Le Premier ministre Michel Barnier a engagé lundi la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, avec le recours au 49.3. Le gouvernement devrait donc chuter dès mercredi, le Rassemblement national et la gauche ayant annoncé qu’ils voteraient la censure. Au micro de Public Sénat, le patron des sénateurs socialistes, Patrick Kanner estime que « le grand responsable de tout ce chaos est Emmanuel Marcon ».
IVG dans la Constitution : revivez les débats et « le moment historique » à Versailles
IVG dans la Constitution : revivez les débats et « le moment historique » à Versailles
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Un vote historique. Les parlementaires français, réunis ce lundi 4 mars en Congrès, ont approuvé l’introduction de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, par 780 voix pour et 72 contre. Sur 902 parlementaires, 852 se sont exprimés. Ce faisant, la France devient le premier pays du monde à faire figurer l’IVG dans sa Constitution. L’annonce des résultats par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a été saluée par une très longue ovation débout des députés et sénateurs.
Ce vote vient sceller un long processus parlementaire, dont le point d’orgue a été, mercredi 28 février, l’adoption par le Sénat du projet de loi constitutionnelle, en dépit des réticences exprimées par la majorité sénatoriale de droite et du centre.
Toute révision constitutionnelle implique d’être votée en des termes similaires par l’Assemblée nationale et le Sénat, avant un ultime vote à la majorité des trois cinquième des parlementaires réunis en Congrès, soit au moins 512 voix.
Au cours des nombreuses prises de parole qui se sont succédé cet après-midi à la tribune de la grande salle du Congrès, dans le château de Versailles, les élus ont souligné le rôle pionnier de la France. Ce vote intervient près de cinquante ans après l’adoption de la loi « Veil » de 1975, qui a légalisé le recours à l’IVG en France, et alors que la montée des populismes menace l’accès à l’avortement dans de nombreux pays à travers le monde.
Le président de la République a désormais quinze jours pour promulguer la loi constitutionnelle après son adoption par le Congrès.
Retrouvez ici notre live, avec les principales prises de paroles, déclarations et réactions.
Standing ovation à la proclamation des résultats du vote par Yaël Braun Pivet
« Ce vote peut servir de point d’appui dans d’autres pays », réagit Mélanie Vogel
« Ce vote peut servir de point d’appui, dans d’autres pays qui voient que la France a gagné grâce à la mobilisation des féministes », réagit la sénatrice Mélanie Vogel, à l’origine d’une proposition de loi en faveur de la constitutionnalisation de l’IVG l’an dernier. « Il y a un an et demi personne ne pensait que c’était possible de faire voter le Sénat pour la constitutionnalisation du droit à l’IVG. Tout le monde disait que c’était impossible et pourtant nous l’avons fait », rappelle. Et d’ajouter : « Si nous nous pouvons le faire, nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Si nous nous pouvons le faire, tous les pays peuvent le faire. »
Comme prochaine étape, la sénatrice appelle à inscrire ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, afin que tous les citoyens de l’UE puissent en bénéficier. La parlementaire donne également rendez-vous la représentation nationale aux textes budgétaires de fin d’année, afin de mieux financer l’accès à l’IVG en France. « J’espère que vous serez attentifs et attentives aux votes de la droite au prochain budget », a-t-elle encouragé.
Elisabeth Borne : « Ça assure dans la durée que nos filles et petites filles puissent bénéficier de ce droit »
Après l’approbation par le Congrès de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, l’ancienne Première ministre, Elisabeth Borne a estimé que cette révision constitutionnelle « ne changeait pas les conditions d’exercice du droit à l’IVG ». « Mais quand on voit à quel point les populistes peuvent monter un peu partout dans le monde, je pense que c’est une protection. Ça assure dans la durée que nos filles et petites filles puissent bénéficier de ce droit ».
