Budget 2026 : les modifications opérées par le Sénat sur le volet recettes
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Budget : avant une CMP « difficile », la majorité sénatoriale fixe ses objectifs

On rentre dans le money time. A moins de 48 heures de la commission mixte paritaire sur le budget, chacun fait monter la pression. Le premier ministre Sébastien Lecornu s’étonne du manque d’échange et demande « une CMP à blanc », le ministre de l’Economie se fait copieusement huer par les sénateurs de la majorité sénatoriale, qui de leur côté, veulent trouver 6 milliards d’économies pour ramener le déficit « à 5,1 %, au minimum » dans la copie finale, quand le PS veut 10 milliards de recettes de plus…
François Vignal

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« Le temps presse ». La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, le sait mieux que quiconque. Celle qui a tenu le banc durant des heures d’examen du budget au Sénat a rappelé, ce mercredi, à l’occasion des questions d’actualité au gouvernement (QAG) à la Haute assemblée, qu’il ne reste que 48 heures, avant la commission mixte paritaire (CMP) sur le budget. Un conclave qui s’annonce périlleux. Ça passe ou ça casse. Et pour le moment, de l’avis général, on est plus proche de casser… mais un accord reste encore possible.

Le premier ministre, Sébastien Lecornu, l’a lui-même reconnu, lors des QAG : « A quelques encablures de la CMP, je vois bien que les choses vont être difficiles. Car les positions entre l’Assemblée et le Sénat sont assez éloignées », reconnaît le locataire de Matignon, mais il rappelle que « de nombreuses fois dans notre histoire, des positions qui apparaissaient très éloignées avant la CMP, ont réussi à converger en son sein ». Comme l’année dernière…

« Ça fait plusieurs jours que je demande à toutes les formations politiques qu’une CMP à blanc ait lieu »

Pour donner une chance à la CMP, encore faut-il se parler. « Si on veut réussir cette CMP, il faut qu’il y ait des échanges entre sénateurs et députés, des échanges entre partis », soutient Amélie de Montchalin. Mais « il faudra aussi que les gens se parlent davantage. Je ne dirais rien publiquement, mais je suis frappé de voir à quel point, nous sommes à 48 heures (de la CMP), que ça fait plusieurs jours que je demande à toutes les formations politiques qu’une CMP à blanc ait lieu pour permettre de commencer à faire ce travail, pour permettre aux membres du gouvernement de faire des propositions et des propositions d’économies nouvelles s’il le faut », lâche Sébastien Lecornu.

Des échanges informels se sont déjà faits, en réalité, la semaine dernière, en vue de la CMP, notamment entre le député PS Philippe Brun et le rapporteur général du budget au Sénat, le sénateur LR Jean-François Husson. Mais dans une CMP, avec 7 députés et 7 sénateurs, l’horizon politique est plus large. Bref, il y a encore du boulot et peu de temps. « J’ai dit au Conseil des ministres qu’il fallait nous plier en six pour accompagner les parlementaires sur cette voie de compromis », ajoute le premier ministre.

« On fait tourner les tableaux pour trouver le point de chute »

Avant de chercher un éventuel rapprochement avec les socialistes, les sénateurs ont déjà fait le point entre eux mardi, au niveau de la majorité sénatoriale LR-Union centriste, comme au sein plus large du socle commun.

Sur quelle ligne atterrissent les sénateurs, avant d’entrer en CMP ? « C’est en cours, on n’a pas arrêté de position fixe », explique un membre de la majorité. Un autre, qui sera à la CMP, ajoute : « On n’arrête pas de gratter, on fait tourner les tableaux pour trouver le point de chute. C’est un accord collectif ». « A priori, Jean-François Husson a envie d’atterrir, Philippe Juvin (rapporteur LR de l’Assemblée, ndlr) aussi », croit un sénateur PS. « Le gros sujet, c’est de savoir comment est-ce qu’on sort un accord en CMP qu’on peut faire valoir au Sénat et surtout à l’Assemblée », résume l’un des acteurs.

« On a une ligne : proposer la possibilité d’avoir une CMP conclusive, mais sur nos marqueurs »

Selon plusieurs sources, l’idée d’une CMP conclusive est bien évoquée entre sénateurs du socle commun. Reste à savoir sur quel texte. « On a une ligne : proposer la possibilité d’avoir une CMP conclusive, mais sur nos marqueurs : pas de fiscalité supplémentaire, ou marginalement, regarder les dépenses et garder un déficit à 5 % », confie un sénateur LR. Après un PLFSS où les socialistes ont eu gain de cause, les sénateurs imaginent bien un PLF où ce seront, cette fois, les LR et les centristes qui seront entendus.

