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Budget : suppression de la hausse de la taxe sur l’électricité, collectivités… les principales modifications votées par le Sénat

Les sénateurs ont terminé l’examen de la partie recettes du budget 2025, après une semaine de débats jour et nuit. La majorité sénatoriale se place globalement dans les pas du gouvernement, au point d’avoir accepté de nombreuses secondes délibérations, suscitant la colère de la gauche, qui a quitté l’hémicycle. Le Sénat a supprimé la hausse de la taxe sur l’électricité, l’une des lignes rouges de Marine Le Pen. Ils ont allégé d’un milliard d’euros l’effort demandé aux collectivités.
François Vignal

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Alors que le gouvernement s’apprête à jouer sa survie à l’Assemblée, les sénateurs sont en plein examen du projet de loi de finances (PLF) 2025. La Haute assemblée a terminé dans la nuit de samedi à dimanche l’examen de la première partie du PLF portant sur les recettes, avant d’entamer la semaine prochaine le volet dépenses, que les députés n’ont pas examiné, du fait du rejet de la partie recettes. Après les explications de vote ce dimanche après-midi, ils ont adopté l’ensemble de la première partie par 200 voix contre 15 et 30 abstentions, mais avec l’absence des trois groupes de gauche (PS, écologiste et communiste).

La gauche quitte l’hémicycle pour dénoncer 27 secondes délibérations

Car rien ne s’est passé comme prévu ce dimanche. Le gouvernement et le rapporteur général du budget, le sénateur LR Jean-François Husson, ont demandé pas moins de 27 secondes délibérations pour revenir sur plusieurs votes de la Haute assemblée. Une procédure prévue par le règlement mais que la gauche a dénoncé avec verve, y voyant « un coup de force antidémocratique » et un « procédé scandaleux ». Les trois groupes de gauche ont quitté l’hémicycle pour marquer le coup (lire notre article pour plus détails). Regardez :

Le rapporteur, comme le gouvernement, voulaient revenir sur certaines décisions, qui auraient eu pour conséquence d’alourdir la prévision de déficit de 5 à 5,5 %. Mais au passage, la majorité sénatoriale a accepté de se faire hara-kiri, en revenant sur la hausse de la taxe sur le gaz, qu’elle avait pourtant elle-même adoptée pour compenser la suppression de la hausse de la taxe sur l’électricité (lire notre article pour plus de détails). De quoi faciliter les choses avec le RN, alors que Marine Le Pen agite la menace d’une censure. Mais cette dernière s’est montrée aujourd’hui moins vindicative dans La Tribune dimanche.

La copie du Sénat aggrave pour le moment le déficit à 5,4 %

Si les votes du Sénat avaient été conservés, la dégradation du solde budgétaire aurait été de 5,8 milliards d’euros. Après les secondes délibérations, le solde a été amélioré « de 2,8 milliards d’euros », a indiqué Jean-François Husson, notamment après l’annulation de la contemporanéisation du FCTVA pour les collectivités, un amendement communiste, pour un coût de 6,4 milliards d’euros.

Reste que malgré ces secondes délibérations, la copie du Sénat aggrave toujours le déficit, à « 5,4 % du PIB », selon le rapporteur, qui estime « impératif » d’adopter des économies lors de la partie dépenses.

Un Sénat globalement aligné sur le gouvernement

La volonté commune du rapporteur et du gouvernement de revenir sur les votes n’est pas une surprise. Car c’est un Sénat globalement aligné sur le gouvernement qui s’est emparé de ce budget. Et pour cause : la majorité sénatoriale LR-centriste soutient le gouvernement Barnier, aux côtés des groupes RDPI (Renaissance), Indépendants et RDSE, en partie. Alors que le Sénat était depuis 2017 dans l’opposition à Emmanuel Macron, c’est une mue qui s’est opérée sur les sénateurs avec le gouvernement Barnier (lire notre article sur le sujet).

Les sénateurs ont ainsi globalement approuvé les grandes lignes de ce budget, comme la taxe temporaire sur les très hauts revenus, la contribution exceptionnelle des grandes entreprises ou le malus auto, quitte à aller à l’encontre de l’ADN des LR. La majorité sénatoriale n’en a pas moins imprimé sa marque sur le budget et s’est parfois opposée au gouvernement, notamment en allégeant d’un milliard d’euros l’effort demandé aux collectivités – l’exécutif est prêt à revoir sa copie ici mais pas à ce niveau – ou en supprimant la hausse des taxes sur l’électricité, mesure demandée aussi par… Marine Le Pen.

Après une semaine d’examen et plus de 2.000 amendements déposés, le point sur les principales modifications du Sénat et les mesures à retenir dans ce budget 2025.

