François Bayrou veut trouver 43,8 milliards d’euros d’économies en 2026. Si la priorité est donnée par le gouvernement à la réduction de la dépense publique, le Premier ministre a évoqué la piste d’un « effort particulier [demandé] à ceux qui ont la capacité de contribuer davantage ». De ces mesures, qu’il a nommées « contribution de solidarité », il espère 4,2 milliards d’euros. Pour l’heure, la forme qu’elles prendraient n’est pas encore définie. Parmi les possibilités, une taxation des holdings est évoquée.
Une contribution de solidarité, trois pistes possibles
C’est ce qu’a expliqué Amélie de Montchalin devant les parlementaires le 16 juillet dernier. Pour l’heure, trois outils sont à l’étude : la pérennisation de la contribution différentielle sur les hauts revenus, adoptée dans le budget 2025 et qui permet d’appliquer un taux de 20 % sur le revenu fiscal de référence ; l’instauration d’une contribution différentielle sur les hauts patrimoines, dont seraient retirés les biens professionnels ; et la fiscalisation des actifs non productifs des holdings. « C’est sur ce bouquet de solutions que nous voulons construire cette contribution de solidarité », a expliqué la ministre des Comptes publics aux sénateurs, « on peut en faire un, comme on peut faire les trois. Si on fait les trois, on fait beaucoup de doublons de fiscalité ».
La première solution, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) ne devait initialement s’appliquer que sur une année. Le gouvernement envisage de la reconduire pour 2026. La deuxième solution, une contribution différentielle sur les hauts patrimoines (CDHP), était une demande des socialistes dès le budget pour 2025 mais n’a jamais été mise en place. « Amélie de Montchalin avait promis qu’au cours de l’année 2025, il y aurait une contribution différentielle sur les hauts patrimoines. C’est encore un engagement non tenu de François Bayrou », se désole le député PS de l’Eure et chef de file du groupe sur les finances, Philippe Brun.
La troisième solution, elle, consiste à instaurer une fiscalité sur les holdings, ces sociétés qui peuvent détenir des filiales et sont utilisées par des entreprises comme par des particuliers pour contourner l’impôt. Amélie de Montchalin le reconnaît, ce sont des « mécanismes assez usités d’évitement et parfois de contournement de l’impôt ». « Le problème général, c’est que les grandes fortunes nichent leurs avoirs dans une holding, ce qui leur permet de décaisser très peu de revenus et de dividendes et de vivre sur le dos de cette dernière », explique le député socialiste. Ces montages sont réalisés par des entreprises et des particuliers, encouragés par de nombreux sites internet qui conseillent sur la meilleure manière de contourner l’impôt en toute légalité.
« Nous proposons une contribution différentielle sur les hauts patrimoines »
A gauche, l’idée de taxer les holdings est vue d’un bon œil. « Je dépose chaque année un amendement de taxation des holdings », confirme Philippe Brun. Cette mesure serait, selon lui, acceptée par les organisations patronales. Le diable se cachant dans les détails, le soutien du socialiste ne va pas plus loin que cela. « Nous, nous proposons une contribution différentielle sur les hauts patrimoines, un dispositif anti-optimisation en général, qui réglerait tous les problèmes en un seul coup », explique le député. C’est la fameuse taxe Zucman, dont ne veut pas le socle commun. Ce dispositif, imaginé par l’économiste Gabriel Zucman, vise à instaurer une taxe à 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros.
Taxer les holdings ne suffira pas à s’assurer de la non-censure des socialistes à l’automne. Ces derniers ont dressé trois lignes rouges, détaillées par Philippe Brun : « Il ne faut pas que les classes moyennes et classes populaires soient mises à contribution, il faut de la justice fiscale via une taxe Zucman, et nous voulons alléger dans le temps la trajectoire de redressement des comptes vers une trajectoire de 23 milliards d’euros en tout ». Inutile de dire que pour l’instant, les socialistes ne sont pas prêts à revenir sur leur promesse de censure.
Le parti à la rose prévoit de présenter son propre plan pour le budget 2026 lors de ses journées parlementaires du 9 au 11 septembre à Clermont-Ferrand. D’ici là, il boude les réunions avec Bercy, car il rejette en bloc le plan présenté le 15 juillet dernier par François Bayrou.
Les LR favorables à des « dispositifs qui empêcheraient l’optimisation fiscale »
Du côté de la droite et des alliés LR du socle commun, l’idée d’un combat contre l’optimisation fiscale est partagée avec les macronistes et la gauche. « Nous sommes défavorables à une augmentation de la pression fiscale, mais nous sommes favorables à des dispositifs qui empêcheraient l’optimisation fiscale », résume le sénateur LR du Cantal et vice-président de la commission des finances Stéphane Sautarel. Cela comprendrait une taxation des holdings, qu’il qualifie de « dérive », lorsqu’elles permettent d’éviter l’impôt. « Il faut que nous modifiions la loi pour ne plus rendre possible ce genre de montage », affirme-t-il.
Concrètement, les Républicains laissent le temps au gouvernement d’affiner ses propositions. « On n’a pas de position dogmatique d’exclusion », confirme Jean-François Husson, rapporteur général LR de la commission des finances du Sénat, « c’est à Amélie de Montchalin de poser les choses sur la table de manière plus définie ». A l’heure qu’il est, le gouvernement n’a pas encore tranché et une source ministérielle indique que rien de plus n’a été décidé.
Ce dont les LR sont certains, néanmoins, c’est qu’ils ne veulent pas de la taxe Zucman. « Elle fait une confusion entre revenu et patrimoine », argumente Stéphane Sautarel, « nous voulons nous assurer qu’on taxe à partir du revenu ». Le principal argument évoqué contre ce dispositif est le risque de contraindre les contribuables assujettis à la taxe à vendre des actifs, faute de revenus suffisants pour la payer.
Les chefs de file LR sur le budget devraient rencontrer le gouvernement à la mi-août et évoquer les questions fiscales, avant la transmission finale du projet de loi de finances. C’est aussi à cette date qu’ils présenteront leurs propositions. D’ici là, l’été s’annonce studieux pour Bercy, qui doit effectuer un véritable travail d’équilibriste s’il veut éviter la censure sur le budget.