Parlementaire
Dans un décret de convocation des parlementaires paru ce 12 juin, l’exécutif a listé les projets et les propositions de loi qui poursuivront ou débuteront leur parcours parlementaire.
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Par Simon Barbarit
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A peine le souffle de la victoire du PSG en Ligue de champions retombé, le Sénat s’attaque à l’organisation du football professionnel et du sport en général. « Le football français est au pied du mur », avait alerté, en mars dernier, en conférence de presse, le président de la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat, Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi visant à réformer l’organisation du sport professionnel. Un texte issu d’une mission d’information intitulée : « Football-business : stop ou encore ». Le texte a été adopté à la quasi-unanimité 338 pour contre 1.
Ces dernières années, la Ligue professionnelle de football (LFP) a en effet connu de nombreux remous liés en grande partie à l’attribution des droits tv de la Ligue 1 et de la Ligue 2 et aux suspicions de conflits d’intérêts qui en ont découlé.
La commission avait sévèrement épinglé la gestion de la Ligue de football professionnel (LFP), et les conditions du contrat signé en 2022 avec le fonds d’investissement CVC Capital Partners, qui avait apporté 1,5 milliard d’euros au football professionnel français contre environ 13 % de ses recettes commerciales à vie. « Ce qui pose question, c’est que les dirigeants de la LFP avaient objectivement un intérêt personnel à choisir » ce type de contrat « compte tenu des bonus importants qu’ils ont perçus suite au succès de l’opération », avaient noté les rapporteurs de la mission.
Le montant de la rémunération du président de la LFP, Vincent Labrune avait alors triplé passant de 400 000 euros à 1,2 million d’euros brut annuels, auxquels s’ajoutait un bonus de 3 millions d’euros. Une partie de cette somme a été refacturée à la société commerciale de la Ligue de Football Professionnel. À peine réélu, Vincent Labrune s’était néanmoins engagé à baisser sa rémunération.
C’est pourquoi l’article 1er de la proposition de loi prévoit de plafonner les rémunérations des présidents de ligues professionnelles, un plafond semblable à celui existant pour les entreprises publiques, soit 450 000 euros. Cet article a fait face à plusieurs amendements de suppression en provenance de la droite, du gouvernement et du groupe RDPI (à majorité Renaissance). De quoi choquer le rapporteur du texte, Michel Savin. « C’est du football dont on parle. Les autres sports ne sont pas concernés », a-t-il rappelé, soulignant que la rémunération actuelle de Vincent Labrune était de 800 000 euros. « Au vu de la situation catastrophique du football professionnel français, les efforts n’ont pas été faits […] On est bien conscient que c’est le législateur qui doit fixer cette règle […] Tous ceux qui aiment le foot ne comprennent pas qu’on ait un président qui a plus de 800 000 euros de revenus dans une période où le foot français est en pleine déconfiture », a-t-il tancé.
Michel Savin a alors interpellé directement la ministre des Sports Marie Barsacq. « Qui au gouvernement porte cet amendement pour retirer le plafond de rémunération du président de la ligue ? Je ne crois pas que ce soit vous qui portez cet amendement ». Le sénateur a aussi souligné que des efforts allaient être demandés à tous les Français dans le cadre du prochain budget.
Visiblement embarrassée, la ministre n’a pas souhaité répondre à la question ni développer les raisons de cet amendement de suppression. Les mots de Michel Savin ont au moins convaincu, le sénateur Didier Rambaud (RDPI) qui a retiré son amendement de suppression. En ce qui concerne celui du gouvernement il a été rejeté à la quasi-unanimité.
Le Sénat a également adopté en fin de journée l’article 2 qui permet aux fédérations de retirer leur subdélégation aux ligues si celles-ci ne respectent pas leurs prérogatives. En cas de manquement, le texte instaure le droit à une fédération de retirer sa subdélégation de service public à une ligue.
La mesure a suscité d’importantes levées de boucliers à la LFP et au sein des autres ligues, qui l’ont accueillie comme un « droit de vie ou de mort » attribué aux fédérations, selon Vincent Labrune interviewé dans Les Echos. Le dispositif a été amoindri en commission, avec de nombreux aménagements ajoutés comme un « avis préalable du ministre des Sports » et un « préavis de six mois ». En séance publique, d’autres gardes fous ont été adoptés comme cet amendement de Michel Savin qui permet au ministre des Sports de s’opposer au retrait de la convention de subdélégation par la fédération, dans l’hypothèse où cette décision serait manifestement infondée ou disproportionnée.
