Adoptée avec 175 voix pour et 121 contre. Les sénateurs ont voté ce vendredi 21 novembre pour la suppression de l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les apprentis. La mesure, évacuée du projet de loi initial de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) par les députés, a été réintroduite à la Chambre haute en fin de matinée, à la faveur d’un amendement de la rapporteure centriste Élisabeth Doineau. Arguant de l’effort de redressement des comptes de la Sécurité sociale, l’élue a estimé que cette suppression rapporterait 320 millions d’euros en 2026 et 1,2 milliard à horizon 2027, alors que la majorité sénatoriale de droite et du centre entend ramener le déficit des comptes de la Sécu à 15 milliards. « Il semble difficile de justifier un dispositif d’exonération de cotisations sociales alors que les apprentis peuvent bénéficier de prestations sociales contributives », a-t-elle défendu. Mais cette suppression a déclenché de vifs échanges, réactivant le clivage gauche/droite dans l’hémicycle.
« Ce point-là n’a pas d’impact sur l’embauche ou non d’apprentis, puisqu’il a un coût pour le salarié lui-même », a tenu à préciser la rapporteure, dans la mesure où cette suppression ne concerne pas les allégements de charges patronales. Actuellement, les apprentis sont exonérés de CSG jusqu’à 50 % du Smic. « Je pense qu’il faut continuer à encourager les entreprises à engager des apprentis : on a des aides à l’embauche, des mécanismes qui font que les charges patronales sont faibles… Après, se pose la question du régime social et fiscal des apprentis », a appuyé Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics.
« À la fin du mois, l’apprenti gagne plus que son formateur »
Mais c’est en évoquant la situation d’un apprenti qui gagnerait « 3 000 euros » par mois que la ministre a mis le feu aux poudres. « L’apprenti est là une semaine sur deux, il est formé, et à la fin du mois il gagne plus que le formateur », a-t-elle pointé. « Je vous rappelle que les apprentis ne payent pas d’impôts sur le revenu. Je vous rappelle qu’ils touchent la prime d’activité comme les autres travailleurs », a-t-elle encore énuméré, faisant valoir la nécessité « d’une harmonisation avec leurs collègues intérimaires ou en CCD qui, pour le même salaire brut versé par l’employeur, n’ont pas le même salaire net. »
Jugée fantaisiste, sa démonstration a fait bondir de nombreux élus dans les rangs de la gauche. « Un apprenti à 3 000 euros, si vous en trouvez un, je veux bien que vous l’ameniez ici ! », a tempêté le sénateur communiste Fabien Gay. « Vous allez économiser un milliard sur ceux qui n’ont pas grand-chose ! », a-t-il dénoncé, avant de citer les seuils de rémunération prévus par les textes actuellement en vigueur : « Pour ceux qui commencent à 16-17 ans, c’est 486 euros la première année, entre 18 et 20 ans c’est 774 euros, de 21 à 25 ans c’est 950 euros et, au-delà de 26 ans, jusqu’à 29 ans, 100 % du Smic ».
« Le capital vous n’y touchez pas, mais les jeunes ce n’est pas grave ! »
Sa collègue communiste Céline Brulin a voulu rappeler que « les apprentis appartiennent à une classe d’âge, les 18-24 ans, dont 20 % vivent en dessous du seuil de pauvreté ». « Les exonérations patronales ont considérablement augmenté ces dernières années, on en arrive à 88 milliards d’euros, et cette augmentation-là n’a pas l’air de vous choquer ! », a-t-elle également lancé à l’intention des élus de droite et du centre.
Le sénateur macroniste Martin Lévrier a longuement dénoncé cette suppression, reprochant à la majorité sénatoriale « de trouver 1,2 milliard de recettes sur le dos des jeunes », et se désolidarisant du même coup de la position du gouvernement. « C’est quand même curieux. Le capital vous n’y touchez pas, mais les jeunes ce n’est pas grave ! », s’est-il agacé. « Les apprentis sont moins productifs que leurs collègues, mais ils passent la moitié de leur temps à étudier, ce qui n’est pas le cas de leurs formateurs. C’est pour ces raisons-là qu’ils ont besoin d’un peu plus de revenus, pour tenir un an. Vous n’imaginez pas la difficulté de l’apprentissage, de réussir à décrocher son diplôme, par rapport à une personne qui est en école à temps plein », a-t-il expliqué, soulevant des applaudissements à gauche de l’hémicycle.
La veille, les élus ont également réintroduit le gel du barème de calcul de la CSG, habituellement indexé sur l’inflation. Ils ont en revanche supprimé l’article 6 bis du PLFSS, qui portait le taux de CSG sur les revenus du capital de 9,2 % à 10,6 %, une mesure décrochée par les députés socialistes.