Marie-Pierre de la Gontrie : « Le combat est gagné, mais il y en aura d’autres »
« Lorsqu’on est parlementaire, on identifie par clairement le rôle qu’on peut avoir. Cette journée sera historique pour tout le monde et pour toutes les femmes », a réagi la sénatrice socialiste, Marie-Pierre de la Gontrie, à quelques minutes de l’issue du scrutin.
Fer de lance au Sénat de cette révision constitutionnelle, Marie-Pierre de la Gontrie évoque « l’aboutissement d’un combat qui a duré pendant des années et des années, un combat du Parlement et des associations féministes (…) Le combat est gagné mais il y en aura d’autres », a-t-elle conclu.
« J’ai été ému moi-même », relate Claude Malhuret au sujet de son témoignage fort devant le Congrès
Claude Malhuret aura marqué l’hémicycle, parlementaires comme ministres, au sujet de l’histoire qu’il a contée, celle d’un cas d’infanticide dont il a été le témoin lorsqu’il était jeune médecin coopérant. « J’ai été ému moi-même », confesse le sénateur (Horizons), qui évoque une « expérience bouleversante à l’époque ». « J’ai voulu dire aussi que nous avions peut-être le luxe, aujourd’hui, de nous battre pour qu’on ne revienne pas en arrière. Nous avons le luxe d’avoir toutes les lois qui nous protègent en France », a-t-il insisté à notre micro.
Depuis la tribune de la salle du Congrès à Versailles, l’ancien médecin humanitaire nous explique avoir eu une pensée pour les « centaines de millions de femmes dans le monde » qui ne bénéficient pas aujourd’hui de l’IVG. « J’espère que ça va lancer un débat », dit-il, ajoutant à quelques minutes de la proclamation du résultat : « Le signal est encore plus fort pour le reste de la planète que pour nous. »
La ministre Catherine Vautrin se félicite d’« un message très fort » envoyé au reste du monde
Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités salue « un moment extrêmement important de concorde nationale pour la liberté des femmes de France ». Alors que les parlementaires sont en train de procéder au vote sur le projet de loi qui fait entrer l’IVG dans la Constitution, Catherine Vautrin évoque au micro de Public Sénat « un message très fort » envoyé au reste de la planète dans un contexte de montée des populismes.
« Nous voyons que dans certains pays, ce droit peut être en recul. Eh bien la France, aujourd’hui, montre la voie, s’engage, et je crois que c’est la fierté des femmes de France », souligne l’ex-LR.
Alors que de nombreux élus ont pointé dans leurs prises de parole à la tribune les difficultés d’accès à l’IVG, rappelant que l’inscription de ce droit dans la Constitution ne le rendra pas plus effectif, Catherine Vautrin assure que cela « fait partie des sujets qu’il faut regarder ». « Inscrire ce droit dans la Constitution, c’est aussi permettre localement aux femmes de recourir en toute sécurité à ces IVG », souligne-t-elle. « Cela doit s’organiser sur chacun des territoires, avec l’ensemble des groupes hospitaliers et le privés », estime la ministre.
« Une immense responsabilité collective de sanctuariser l’IVG », pour Maryse Carrère
Présidente du groupe RDSE, la sénatrice Maryse Carrère revient sur les circonstances de l’adoption du projet de loi au palais du Luxembourg. « Le Sénat a été au rendez-vous du pacte républicain, dont les valeurs fondatrices nous invitent autant que nécessaire à ériger des digues autour des droits fondamentaux », salue la sénatrice des Hautes-Pyrénées, à la tête du plus vieux groupe sénatorial encore en activité.
« Notre République doit mettre à l’abri ces droits sociaux du mieux qu’elle peut », encourage-t-elle, insistant sur l’ « immense responsabilité collective de sanctuariser l’IVG », qui repose sur les épaules des membres du Congrès. « Nous le devons à toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour sa dépénalisation il y a 50 ans, à Simone Veil, à Gisèle Halimi », conclut-elle.
