C’était la surprise de la matinée. Prenant la parole ce matin, dans la froideur de la cour de Matignon, le premier ministre, Sébastien Lecornu, a mis sur la table une idée iconoclaste. Alors que les députés n’ont pas examiné la partie sur les dépenses, soit les budgets par ministère, en raison du rejet de la partie recettes du projet de loi de finances, il propose de continuer les échanges, hors procédure parlementaire classique, pour tenter d’arracher un compromis.
De quoi s’agit-il ? « En marge » des débats au Sénat, il tente « une méthode un peu différente », avoue le premier ministre : rencontrer à nouveau tous les groupes politiques et organiser des débats thématiques, suivis d’un vote, notamment sur la défense. S’il n’a pas précisé, on imagine qu’il pourrait s’agir d’un débat selon l’article 50-1 de la Constitution. Cinq thèmes seront au menu des rencontres avec forces politiques : déficit, décentralisation, énergie, agriculture et sécurité/défense donc (lire notre article pour en savoir plus).
« Si vous voulez donner le tournis aux Français, vous ne vous y prenez pas autrement »
L’idée a eu pour effet d’énerver passablement le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat, que le premier ministre n’avait pas jugé bon de mettre dans la confidence, lors d’une rencontre vendredi dernier. « L’heure n’est pas à la dispersion, aux initiatives intempestives », a sèchement rétorqué le sénateur de Meurthe-et-Moselle (voir la vidéo), interrogé ce lundi par publicsenat.fr, lors d’une conférence de presse de présentation des grandes lignes défendues par la majorité sénatoriale sur le budget (lire notre article pour plus de détails).
« Ça va devenir compliqué pour nos concitoyens de savoir ce qu’il se décide, et où », pointe encore le rapporteur, alors qu’« à ce stade, le Sénat n’a pas encore examiné le projet de loi de finances ». Et à la différence des députés, la Haute assemblée examinera sans nul doute la seconde partie du budget, sur les dépenses. « Si vous voulez donner le tournis aux Français, vous ne vous y prenez pas autrement », insiste Jean-François Husson, qui regrette un manque de « clarté » et pointe la « cacophonie » ambiante. Et d’ajouter : « Il ne faut pas jouer chacun pour soi, il faut jouer le chacun pour tous ».
Gérard Larcher fait part de son « mécontentement sur cette façon de procéder »
En conférence des présidents de la Haute assemblée, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a quant à lui fait part de son « mécontentement sur cette façon de procéder », selon l’AFP, craignant de voir l’agenda du Sénat perturbé, au moment où il entame l’examen du projet de loi de finances. Car s’il faut organiser des débats supplémentaires, il faudra les insérer dans l’agenda parlementaire au chausse-pied. Alors que les relations étaient mauvaises entre le Sénat et le gouvernement Lecornu II depuis plusieurs semaines, pas sûr que l’imagination du premier ministre mette de l’huile…