Reste qu’une CMP sur les marqueurs LR n’aurait pas de chance d’avoir une vie à l’Assemblée. Sur quoi les sénateurs seraient prêts à lâcher ? S’il est encore tôt pour avoir les détails, notre sénateur LR souffle qu’« il y a un débat sur la surtaxe de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises. Il y a peut-être un peu de marges de manœuvre ». Pour rappel, la copie du gouvernement prévoit une surtaxe sur les entreprises pour 4 milliards d’euros de recettes. Les députés avaient voté un amendement pour l’augmenter à 6 milliards d’euros, quand les sénateurs de droite et du centre ont supprimé la surtaxe, rappelant qu’elle ne devait durer qu’un an. Le point d’équilibre est sûrement quelque part entre ces bornes…

Tensions entre le gouvernement et la majorité sénatoriale

Alors que le niveau de déficit monte à 5,3 %, entre le budget de la Sécu et la copie du PLF qui sort du Sénat, l’objectif des sénateurs est de réduire le niveau de déficit « à 5,1 % minimum », explique un sénateur LR. Si le gouvernement soutient que le déficit augmente de 0,3 point après passage par le Sénat, les sénateurs soutiennent – et reconnaissent – que le bon chiffre est plutôt de 0,2 point. D’où l’objectif d’arriver à un déficit de 5,1 %, post CMP.

Cet enjeu du déficit, et de qui est responsable de quoi, est source de tensions entre le gouvernement et la majorité sénatoriale, depuis que le ministre de l’Economie, Roland Lescure, a pointé lundi la part de responsabilité des sénateurs. Braquer les sénateurs, pas idéal pour mettre toutes les chances du côté d’un accord… Hué lundi à l’issue du vote sur le budget, le ministre de l’Economie, Roland Lescure, l’a de nouveau été ce mercredi, lors des QAG, et très copieusement. Un fait très rare au Sénat, qui a inspiré ces mots au ministre : « J’ai eu l’impression, quelques minutes, de me retrouver pas très loin d’ici, à l’Assemblée nationale, mais c’est bien à la Chambre haute que je suis ». Sébastien Lecornu n’a pu cacher un sourire.

Pour réduire la copie de 5,3 à 5,1 % de déficit, « il faut trouver 6 milliards d’euros »

Pour réduire la copie de 5,3 à 5,1 % de déficit, « il faut trouver 6 milliards d’euros », résume un sénateur LR, « car 0,1 point de déficit, c’est environ 3 milliards d’euros ». Pour permettre cette baisse du déficit, le plan est le suivant : « On va reprendre toutes les mesures d’économies qui n’ont pas été votées au Sénat », explique un membre de la majorité sénatoriale.

Des amendements du rapporteur Jean-François Husson n’ont en effet pas été votés en séance, poussant d’ailleurs certains sénateurs LR et UC à s’abstenir lors du vote final, en considérant que leur propre majorité n’était pas allée assez loin. Si ces amendements étaient aujourd’hui pris en compte, ce serait 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires. On peut compléter avec un amendement non voté du sénateur LR Olivier Paccaud, sur 1 milliard d’euros d’économies sur des crédits non consommés sur le budget de l’éducation. On arrive à 2,5 milliards. « Si on ajoute quelque chose sur la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, et quelques mesures de plus, on peut y arriver », pense un sénateur LR.

« Le toujours plus finit par rien du tout… »

Si, par miracle, députés et sénateurs arrivent à sortir une copie commune en CMP, encore faut-il qu’elle soit votée à l’Assemblée. C’est là où ça se complique (encore plus). Beaucoup pensent que ce n’est pas possible. D’autant que les socialistes, notamment via le député Philippe Brun, font monter les enchères dans le money time. Ils demandent 10 milliards d’euros de recettes de plus. « Ce n’est pas acceptable », a prévenu sur TF1 le président des LR, Bruno Retailleau. « On comprend bien qu’un texte de CMP susceptible d’être voté par le PS sera très difficilement votable au Sénat », ajoute dans Le Figaro la sénatrice LR Christine Lavarde, qui sera en CMP. « Il n’y aura pas de majorité au Sénat pour voter une CMP augmentant fortement la fiscalité sans proposer d’économies », prévient-elle.

Mais au sein même du PS, certains trouvent que Philippe Brun pousse le bouchon un peu loin. « Comme a dit Jaurès, il y a l’idéal et le réel. Quand l’élastique est trop fin, à la fin, il casse. Le toujours plus finit par rien du tout… » met en garde un sénateur PS.

« Sur le 49.3, je sens une position différente entre Lecornu et Montchalin »

D’où les appels, qui se multiplient à droite et au centre, pour trouver une voie de sortie, sur un retour du 49.3, que le premier ministre s’est engagé à ne pas utiliser, sur demande du PS. « Avoir une CMP positive, on peut le faire. Mais sans 49.3, ce n’est pas la peine », résume un sénateur. Un autre ajoute : « La solution idéale pour sortir du bordel, c’est qu’il y ait une CMP positive avec derrière un 49.3 qui fasse passer le budget ».

Mais jusqu’ici, c’est non, du moins du côté de Matignon. « Je sens une position différente entre Lecornu et Montchalin. Je sens que la ministre, si le PS s’abstient, serait prête à jouer le 49.3. Mais Lecornu est pour respecter sa parole », avance un parlementaire socialiste. Mais la vérité de 2025 est-elle celle de 2026 ? Le même n’exclut pas qu’après la non-adoption du budget dans les temps et le recours à une loi spéciale s’ouvre « une nouvelle séquence », où Sébastien Lecornu pourra recourir au 49.3, sans se dédire.

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