Mélanie Vogel : « La République française ne sera plus jamais la République sans le droit à l’avortement »
Auteure d’une proposition de loi transpartisane, fin 2022, visant à inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, Mélanie Vogel a logiquement pris la parole au nom du groupe écologiste du Sénat. « Beaucoup m’ont dit (…) c’est impossible jamais, le Sénat ne votera pour introduire le droit à l’IVG dans la Constitution (…) Et pourtant, nous sommes là (…) Nous les féministes, nous sommes si fortes. Si on ne lâche rien, à la fin on gagne ».
La sénatrice émet le vœu que l’histoire ne retienne pas de nom en ce 4 mars 2024. « La victoire ne pouvait être que Sorore et collective ». « Le 4 mars 2024 est désormais gravé dans la grande histoire des droits humains et des droits des femmes, comme un tournant historique », a-t-elle loué.
Par cette révision constitutionnelle, « La République française reconnait solennellement que le droit à l’avortement n’est plus une option, c’est une condition de notre démocratie (…) Il n’est pas de société pleinement démocratique, libre et égalitaire sans la garantie du droit des femmes à disposer de leur corps. La République française ne sera plus jamais la République sans le droit à l’avortement », a-t-elle estimé.
En conclusion, Mélanie Vogel, voit dans cette révision constitutionnelle, « un message à tous les anti-choix. « Vous avez définitivement perdu. Plus jamais nous ne reviendrons sur le droit à l’IVG
IVG dans la Constitution : « Le résultat d’une lutte », estime la sénatrice communiste Cécile Cukierman
La sénatrice communiste a, comme tous les élus ayant pris la parole, salué la révision à venir de la Constitution, qui intègrera désormais le droit à l’avortement. « La République s’incarne au travers de ce texte », a salué Cécile Cukierman. « Notre devise, Liberté, Egalité, Fraternité, se fond dans cette constitutionnalisation de l’IVG », a insisté la sénatrice. Pour l’élue communiste, ce droit à l’avortement est le résultat « d’une lutte » contre « des forces réactionnaires ». « Elles n’ont pas acquis leur droit par la générosité du pouvoir », a tenu à signaler Cécile Cukierman. Cette inscription dans la Constitution est “une avancée pour l’humanité toute entière”.
« Je repense souvent à elle et à ses yeux d’animal traqué » : Claude Malhuret évoque avec émotion son expérience de médecin face aux avortements clandestins
Ancien président de Médecins sans frontières, le sénateur Les Indépendants Claude Malhuret a tenu à revenir sur son expérience personnelle, « avec une histoire qu’il n’a jamais racontée », celle d’un avortement clandestin dans un pays du tiers-monde, dont il a été le témoin indirect. « J’avais vingt-cinq ans, j’étais coopérant. Médecin-chef d’un petit hôpital dans un coin perdu d’un pays du Sud », raconte à la tribune du Congrès ce proche d’Edouard Philippe.
« Un jour, après avoir entendu du remue-ménage dans le couloir, j’ai vu surgir dans mon bureau une jeune femme, 17-18 ans peut-être, dont je me rappellerai toujours le visage », explique l’élu. « Les cheveux décoiffés, les vêtements de travers comme si elle venait de se débattre, les bras maintenus par deux gendarmes qui l’encadraient et la poussaient dans la pièce sans ménagement. » Rapidement un scénario se dessine : « Le matin même un voisin, intrigué par le manège de chiens errants qui s’acharnaient à gratter la terre près de sa maison, s’était approché et avait découvert le cadavre d’un nouveau-né, à peine enfoui dans le sol. L’enquête n’avait pas été longue, et l’on me demandait d’examiner la suspecte pour savoir si elle venait ou non d’accoucher. »
« Je suis resté longtemps assis, le visage caché dans les mains, cherchant désespérément comment éviter l’inévitable », a confié Claude Malhuret. Finalement, un infirmier finira par intervenir « pour confirmer le diagnostic et les soupçons » des forces de l’ordre, explique l’ancien secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme. « Je repense souvent à elle et à ses yeux d’animal traqué, me demandant combien d’années de prison pour un infanticide, et surtout combien d’années de culpabilité, peut-être toute une vie, pour avoir tué son enfant », a-t-il encore confié.
