Education : le Sénat adopte à l’unanimité un texte qui renforce la protection des enseignants menacés

Jeudi, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi centriste visant à « protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent ». Issu des recommandations d’une commission d’enquête, le texte prévoit l’automaticité de la protection fonctionnelle des enseignants et élargit l’interdiction des ports des signes religieux aux sorties organisées en dehors du temps scolaire.
Simon Barbarit

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Il y a un an jour pour jour, la commission d’enquête du Sénat portant sur les menaces et agressions contre les enseignants présentait ses 38 recommandations. Six d’entre elles devaient passer par la voie législative. C’est le sens de la proposition de loi visant à « protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent », portée par Laurent Lafon, président centriste de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat, par ailleurs corapporteur de la commission d’enquête sur le sujet avec François-Noël Buffet, président de la commission des lois à l’époque. Le texte a été adopté à l’unanimité, ce jeudi.

La commission d’enquête faisait suite à une demande écrite de la sœur de Samuel Paty à la Haute assemblée. « Le simple fait qu’un professeur ait pu être décapité pour blasphème en 2020 démontre que failles, il y a », avait-elle mis en avant lors de son audition. La commission verra ses travaux d’autant plus justifiés, après l’assassinat de Dominique Bernard, tué, en octobre 2023 au collège-lycée Gambetta à Arras par un jeune islamiste radicalisé.

« La proposition de loi a une histoire qui honore le Sénat », a mis en avant le sénateur LR, Max Brisson. « Samuel Paty et Dominique Bernard sont deux martyrs de la laïcité et il nous faut aujourd’hui nous incliner de nouveau devant leur mémoire », a insisté le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias.

Sur le fond, le texte prévoit, dans son article 1, un renforcement du contenu de l’enseignement moral et civique sur la connaissance des institutions françaises et européennes, des grands enjeux sociétaux, environnementaux et internationaux, ainsi que sur les principes de la République dont la laïcité. L’article 2 vise, à ce titre, à « clarifier » le code de l’éducation notamment sur l’application de la loi de 2004 sur l’interdiction du port de tenues ou signes religieux manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires publics. Cette interdiction s’applique également aux sorties scolaires qui ont lieu pendant le temps scolaire. Le texte précise donc que cette interdiction inclut celles qui ont lieu en dehors scolaire, comme, une sortie au théâtre.

Débat autour de l’application de la laïcité dans les établissements privés

Peu avant l’examen de cet article, un amendement de Pierre Ouzoulias a échauffé les échanges. L’élu des Hauts-de-Seine a proposé d’étendre l’application de la loi de 2004 aux établissements privés sous contrat. Pour son argumentation, Pierre Ouzoulias a cité les propos passés de sa collègue LR, Jacqueline Eustache-Brinio selon laquelle « le port de l’abaya par les petites filles contribue à un véritable apartheid sexuel ». « Pourquoi alors acceptez-vous un apartheid sexuel dans les établissements privés sous contrat ? », a-t-il demandé.

Jacqueline Eustache-Brinio a pris au mot son collègue en votant son amendement. « Il y a des questions qui se posent sur le respect de la laïcité dans les écoles privées sous contrat qui ne se posaient pas il y a dix ans », a-t-elle estimé reconnaissant des « dérives communautaires ».

Mais sa position est loin d’avoir été suivie par ses collègues de la majorité sénatoriale. Max Brisson a dénoncé « les attaques systématiques de Pierre Ouzoulias contre l’enseignement privé catholique » Stéphane Piednoir (LR) a considéré qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

La rapporteure centriste, Annick Billon et la ministre de l’Education nationale, Élisabeth Borne ont émis un avis défavorable, rappelant « que la sauvegarde du caractère propre des établissements privé sous contrat était un principe constitutionnel ». L’amendement n’a pas été adopté.

Automaticité de la protection fonctionnelle

Largement plus consensuel, l’article 4 prévoit l’automaticité de la protection fonctionnelle pour les agents de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur. L’administration se réserve le droit de leur retirer en cas d’une faute personnelle. Un amendement du gouvernement a tenté, sans succès, de circonscrire l’octroi automatique de cette protection fonctionnelle aux violences et menaces et non plus aux outrages car ils « nécessitent une instruction afin d’apprécier si la qualification juridique ». Afin de rendre plus systématique le dépôt de plainte, l’article 5 impose à l’administration, avec l’accord de l’agent concerné ou de ses ayants droit s’il est décédé, de déposer plainte à sa place, lorsqu’il a été victime d’outrages, menaces ou violences du fait de ses fonctions.

Max Brisson a fait passer des amendements qui durcissent les sanctions encourues pour les auteurs de violences verbales aux physiques à l’encontre des professeurs ou de tout membre du personnel de l’établissement.

Enfin, Annick Billon a fait ajouter une disposition offrant la possibilité aux chefs d’établissement ou aux conseillers principaux d’éducation de procéder à l’inspection visuelle des effets personnels d’un élève et, avec l’accord de celui-ci ou dans le cas d’un élève mineur de son représentant légal, à la fouille des effets personnels.

Après le vote à l’unanimité, Élisabeth Borne a estimé « qu’il s’agissait d’un message fort envoyé aux enseignants et aux personnels de l’Education nationale ».

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