Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Comment fonctionne l’avance de frais de mandats des sénateurs ?
Par Simon Barbarit
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La décision passée inaperçue cet automne a été mise en avant lundi, par Mediapart. Le 16 novembre dernier, le Bureau du Sénat, qui rassemble le Président du Sénat, huit Vice-présidents, trois questeurs et quatorze secrétaires principalement issus de la majorité sénatoriale de la droite et du centre, a décidé d’augmenter de 700 euros l’avance de frais de mandat (AFM) des élus de la chambre haute, afin de tenir compte « du contexte inflationniste » et de « l’incidence de l’augmentation des tarifs hôteliers », peut-on lire dans le compte rendu.
A quoi sert l’avance de frais de mandat ?
Tout d’abord, il ne s’agit pas de la rémunération des parlementaires, qui s’élève pour les sénateurs à 7 637,39 € bruts, 5 676,12 € net avant impôt, au 1er janvier 2024. Elle comprend l’indemnité parlementaire de base (72 %) ; l’indemnité de résidence (3 %) et l’indemnité de fonction (25 %).
L’AFM, comme son nom l’indique, est une avance versée mensuellement sur un compte dédié afin de prendre en charge les dépenses des parlementaires dans l’exercice de leur mandat, transports, téléphonie, permanence locale… Jusqu’à présent cette enveloppe était de 5 900 euros. Sur décision du bureau du Sénat, l’enveloppe s’élève depuis cette année à 6 600 euros. Le régime de prise en charge des frais relève du fonctionnement de chaque assemblée. L’AFM est toutefois plafonnée pour trois postes de dépenses spécifiques : 6000 euros sur trois ans pour les dépenses informatiques ou bureautiques, 1500 euros (contre 1200 les années précédentes) pour les dépenses liées « au titre de l’hébergement parisien ». Les sénateurs parisiens ou ceux bénéficiant d’un « bureau-chambre » mis à disposition par le Sénat ne sont pas concernés. Enfin, l’AFM autorise une avance de 750 euros « au titre des obligations de représentation des sénateurs exerçant des fonctions particulières », comme les vice-présidents, les questeurs, présidents et rapporteurs généraux de commission, présidents de groupe, les présidents de délégation.
L’utilisation de cette avance doit répondre à ces certaines conditions. Elles doivent être « raisonnables », avoir un lien avec l’exercice du mandat et ne pas permettre l’enrichissement personnel de l’élu. Un guide de bonne conduite cite plusieurs dépenses à proscrire comme les dépenses médicales ou paramédicales, les abonnements sportifs ou télévisuels, l’achat de bijoux ou de montres, les formations de développement personnel, les billets pour des événements culturels ou sportifs, les dépenses électorales, l’achat d’un bien immobilier ou encore la prise en charge d’amendes.
Enfin, si le sénateur n’utilise pas la totalité de son AFM sur une année, le solde non consommé est conservé sur le compte bancaire dédié et sera déduit du montant de l’AFM de l’année suivante. Afin d’éviter tout risque d’enrichissement personnel, au terme du mandat de 6 ans, le solde non-consommé est reversé au Sénat.
Les contrôles
Chaque sénateur doit justifier l’usage de son AFM en enregistrant les justificatifs de chaque dépense dans l’application informatique JULIA, (justification en ligne des avances). Tous les sénateurs voient leurs dépenses contrôlées, sur la base de fiches anonymes, par le Comité de déontologie du Sénat, où chaque groupe politique est représenté. Le Comité de déontologie s’appuie sur l’expertise de deux cabinets d’experts-comptables indépendants, qui contrôlent ces justificatifs. Les sénateurs sont contrôlés sur la base d’un échantillonnage de leurs dépenses les plus importantes. Mais chaque sénateur fait l’objet d’un contrôle approfondi au moins une fois au cours de son mandat. Les élus peuvent aussi faire l’objet de contrôles complémentaires si des anomalies récurrentes ou d’une ampleur inhabituelle, apparaissent. En cas d’irrégularité ou d’erreur de saisie, le Comité sollicite le remboursement de la dépense au sénateur. Un manquement grave peut conduire à une sanction disciplinaire.
L’AFM, un dispositif issu de la loi pour la confiance de la vie publique
L’avance de frais de mandat (AFM) a remplacé l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) en 2018 suite à l’adoption d’un des premiers textes du quinquennat d’Emmanuel Macron : la loi « pour la confiance dans la vie politique ». La campagne présidentielle, marquée par l’affaire Pénélope Fillon, avait placé au cœur de l’actualité le sujet du contrôle des indemnités des parlementaires.
L’utilisation de l’IRFM n’était alors soumise à aucun contrôle. Seuls des guides de bonne conduite étaient définis par l’Assemblée et le Sénat. L’achat de sa permanence parlementaire avec l’IRFM était par exemple proscrit. Mais du fait de cette absence de contrôle, les parlementaires pouvaient, s’ils le désiraient, utiliser cette enveloppe comme bon leur semblait. En clair, la détourner de sa fonction et l’utiliser comme un complément de revenu. Dans son rapport 2016, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique avait identifié « plusieurs situations dans lesquelles l’IRFM avait contribué à un accroissement sensible du patrimoine des déclarants ». Jusqu’en 2012, les députés pouvaient même verser sur leur IRFM le reliquat des crédits non-utilisés destinés à payer leurs collaborateurs, dans la limite de 6 000 euros brut par an.
La loi « pour la confiance dans la vie publique » a conduit les deux assemblées à adopter ce nouveau système d’avance de frais de mandats, applicable depuis 1er janvier 2018. L’IRFM qui s’élevait à 5 372 euros nets pour les députés et 6 109 euros nets pour les sénateurs a été remplacée, le 1er janvier 2018, dans les deux assemblées par le nouveau système d’avance de frais de mandats (AFM) d’un montant de 5 900 euros pour les sénateurs et 5 373 euros pour les députés. Ces avances ont été réévaluées cette année dans les deux chambres. La semaine dernière, le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé d’augmenter l’AFM des députés d’un peu plus de 300 euros par mois, la portant à 5 950 euros.
La différence de montant entre les deux assemblées est régulièrement justifiée par la différence des circonscriptions. Les sénateurs sont parlementaires pour tout un département, alors que les circonscriptions des députés sont plus petites.
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