« En étant le premier pays au monde à garantir cette liberté dans notre Constitution, nous allons susciter, là où nous sommes encore sinon un exemple du moins une référence, des débats, des prises de position, des avancées peut-être, qui rapprocheront le jour où, comme ici, les femmes seront libérées de la peur, de la culpabilité et de l’impuissance à maîtriser leur destin », a salué Claude Malhuret. Dans la vaste salle du Congrès, ses paroles ont été accueillies par une ovation debout de l’ensemble des parlementaires.
Un moment de « haute importance », insiste François Patriat (Renaissance)
François Patriat, président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), regroupant les sénateurs Renaissance, évoque un « moment d’une haute importante ». C’est avec « fierté » et « beaucoup d’émotion » que ses troupes vont inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, a-t-il annoncé.
Dénonçant un droit qui recule « sous les vents déchaînés des fondamentalistes religieux et des populistes », notamment dans plusieurs pays d’Europe, le sénateur de Côte-d’Or a averti que les « nulle part les droits des femmes ne sont définitivement acquis ». « N’ayons pas la naïveté de croire que ce vent mauvais s’arrêtera de souffler à nos frontières, ce serait une faute morale et politique […] Les opposants à l’avortement n’ont jamais désarmé depuis un demi-siècle. »
Pour Dominique Vérien, une constitutionnalisation de l’IVG bien plus que symbolique
Devant le Congrès, la sénatrice centriste, présidente de la délégation aux droits des femmes, nuance largement les arguments de ceux qui estiment que l’accès à l’IVG n’est pas menacé en France : « Certains d’entre vous n’êtes pas favorables à cette constitutionnalisation, estimant que ce droit n’est pas actuellement menacé. Actuellement ». « Comme j’aimerais que jamais cette révision constitutionnelle ne serve ou que par sa seule existence elle dissuade demain toute menace contre l’avortement », espère Dominique Vérien.
La sénatrice appelle les parlementaires du Congrès à « faire de la France un modèle », pour accompagner les Françaises qui auront à recourir à l’IVG « avec dignité », mais aussi pour créer « un espoir pour les femmes du monde entier ».
« Quelle victoire, quel bonheur ! » s’exclame Laurence Rossignol
Figure féministe, la sénatrice socialiste Laurence Rossignol a salué l’intégration de l’IVG dans la Constitution comme une « victoire ». « C’est une victoire dans le long combat que mènent les femmes contre l’obscurantisme ». Aux « réactionnaires » qui se sont toujours opposés à l’avortement, Laurence Rossignol lance un « c’est fini, arrêtez de vous agiter ».
« Notre vote va également réparer quelques pages noires de l’histoire », a affirmé la sénatrice, en hommage aux femmes qui se sont battues, des siècles durant, pour obtenir le droit à l’avortement. « A Gisèle Halimi, à Simone Veil, à Yvette Roudy, je veux dire, mesdames, nous avons mis nos pas dans les vôtres, et comme vous, nous avons réussi ».
Saluant la quasi-unanimité politique autour de cette révision constitutionnelle, Laurence Rossignol a également souligné le rôle de « la société civile » et des « féministes ».
« Le droit de disposer de son corps, de choisir et non de subir sa maternité, est la condition de l’émancipation des femmes, mais ce n’est pas un aboutissement », a averti la sénatrice féministe, qui a enjoint ses collègues élus à continuer le combat.