  • Le Sénat s’oppose à la hausse de la taxe sur l’électricité, mais renonce à augmenter celle sur le gaz

C’est le point clef dans les modifications apportées par le Sénat dans ce PLF. Alors que le gouvernement souhaite relever la fiscalité de l’électricité au-delà de son niveau d’avant-crise, à 32 euros par MWh, la majorité sénatoriale s’y est opposée, souhaitant ne pas dépasser ce seuil. Revenir sur cette mesure coûte 3,4 milliards d’euros, que les sénateurs voulaient compenser en partie par un relèvement de 4 euros par MWh de l’accise du gaz naturel à usage combustible. Mais lors d’une seconde délibération demandée par le gouvernement, la majorité sénatoriale a accepté de revenir sur cette hausse de la taxe sur le gaz.

Ce vote du Sénat pourrait donner un coup de main à l’exécutif. L’une des principales lignes rouges de Marine Le Pen, qui menace le gouvernement de voter une motion de censure, est justement le refus de la hausse des taxes sur l’électricité. En acceptant de lâcher sur ce point, Michel Barnier fait un pas vers le RN, tout en montrant un visage d’écoute à l’égard du Sénat.

  • Les sénateurs allègent l’effort demandé aux collectivités de plus d’un milliard d’euros

Le Sénat a adopté une série d’amendements pour réduire l’effort budgétaire demandé par le gouvernement aux collectivités. Ils ont notamment supprimé les 800 millions d’euros d’économies sur le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), un système d’accompagnement des collectivités dans leurs dépenses d’investissement. Le gouvernement est prêt à réduire largement l’effort sur le FCTVA (à plus de 80 %), mais pas à ce point.

Les sénateurs ont aussi adopté une hausse de la dotation globale de fonctionnement de 290 millions d’euros.

Dans la partie dépenses du PLF, les sénateurs vont encore davantage réduire l’effort de deux milliards d’euros supplémentaires, en modifiant le fonds de réserve pour les collectivités. Ils veulent mieux répartir la contribution à ce fonds, en l’élargissant à 3.000 collectivités, plutôt que sur les 450 les plus riches.

  • Scandale des eaux minérales : le Sénat renonce à augmenter le taux de TVA de 5,5 à 20 % sur l’eau en bouteille en plastique

Le vote des sénateurs n’est pas passé inaperçu. Le Sénat a adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement supprimant le taux réduit de TVA dont bénéficient les eaux en bouteille plastique, tout en rappelant le « scandale Nestlé Waters » sur les eaux minérales traitées illégalement, et les conséquences environnementales de l’usage du plastique. La mesure pourrait rapporter près de 300 millions d’euros, si elle était conservée dans le texte final. Mais lors d’une seconde délibération, les sénateurs sont revenus sur ce vote.

  • Hausse de la taxe sur les transactions financières de 0,1 point

Les sénateurs ont adopté durant les débats des amendements venant du PS, des écologistes mais aussi de François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance), visant à augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF) de 0,2 point, celui-ci passant de 0,3 % à 0,5 %.

Lors d’une seconde délibération, le Sénat a adopté, avec l’accord du gouvernement, un amendement du rapporteur Husson proposant de conserver la hausse du taux de la TTF, mais d’en réduire l’ampleur en le réhaussant de 0,1 point au lieu de 0,2. La recette supplémentaire résultant du passage de 0,3 % à 0,4 % du taux de la taxe est estimée à 600 millions d’euros.

  • Réduction de la hausse de la taxe sur les billets d’avion

Les sénateurs sont revenus sur une mesure voulue par le gouvernement qui a pour objet de faire contribuer les passagers aériens à l’effort de rétablissement des comptes publics. La taxe doit rapporter 1 milliard dans les caisses de l’Etat. Les sénateurs sont revenus en partie sur cet amendement afin de protéger certains territoires et l’emploi dans les petites compagnies aériennes.

  • Le Sénat prolonge de trois mois les aides à l’investissement locatif du dispositif Pinel

Après dix ans d’existence, le dispositif Pinel, qui permet d’obtenir des réductions d’impôt pour les investisseurs dans l’immobilier locatif, doit prendre fin au 31 décembre. Une mesure trop brutale, dans un contexte de crise du logement, ont jugé les sénateurs qui ont voté sa prolongation pour trois mois, contre l’avis du gouvernement.

  • Logement : retour du prêt à taux zéro sur tout le territoire, y compris pour les logements anciens

Grâce au vote d’une dizaine d’amendements venus de tous les groupes politiques, la chambre haute a adopté le retour du prêt à taux zéro (PTZ) sur l’ensemble du territoire. Il y a un an, les conditions d’accès au PTZ avaient été restreintes.

Les amendements adoptés par le Sénat, qui rétablissent le dispositif d’origine, ne correspondent pas exactement à la position que défend le gouvernement. Il souhaite rétablir le PTZ sur tout le territoire uniquement pour la construction de logements neufs et non pour la rénovation. Le Sénat va plus loin en étendant le PTZ à l’achat de logements anciens.

