Social Medias and Riots in France

Commission d’enquête sur les émeutes : pourquoi l’audition des Gafam au Sénat s’est-elle déroulée à huis clos ?

Les responsables juridiques de X (ex-Twitter), Meta (Facebook, Instagram et WhatsApp), TikTok et Snapchat, auditionnés par la commission d’enquête du Sénat sur les émeutes, ont pu échapper à la diffusion de leur audition. Ils ont obtenu le huis clos, à leur demande. Explications, qui surprendront certains.
François Vignal

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L’exposition des enfants aux écrans et aux réseaux sociaux est dans le collimateur. Lors de sa conférence de presse mardi, Emmanuel Macron a souligné le rôle « très important des écrans » dans les émeutes de l’été dernier. Le sujet est aussi dans le viseur de la commission d’enquête du Sénat sur ces événements qui ont marqué de nombreuses villes du pays.

C’est pourquoi les sénateurs ont auditionné mardi 16 novembre dernier les responsables juridiques des réseaux sociaux X (ex-Twitter), Meta (Facebook, Instagram et WhatsApp), TikTok et Snapchat. Bref, les fameux Gafam. Mais de l’audition, on ne sait rien, car celle-ci s’est déroulée à huis clos. Elle n’a donc pas été filmée et diffusée en direct sur le site du Sénat, contrairement aux autres.

« Ce sera restitué dans le cadre du rapport », précise le sénateur LR François-Noël Buffet

Pourquoi ce huis clos, que seuls les sénateurs de la commission d’enquête peuvent décider, sachant que répondre à la convocation d’une commission d’enquête est obligatoire ? Réponse avec le président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, qui occupe la fonction de rapporteur de cette commission d’enquête : « C’est à leur demande. Car ils avaient été auditionnés à l’Assemblée, je crois, et tous leurs propos avaient été repris sur les réseaux. Ça avait créé des difficultés. Ils voulaient avoir une liberté de parole. J’ai accepté. Ils se sont exprimés très librement, sans contrainte », explique François-Noël Buffet. S’« il n’y a rien non plus qui relève du secret-défense », il pense que « c’était plus confortable pour l’audition ». « Nous, on n’a pas de souci avec ça. Ce qu’on veut, c’est qu’ils racontent la vérité », insiste le sénateur LR du Rhône.

Le huis clos n’est d’ailleurs que temporaire, car il y aura bien un compte rendu écrit de l’audition, mais donc pas de vidéo. Mais il faudra attendre encore un peu. « Tout cela sera restitué dans le cadre du rapport. C’est un huis clos relatif », précise François-Noël Buffet. Il pense rendre ses conclusions « fin février ».

« On peut relever une ironie ou un paradoxe », note le socialiste Jérôme Durain

N’est-ce quand même pas gênant de ne pas pouvoir entendre et voir en direct l’audition, comme pour les autres personnes auditionnées ? D’autant que les Gafam sont attendus sur le sujet. « Ça ne me pose pas de problème, dans la mesure où les commissaires aux lois, c’est-à-dire les autres sénateurs, étaient là. Ils ont pu poser les questions. On a pu avoir des réponses très claires », avance le rapporteur. Il ajoute que « cela permet aussi, finalement, de dire qu’on a un problème de fond sur l’utilisation des réseaux sociaux, dans certains cas, pas tous les cas ».

Reste que la situation est pour le moins singulière. Les responsables des réseaux sociaux ne préfèrent pas être filmés pour éviter d’être attaqués ou harcelés ensuite sur leurs propres réseaux sociaux… « C’est ironique. Alors qu’ils font commerce de l’actualité, de l’instantanéité, de la plus grande transparence, c’est assez surprenant », relève le sénateur PS Jérôme Durain, qui suit les travaux de la commission. Si ce huis clos est « sans doute dommage », il ne choque cependant pas plus que ça le sénateur PS de Saône-et-Loire. « Est-ce que ça doit être traité à chaud, ces questions-là ? Ou l’essentiel, c’est de contribuer à la qualité du rapport ? Ce qui compte, c’est que l’information soit disponible à la fin », pense Jérôme Durain, qui ajoute encore : « Nos travaux durent quelques mois. On peut patienter jusqu’au rendu du rapport. Je ne suis pas davantage choqué que ça. Ce qui compte, c’est qu’il y ait une transparence, et ce sera le cas à la fin. Mais en effet, on peut relever une ironie ou un paradoxe ».

« Dans certains cas, les réseaux sociaux peuvent représenter un réel danger »

Sur le fond, François-Noël Buffet sait bien que « nous avons un sujet sur l’utilisation des réseaux, leurs usages. C’est une très bonne chose pour la liberté, mais dans certains cas, ça peut représenter un réel danger. On le voit dans notre mission sur les émeutes, on le voit aussi dans la mission sur l’agression des professeurs. On sent bien qu’on a besoin de trouver un point d’équilibre, entre liberté et risques potentiels ». Et à ce titre, « la question de la modération, c’est un sujet » évidemment. Les responsables des Gafam semblent en tout cas attachés à modérer les risques des réseaux… pour eux.

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