François-Noël Buffet : « La constitutionnalisation ne changera malheureusement rien aux difficultés rencontrées aujourd’hui par de nombreuses femmes »
Orateur pour le groupe Les Républicains du Sénat, le président de la commission des lois de la chambre haute, François-Noël Buffet a rappelé que le projet de loi constitutionnelle « reprenait des points importants » de la proposition de loi amendée et votée par le Sénat il y a un an. Toutefois, « le texte innove en proposant d’inscrire dans la Constitution la notion de ‘’liberté garantie’’, sur laquelle nous sommes nombreux à avoir exprimé des doutes. Le qualificatif garantie semble placer la liberté de recourir à l’IVG au-dessus des autres libertés et droits constitutionnels », a-t-il mis en avant.
François-Noël Buffet a ensuite repris les mots du garde des Sceaux, qui avait assuré que cette constitutionnalisation avait pour but « la protection » de la loi Veil et non son « extension ». « Le terme garantie n’est là que pour guider le législateur dans sa mission et ne créée en aucune manière un droit opposable ».
Le sénateur se dit convaincu, « que si les problèmes demeurent, ils ne sont pas à cet instant d’ordre juridique, ils sont avant tout d’ordre matériel. Le groupe Les Républicains s’inquiète depuis longtemps des difficultés d’accès à l’IVG. La constitutionnalisation ne changera malheureusement rien aux difficultés rencontrées aujourd’hui par de nombreuses femmes ».
Pour conclure, François-Noël Buffet a indiqué qu’une majorité de son groupe, votera pour, une partie s’abstiendra et d’autres voteront contre.
« Aujourd’hui la France est pionnière », insiste Gabriel Attal
« Aujourd’hui la France est pionnière […] Je dis à toutes les femmes, au sein de nos frontières et au-delà, qu’aujourd’hui l’ère d’un monde d’espoir commence » : c’est par ses mots de conclusion que le Premier ministre a vivement encouragé les parlementaires au Congrès à approuver la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse.
« Aujourd’hui, c’est une étape fondamentale que nous pouvons franchir, une étape qui restera dans l’histoire, qui doit tout aux précédentes », a-t-il souligné plus tôt. En garantissant ce droit dans la loi fondamentale, la France donne « une deuxième victoire à Simone Veil et à toutes celles qui ont ouvert la voie », selon lui.
Rendant hommage à toutes les femmes qui ont œuvré au cours des dernières décennies en faveur de l’IVG et de l’égalité entre les deux sexes de façon générale, le chef du gouvernement a rendu hommage à ses ministres ainsi qu’aux députés et sénateurs. « C’est bien du Parlement qu’est venu l’initiative du changement », a-t-il tenu à rappeler.
Face aux détracteurs d’une telle modification constitutionnelle, Gabriel Attal a rétorqué que les libertés sont « par essence menacées » et « fragiles », « à la merci de ceux qui en décident ». « Oui, la liberté d’avorter reste en danger », a-t-il averti avant l’ultime vote du Sénat sur cette protection supplémentaire.
Gabriel Attal : « Il est long le chemin de la liberté que nous vous proposons d’emprunter un peu plus »
Premier à prendre la parole après le propos introductif de la présidente de séance, le Premier ministre Gabriel Attal « retiendra toute sa vie la fierté d’avoir été à la tribune ce jour ». Estimant que le vote du Congrès est « l’aboutissement d’un long combat », le jeune chef du gouvernement est revenu sur les moments clefs du féminisme en France, depuis la Révolution françaises et les écrits d’Olympe de Gouges, jusqu’à Simone Veil et l’adoption de la loi de 1975 sur l’IVG. « Il est long le chemin de la liberté que nous vous proposons d’emprunter un peu plus », a-t-il relevé.