  • Le Sénat renforce la taxe sur les rachats d’actions proposée par le gouvernement

En quête de mesures pour générer de nouvelles recettes, le gouvernement propose dans son projet de loi de finances de taxer les rachats d’actions des grandes entreprises. Les sénateurs ont adopté ce dispositif, en modifiant le mode de calcul de la taxe pour accroître considérablement son rendement, désormais évalué à près d’un milliard d’euros.

  • Pas de renforcement de l’« exit tax » pour lutter contre l’exil fiscal des sociétés qui bénéficient d’aides publiques

À la surprise générale, les sénateurs ont voté d’une courte majorité un amendement du groupe communiste et de plusieurs sénateurs centristes. Celui-ci renforce l’« exit tax », un dispositif pensé par Nicolas Sarkozy pour freiner l’exil fiscal, mais amoindri par Emmanuel Macron. Les sénateurs ont durci de nouveau les règles de cette taxe pour les sociétés ayant bénéficié d’au moins 100.000 euros d’aides publiques. Mais lors d’une seconde délibération, ils sont finalement revenus sur leur vote.

  • Le Sénat adopte la surtaxation des hauts revenus, la gauche regrette « un symbole, sans effet pour les finances de l’Etat »

C’est sûrement l’une des mesures du PLF qui a le plus surpris, de la part d’un gouvernement LR-Renaissance : une imposition minimale de 20 % pour les 24.300 foyers aux plus hauts revenus. Une mesure clairement d’inspiration de gauche, de la part de Michel Barnier, premier ministre issu des rangs de LR, qui cherchait, lors de la composition de son gouvernement, à intégrer des personnalités de gauche pour prendre en compte les équilibres de l’Assemblée.

Appliquée pour une durée de trois ans, la mesure est provisoire et devrait ramener 2 milliards d’euros en 2025. Lors des débats, les élus, notamment à gauche de l’hémicycle, ont exprimé leurs inquiétudes face aux nombreuses niches fiscales qui risquent de miner le dispositif. Ils ont tenté en vain de renforcer l’assiette d’imposition.

  • Surtaxe exceptionnelle sur les grandes entreprises

Autre marqueur fort de ce PLF : le Sénat a adopté la surtaxe qui cible les grandes entreprises. Une contribution exceptionnelle et « temporaire » qui devrait rapporter 8 milliards d’euros l’année prochaine puis 4 milliards en 2026. Les sénateurs centristes ont tenté, sans succès, de la supprimer pour la remplacer par une hausse de la TVA de deux points.

A l’Assemblée nationale, cet article avait été rejeté après l’adoption d’un amendement de la gauche, augmentant, contre l’avis du gouvernement, les taux de prélèvement. Le mesure du gouvernement prévoit une contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés fixée à 20,6 % en 2025 et 10,3 % en 2026 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards. Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards, le taux est de 41,2 % en 2025 et de 20,6 % en 2026.

  • Taxe exceptionnelle visant le géant français du fret maritime, CMA CGM

Le Sénat a voté en faveur de cette mesure voulue par le gouvernement, qui prévoit une « taxe exceptionnelle » sur les grandes entreprises de fret maritime dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 milliard d’euros. Seule la CMA CGM est concernée. La taxe devrait rapporter 500 millions d’euros en 2025 et 300 millions en 2026

  • Suppression de la CVAE : le Sénat vote son report, l’opposition dénonce « un symbole » de la politique d’Emmanuel Macron

La majorité sénatoriale a adopté le report de 2027 à 2030 de la suppression de la CVAE, un impôt acquitté par les entreprises, qui bénéficiait aux collectivités. Mais les débats se sont vite transformés en bilan, pour ne pas dire procès, de la politique fiscale d’Emmanuel Macron, largement pointée du doigt par les oppositions. Elles l’accusent d’avoir creusé la dette en supprimant des impôts sans les financer.

  • Adoption du nouveau dispositif visant à réguler le prix de l’électricité, malgré les critiques de la gauche

Malgré plusieurs amendements de suppression en provenance de la gauche mais aussi de la droite, le Sénat a adopté l’article 4 du PLF, qui prévoit un nouveau dispositif visant à remplacer l’ARENH (l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique) en 2026. Ses opposants dénoncent « une machine à gaz » et réclament un projet de loi spécifique.

  • La subvention française de 23,1 milliards d’euros au budget annuel de l’UE adoptée par le Sénat

Contrairement aux députés qui l’ont rejetée, les sénateurs ont adopté la subvention française au budget de l’Union européenne. Elle est finalement de 23,1 milliards d’euros. La France est le deuxième contributeur au budget de l’Union, derrière l’Allemagne.

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