dans ce budget pour répondre à ce problème ? » a interrogé le sénateur socialiste Alexandre Ouizille, avant d’ajouter : « Il y a un décrochage et une bulle au sommet de la pyramide sociale. » Et d’être rejoint par son collègue communiste Pierre Ouzoulias : « Le sentiment d’injustice fiscale n’a jamais été aussi important. Il y a là les ferments d’une crise politique et sociale majeure, qu’il faut résoudre. »
Rejetée par l’Assemblée nationale et le Sénat, la taxe Zucman a peu de chance d’être réintroduite ultérieurement dans les débats budgétaires.