« L’homme que je suis ne peut imaginer vraiment la détresse qu’ont pu connaitre ces femmes, privées pendant des décennies de la liberté de disposer de leur corps », a déclaré Gabriel Attal. « L’homme que je suis ne peut imaginer vraiment la souffrance morale face au poids d’une société qui préférait se taire et condamner ». Il a encore estimé que le Parlement avait une « dette morale à l’égard de ces femmes », qui ont eu clandestinement recours à l’IVG, évoquant « les aiguilles des faiseuses d’ange qui nous hante ».
Gabriel Attal a rappelé « les insultes qui ont fusé » dans l’hémicycle à l’égard de Simone Veil durant les journées de novembre-décembre 1974 lors desquelles fut débattu à l’Assemblée nationale et au Sénat le projet de loi « relatif à l’interruption volontaire de grossesse ». « Aujourd’hui, le présent doit répondre à l’histoire […] Cinquante ans plus tard, que vos applaudissements sonnent encore plus fort que ces insultes et rendent définitivement justice à Simone Veil ! », a-t-il lancé aux parlementaires, soulevant une salve nourrie d’applaudissement dans la salle du Congrès.
« Pour la première fois de notre histoire, le Parlement du Congrès est présidé par une femme », salue la présidente de l’Assemblée
Alors que le Parlement s’apprête à réviser Constitution pour y faire entrer l’IVG, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui préside ce Congrès est revenu au début de son discours sur la place des femmes en politique. “Pour la première fois de notre histoire, le Parlement du Congrès est présidé par une femme”, s’est-elle réjouie, avant une pluie d’applaudissements de la part des députés et sénateurs. “En venant ouvrir cette séance, en remontant avec la solennité qui s’attache à ces lieux la galerie des bustes – des bustes d’hommes exclusivement, j’ai pensé à Simone Veil”, s’est exprimé Yaël Braun-Pivet, en hommage à la mère de la loi sur l’IVG.
“La liberté défendue par Simone Veil va être gravée dans le marbre de nos institutions”, a salué la présidente de l’Assemblée nationale, présidant le Congrès en ce lundi 4 mars. “Il reste tant à faire sur le terrain de l’égalité, et les violences faites aux femmes restent hélas une tragédie au quotidien”, a cependant insisté Yaël Braun-Pivet. “Notre pays s’attache à renforcer la garantie des droits”, soutient-elle, saluant le fait que la France, devant le premier pays à constitutionnaliser le droit à l’avortement, était “à l’avant-garde”.
Tranchant avec la position du président du Sénat Gérard Larcher, a insisté sur le fait que le Parlement était “dans son rôle”, en adoptant la révision de la Constitution. “L’heure est venue de nous prononcer, l’heure est venue d’exercer ce pouvoir constituant, pour nous, pour la nation, pour toutes les femmes, pour toutes nos filles, en France et dans le monde”, a conclu la présidente de l’Assemblée nationale.
Arrivée de Gabriel Attal accompagné de Jean Veil
Le Premier ministre fait son arrivée au château de Versailles, accompagné du fils de Simone Veil.
Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale et du Congrès accueille Gérard Larcher, le président du Sénat
La ministre Aurore Bergé salue « un pas majeur, décisif »
La ministre des Solidarités Aurore Bergé a « ardemment souhaité » cette révision constitutionnelle. « En dix-huit mois on a réussi à montrer qu’il y avait une majorité à l’Assemblée, au Sénat, on a travaillé de manière transpartisane », se réjouit la ministre, qui a vécu ce projet de réforme de la Constitution « en tant que parlementaire en déposant la proposition de loi, et en tant que ministre en le défendant à la tribune ».
La Ministre s’attend « à une majorité écrasante » lors du vote, car « tout le monde a compris la symbolique, la signification, la puissance du moment qu’on va vivre ». Aurore Bergé évoque aussi « le message envoyé au monde », pour toutes les femmes qui cherchent à avorter. « C’est un pas majeur, décisif », affirme la ministre, pour qui ce droit doit cependant « être effectif, partout en France ». « C’est le combat qu’on mène avec le gouvernement ».
