Déclaration de politique générale et avenir de la Nouvelle Calédonie en séance au Sénat ce 15 octobre
Crédit : ISA HARSIN / SIPA / 2410021553

Budget : le retard à l’Assemblée nationale ne chamboule pas, pour le moment, l’examen du texte au Sénat

Alors que l’Assemblée nationale ne tiendra pas les délais initialement fixés pour voter les recettes du budget de l’Etat, le Sénat regarde d’un œil attentif les débats à la chambre basse. Pour le moment le calendrier en séance – déjà raccourci – ne devrait pas être à nouveau bouleversé. L’objectif : que le Parlement se positionne sur le budget avant le 23 décembre, ou à défaut le 31.
Louis Mollier-Sabet

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De mémoire d’administrateurs, on n’avait jamais vu ça. L’Assemblée nationale va commencer l’examen du budget de la Sécurité sociale avant d’avoir voté la première partie du budget de l’Etat. Le vote solennel sur le volet « recettes » du projet de loi de finances (PLF) était prévu ce mardi 4 novembre, mais les délais ne pourront pas être tenus. Mais une fois n’est pas coutume, ce n’est pas l’obstruction parlementaire qui va empêcher les députés de tenir les délais initialement fixés.

Retard à l’allumage

En déposant environ 6 200 amendements au budget 2026, les députés sont en effet restés dans l’étiage d’années « normales », comme lors de l’examen du budget 2022 (5 500 amendements) ou 2023 (6 600 amendements). Ce sont même les groupes macronistes et LR qui ont déposé le plus d’amendements, ainsi que le groupe LFI, qui a retiré environ 15 % des siens en enjoignant les autres groupes à en faire de même.

Dès le départ, les délais de l’examen parlementaire des textes budgétaires étaient très contraints. Au-delà des délais constitutionnels qui s’appliquent tous les ans sans que cela ne pose de problème, la chute de François Bayrou début septembre, puis les atermoiements et rebondissements multiples dans la formation des gouvernements Lecornu I et II ont considérablement amputé le calendrier. Les textes budgétaires ont été adoptés en Conseil des ministres et déposés le 14 octobre, soit 19 jours après le dépôt du projet de loi de finances en 2022. Cette année-là, l’examen à l’Assemblée nationale avait débuté le 11 octobre.

À ces contraintes s’ajoute évidemment une Assemblée fragmentée, à laquelle le Premier ministre a promis une coconstruction du budget en séance sans 49-3, faute de quoi il serait renversé. Cette équation quasi impossible avait déjà poussé Gérard Larcher, « mécontent », à taper du poing sur la table. La Conférence des présidents du 22 octobre avait alors revu le calendrier d’examen des textes, décalant de deux jours l’examen du PLFSS et du PLF, amputant l’examen du budget de l’Etat d’un jour par rapport à 2024.

« Réorganisation du travail en commission, mais pas d’incidence sur l’hémicycle »

Ce nouveau retard pris à l’Assemblée aura-t-il une incidence sur les travaux du Sénat et donc – in fine – sur la conformité aux délais constitutionnels ? « Les travaux de la commission des Finances avaient été calés sur le vote de la première partie à l’Assemblée, qu’elle soit adoptée ou pas d’ailleurs. Le rapport du rapporteur général devait être présenté le 12 novembre au matin. Ce calendrier n’est plus tenable », explique la sénatrice LR Christine Lavarde, membre de la commission des Finances.

Toutefois cette « réorganisation du travail en commission » ne devrait pas chambouler – en l’état – l’examen du PLFSS et du PLF en séance. Comme tous les ans, pendant que le Sénat examine le budget de la Sécu, les commissaires aux Finances étudient les crédits de la deuxième partie sur les dépenses du budget de l’Etat en commission, afin de pouvoir enchaîner sur l’examen en séance une fois le PLFSS voté. « Sinon ce n’est pas tenable, nous avons besoin de nos vingt jours pour l’hémicycle. Donc on étudie les crédits de la partie II avant, et s’il y a des modifications à l’Assemblée entre-temps, on tient une sorte de ‘commission balai’ juste avant de démarrer », détaille la sénatrice des Hauts-de-Seine.

Délais constitutionnels : la théorie et la pratique

Derrière toute cette gymnastique logistique, il ne faut pas oublier la contrainte initiale : tenir les délais constitutionnels de 70 jours qui amèneraient à la date butoir du 12 décembre pour le PLFSS et du 23 décembre pour le PLF, ou à défaut, celle du 31 décembre. « La véritable échéance est bien le 31 décembre, confirme Thibaud Mulier, maître de conférences en droit public à l’Université Paris Nanterre. Il faudrait quand même se réserver quelques jours pour permettre une saisine du Conseil constitutionnel. » Mathieu Carpentier, lui aussi maître de conférences en droit public à l’Université Toulouse Capitole, confirme : « Le seul inconvénient de siéger jusqu’au 31 décembre serait de rendre la saisine du Conseil constitutionnel matériellement impossible. »

En somme, du moment que le Conseil constitutionnel dispose de quelques jours pour se prononcer, le gouvernement n’est pas tenu d’appliquer les délais de l’article 47 de la Constitution et de légiférer par ordonnances au terme de ceux-ci. « La saisine du Conseil constitutionnel n’est pas obligatoire, donc légalement, il est possible de s’en passer. Mais dans un régime où les contrepouvoirs sont déjà si faibles, s’exonérer d’une décision du Conseil (qui sait travailler très vite) serait, du point de vue de la légitimité, vraiment problématique », estime Thibaud Mulier.

En 1962, le gouvernement Pompidou est censuré le 4 octobre, à la suite de quoi le général de Gaulle refuse sa démission et dissout l’Assemblée nationale le 9 octobre. Les législatives ont lieu les 18 et 25 novembre et le projet de loi de finances et donc déposé (largement) en retard le 11 décembre 1962. Le Parlement vote alors un dispositif semblable à la loi spéciale actuelle pour adopter la partie I du budget le 21 décembre. La deuxième partie du projet de loi de finances ne sera discutée qu’à partir du 8 janvier. Face à l’exigence de continuité de l’Etat et d’annualité du budget, les innovations institutionnelles ne sont peut-être pas épuisées.

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