La fin de la fast fashion attendra la saison automne/hiver. Pourtant, le gouvernement semblait vouloir aller vite sur le sujet. En marge des discussions au Sénat, il déclenche la procédure accélérée. Autrement dit, une adoption définitive du texte conduisait automatiquement à une discussion en commission mixte paritaire (CMP) pour tenter de rapprocher la version du Sénat avec celle de l’Assemblée, votée en mars 2024.
Mais le gouvernement a mis un coup d’arrêt à cet enchaînement en repoussant les discussions en CPM à l’automne prochain. Dans un communiqué de presse posté sur le réseau social Bluesky, le groupe socialiste au Sénat regrette que le gouvernement ne prenne pas conscience de la « nécessité » du texte et rappelle « l’urgence » à agir. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, saluait pourtant, après l’adoption du texte, un « premier pas législatif d’une attaque frontale contre le fléau de la mode ultra-éphémère ».
Un texte soutenu par le gouvernement
Car, c’est avec l’aval du gouvernement que le texte a pu voir le jour. Initié il y a plus d’un an par la députée Horizons Anne-Cécile Violland, le texte a recueilli un large consensus parmi les différents courants représentés au Sénat. Dans la version sénatoriale, l’accent est mis sur la « mode ultra-express » que produisent les marques comme le géant Shein. La rapporteure du texte, la sénatrice apparentée LR, Sylvie Valente Le Hir a cependant pris le soin d’épargner les acteurs français et européens comme Zara, H & M ou Kiabi au grand dam des élus écologistes et des auteurs du texte initial à l’Assemblée.
Si le Sénat a souhaité axer les discussions principalement sur des fabricants de type Shein, c’est que ces enseignes ont les pratiques les moins respectueuses de l’environnement. Selon l’AFP, l’entreprise chinoise s’est illustrée en proposant plus de 7 200 nouvelles références par jour en moyenne. En comparaison, la marque H & M propose 290 nouvelles références quotidiennes.
En marge des discussions dans la chambre haute, plusieurs associations ont alerté sur le lobbying exercé par la marque chinoise Shein. Selon les informations de Public Sénat, plusieurs sénateurs ont ainsi été approchés. (lire notre article)
Malgré tout, le texte voté au Sénat inscrit de nombreuses mesures pour limiter la force de frappe de « l’ultra fast fashion ». Les fabricants de la « mode ultra-express » auront l’obligation de sensibiliser les consommateurs à « l’impact environnemental » de leurs vêtements. Un système de bonus-malus est également prévu, sous forme d’éco contributions, en fonction de l’impact environnemental et de la production. Ces pénalités resteront dans la limite de 50 % du prix hors taxe du produit.
L’une des mesures phares du texte reste l’interdiction générale de la publicité sur les médias classiques pour la mode ultra-éphémère. Retirée pourtant lors de l’examen en commission au Sénat, la mesure parvient à être adoptée en séance le 2 juin dernier. Le texte prévoit également un volet de sanctions dédié aux influenceurs qui feraient la promotion d’articles de la mode ultra-express.
« Rester extrêmement vigilant »
Dans son communiqué de presse, le groupe socialiste s’enorgueillit de ses amendements adoptés comme la suppression de l’abattement fiscal de 60 % pour les acteurs de la mode éphémères applicable aux dons de leurs invendus ou encore l’interdiction, dans les pratiques commerciales, du recours à la mention « livraison gratuite ».
Mais un élément inquiète les socialistes : le renvoi des dispositions phares du texte à des applications par voie réglementaire. C’est-à-dire que c’est au gouvernement de prendre les actes exécutoires des mesures du texte d’où le regret du groupe de ne pas avoir obtenu la fixation de seuils pour caractériser le phénomène de fast fashion.
Dès lors, après l’annonce du gouvernement de repousser les discussions du texte, les sénateurs socialistes annoncent rester « extrêmement vigilants » en CPM pour le « maintien des avancées obtenues ». Ils demandent « davantage de gages de la part du gouvernement » en vue de la publication des futurs décrets d’application.