Le gouvernement, représentée par la ministre des Sports, Marie Barsacq, a saisi ce véhicule législatif pour imposer aux clubs, notamment de football, à libérer leurs joueurs pour participer aux Jeux Olympiques.
Avant le sacre du PSG, le président du PSG et également président du groupe beIN Sports, Nasser al-Khelaïfi, faisait face à une polémique révélée par les équipes de Complément d’enquêtes sur France 2. La vidéo d’une réunion en visioconférence regroupant plusieurs présidents de clubs français de Ligue 1 et, le président de la LFP, Vincent Labrune, pour une discussion portant sur l’attribution des droits TV du football français, avait fait le tour du web. On y voyait Vincent Labrune remercier chaleureusement le président du PSG et également président du groupe beIN Sports, Nasser al-Khelaïfi, pour sa participation à hauteur de 100 millions d’euros aux droits TV de la Ligue 1 par le biais de sa chaîne. Les présidents de clubs, présents à la réunion s’emportent et accusent le président du PSG de conflits d’intérêts.
La proposition de loi « rend incompatible la fonction de dirigeant ou de membre de l’organe délibérant de la ligue professionnelle avec la détention d’intérêts ou l’exercice de fonctions au sein d’une entreprise de diffusion audiovisuelle ». En séance publique, le sénateur LR Paul Vidal a complété cette incompatibilité avec une société de paris sportifs.
Et nouveauté dans les instances de gouvernance du football français, les associations de supporters pourront, à titre consultatif, être associées à la gouvernance. Le sénateur socialiste, Adel Ziane a précisé l’article 3 par un amendement précisant que ces associations devaient avoir une portée nationale et bénéficier de l’agrément préfectoral.
La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a autorisé la LFP a créé une filiale pour commercialiser les droits audiovisuels, à la condition que la ligue conserve au minimum 80 % du capital de cette société. LFP Media.
Le texte permet aux fédérations de créer leur propre société commerciale en charge des questions commerciales en lieu et place des actuelles Ligues, une proposition choc partagée par le président de la Fédération de foot (FFF), Philippe Diallo et qui mettrait fin à la LFP. La proposition de loi prévoit aussi un contrôle strict de la Cour des comptes « sur les sociétés commerciales créées par une ligue ou par une fédération pour la commercialisation et la gestion des droits d’exploitation ». Un amendement de la sénatrice centriste, Annick Billon autorise une association sportive à constituer deux sociétés commerciales distinctes : l’une dédiée au secteur professionnel masculin, l’autre au secteur professionnel féminin.
L’article 4 et 5 visent ainsi à réguler l’entrée au capital d’actionnaires minoritaires et à limiter la durée de l’exploitation. CVC bénéficie de 13 % des revenus de la Ligue pour une durée de 99 ans. Une transaction qui avait permis à Vincent Labrune de toucher un bonus. En séance publique, un amendement du sénateur socialiste, Jean-Jacques Lozach interdit aux présidents et aux dirigeants de fédérations, de ligues ou de clubs, de toucher une commission ou un quelconque avantage, lors des transactions qu’ils effectuent sur les droits d’exploitation des compétitions et manifestations sportives. L’article 8 renforce quant à lui les « obligations de déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) » pour les membres du Conseil d’administration de la Ligue mais également pour ses dirigeants.
Autre problème soulevé par les sénateurs, le visionnage illicite d’évènements sportifs. Selon l’ARCOM, pour l’année 2023, le manque à gagner causé par le piratage des retransmissions sportives représentait 290 millions d’euros soit 15 % de la part de marché.
L’article 10 va permettre à l’ARCOM de « mettre en place un système automatisé afin d’assurer le blocage en temps réel, pendant la diffusion en direct d’un événement sportif, de l’accès à des sources de diffusion illicites », indique la proposition de loi.
En conclusion, Laurent Lafon a appelé à ce que son texte « poursuive son chemin dans les meilleurs délais ».
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