« Ce grand combat n’en est plus un, aujourd’hui c’est le jour de la victoire définitive », se félicite Mélanie Vogel
La sénatrice écologiste, qui avait déposé une proposition de loi pour faire entrer l’IVG dans la Constitution en 2022, ne cache pas son « émotion immense » à l’ouverture du Congrès cet après-midi. « Ce qu’il se passe aujourd’hui va rester dans l’histoire, c’est un tournant parce qu’hier il était encore possible d’interdire ou de restreindre le droit à l’avortement en France, ce soir ce ne sera plus possible », salue Mélanie Vogel.
Ce Congrès se tient moins d’une semaine après l’examen du projet de loi constitutionnelle au Sénat, où le texte a reçu une très large approbation. « La mobilisation qui a pénétré l’entièreté de la société française est entrée aussi au Sénat », estime la sénatrice écologiste pour expliquer le vote au Sénat.
Elisabeth Borne « très fière » de participer à ce Congrès en tant que parlementaire
De retour sur les bancs de l’Assemblée nationale depuis quelques semaines, l’ex-Première ministre, Elisabeth Borne, se dit honorée de pouvoir participer à ce scrutin historique : « Je suis très fière de pouvoir voter l’inscription de ce droit dans la Constitution, je vous le confirme ! », a-t-elle confié aux journalistes à son arrivée au château de Versailles.
« On voit qu’aux Etats-Unis, après la décision de la Cour suprême, immédiatement, des Etats ont remis en cause ce droit. Quand on voit la montée des populismes, partout, je pense qu’il est important d’inscrire ce droit dans la Constitution », souligne l’ancienne locataire de Matignon.
La ministre Marie Lebec parle de « moment historique pour le Parlement »
« C’est vraiment un travail de coconstruction entre les deux chambres pour arriver à une rédaction qui satisfait tout le monde », souligne Marie Lebec, la ministre chargée des Relations avec le Parlement. « Et c’est au fond la première fois que le Parlement fait très concrètement une place au droit des femmes dans la Constitution. Donc c’est un moment dont on peut être collectivement fiers », ajoute-t-elle.
Laurence Rossignol :« Ce qu’il se passe aujourd’hui à Versailles, le monde entier le regarde »
Quelques minutes avant l’approbation par le Congrès de Versailles, de la révision constitutionnelle, la sénatrice socialiste et ancienne ministre aux droits des femmes, Laurence Rossignol a fait part « d’un moment intense et très émouvant ». Les pensées de la sénatrice se tournent vers les femmes dont les combats ont précédé la sacralisation de cette liberté, Gisèle Halimi, Simone Veil ou encore Yvette Roudy. « L’histoire pour choisir et ne pas subir la maternité, c’est une histoire vieille comme le monde […] Ce qu’il se passe aujourd’hui à Versailles, le monde entier le regarde », a-t-elle conclu.
« Nous n’aurons pas la main qui tremble », assure François-Noël Buffet (LR)
Tout juste arrivé à Versailles où se réunit le Parlement pour adopter la révision constitutionnelle, le sénateur LR François-Noël Buffet a souligné « un moment important, solennel, sérieux ». Le président de la Commission des lois a insisté sur le fait que les parlementaires, députés comme sénateurs, seraient « dans (leur) rôle de constituants », ajoutant qu’ils n’auraient pas « le bras qui tremble ».
Le sénateur n’a en revanche pas souhaité faire de pronostic sur la proportion du vote : « Je suis incapable de répondre à cette question, je ne prendrai aucun pari, chacun se déterminera librement », a-t-il expliqué, avant de revenir sur le vote du Sénat la semaine dernière : « On sentait depuis quelques semaines que les choses évoluaient, que les positions de fait évoluaient ». « Pour être tout à fait honnête », l’adoption de la révision constitutionnelle s’est faite dans des proportions « un peu plus large qu’on ne l’imaginait », a-t-il affirmé.
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