Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Budget de la Sécu : le Sénat rejette d’emblée le texte en nouvelle lecture
Par François Vignal
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Comme attendu, le Sénat a rejeté d’emblée ce vendredi, en nouvelle lecture, le budget de la Sécurité sociale pour 2024 par l’adoption d’une motion préalable. La Haute assemblée, à majorité de droite et du centre, l’a adopté par 286 contre 38. Cet outil de procédure permet de mettre fin à l’examen du texte après la discussion générale, et sans avoir examiné les articles. Le texte fera son retour devant les députés dès cet après-midi. Il devrait être définitivement adopté par un nouveau recours au 49.3 par le gouvernement.
C’est donc avant tout au Sénat que le débat a pu se faire sur ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Malgré la reprise par le gouvernement de la moitié des amendements adoptés à la Haute assemblée, les désaccords restent trop profonds entre députés et sénateurs, expliquant ce rejet, au terme du parcours législatif.
« Sur les près de 300 amendements adoptés par le Sénat, un peu plus de la moitié a survécu dans le texte adopté par l’Assemblée »
« Sur les près de 300 amendements adoptés par le Sénat, un peu plus de la moitié a survécu dans le texte adopté par l’Assemblée. C’était un tiers en 2022 », a salué la rapporteure du budget de la Sécu au Sénat, la centriste Elisabeth Doineau, qui ajoute :
Parmi les « apports du Sénat », le gouvernement a notamment accepté « le maintien de la suppression des dispositions prévoyant une contribution de l’Agirc-Arrco », a souligné la sénatrice LR Pascale Gruny, ou le maintien de « la consultation des commissions des deux assemblées sur toute modification de la franchise annuelle ou de la participation forfaitaire », apprécie Elisabeth Doineau.
« Course vers la dette infinie »
Mais pour justifier l’adoption de la motion, la rapporteure générale a souligné qu’« on ne peut pas accepter la trajectoire qui nous est proposée. […] Annoncer que les prochaines années, ce sera le creusement des déficits chaque année, de plus en plus, c’est quelque chose d’inacceptable pour nos enfants. […] Autant c’est acceptable quand les taux d’intérêt étaient très bas. Mais là, ce n’est plus du tout le cas, c’est une course vers la dette infinie ».
Le déficit de la Sécu, désormais estimé à 8,7 milliards en 2023, atteindrait 10,5 milliards toutes branches confondues en 2024, contre 11,2 milliards prévus dans le texte initial. Le gouvernement a prévu de contenir les dépenses de l’Assurance maladie à +3,2 %, grâce à des économies sur les dépenses en médicaments, des laboratoires d’analyse ou encore les arrêts de maladie. Les sénateurs avaient supprimé cet objectif de dépenses, jugé « insincère ».
La ministre Agnès Firmin Le Bodo salue un « dialogue exigeant et responsable avec le Sénat »
« Je suis bien consciente des réserves du Sénat sur l’engagement de l’Ondam (l’objectif national de dépenses d’assurance maladie) rectifié », a affirmé Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé. Mais elle souligne qu’il s’agit de « 8 milliards d’euros supplémentaires, notamment pour mieux rémunérer ceux qui soignent chaque jour », avec en parallèle « 3,5 milliards d’euros de diminution des dépenses ».
« Il nous faut doter le pays d’un budget et notre Sécurité sociale de moyens », a insisté la ministre, qui salue cependant un « dialogue exigeant et responsable avec le Sénat ».
« Le 49.3 pose la question de l’utilité du Parlement »
Les sénateurs ont dénoncé de nouveau le recours au 49.3 à l’Assemblée, et son impact démocratique. « Respecter le débat parlementaire, c’est ne pas faire semblant de le mener », s’est indigné le socialiste Bernard Jomier. « Cela pose la question de l’utilité du Parlement, après quatre recours à l’article 49.3 », ajoute la communiste Cathy Apourceau-Poly.
« Le gouvernement n’a de cesse de travailler avec les groupes politiques dans une logique de compromis », a tempéré le sénateur Renaissance, Xavier Iacovelli, qui souligne les amendements du Sénat repris par le gouvernement. Cependant, le sénateur des Hauts-de-Seine « regrette aussi, comme Véronique Guillotin (sénatrice RDSE), que les taxes comportementales, notamment la question du sucre, n’aient pas été reprises dans ce 49.3. Les taxes comportementales ont un effet bénéfique. On le voit d’ailleurs avec l’augmentation du tabac, à partir du 1er janvier. Quand on veut, on peut. Donc rendez-vous l’année prochaine, Madame la ministre ».
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