Le Senat, Paris.
Le Senat qui compte 348 senateurs, Paris.//URMAN_17080005/2201061714/Credit:LIONEL URMAN/SIPA/2201061725

Fin de vie : déjà en 1978, un sénateur déposait une proposition de loi « relative au droit de vivre sa mort »

Emmanuel Macron a dévoilé les contours du projet de loi sur la fin de vie qui sera débattu fin mai à l’Assemblée nationale. Retour sur l’un des premiers textes du genre, déposé au Sénat en 1978 par Henri Caillavet.
Romain David

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le projet de loi pour une aide à mourir, annoncée de longue date, sera présenté en Conseil des ministres en avril. Dans un double entretien auprès de La Croix et de Libération, Emmanuel Macron évoque une « loi de rassemblement », « de fraternité ». Elle devra permettre à un patient majeur, « capable d’un discernement plein et entier », atteint d’une maladie incurable et dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme, de se voir prescrire un produit létal à s’administrer lui-même avec l’assistance d’un tiers. Ce texte vient ponctuer de nombreuses tentatives législatives pour introduire dans le droit français la possibilité d’un « suicide assisté » – un terme récusé par le chef de l’Etat.

L’un des tout premiers jalons a été posé en 1978 au Sénat, par le sénateur Radical du Lot-et-Garonne, Henri Caillavet, avec une proposition de loi « relative au droit de vivre sa mort ». Si ce texte ne va pas jusqu’à proposer une aide à mourir ou une euthanasie, il aborde frontalement la question de l’acharnement thérapeutique à une époque « où les progrès de la médecine ont prolongé considérablement la durée de la vie humaine » et anticipe, avec pratiquement trente ans d’avance, la législation actuellement en vigueur depuis la loi Leonetti de 2005 qui autorise l’arrêt des traitements.

Un législateur en avance sur son temps

Juriste de formation, franc-maçon, Henri Caillavet a fait de la lutte contre les discriminations l’un de ses principaux combats politiques. Dans les années 1970, ses travaux parlementaires sur la dépénalisation de l’homosexualité ou le changement d’état-civil des personnes transsexuelles annoncent les grandes lois sociétales des années 1980. Il est également l’auteur de l’un des premiers textes sur le divorce par consentement mutuel. Au Sénat, il est resté comme le rapporteur de la loi Veil sur la légalisation de l’IVG.

La proposition de loi qu’il dépose en avril 1978 doit permettre à un malade incurable de se départir de tout traitement, sans que le corps médical ne soit inquiété par des poursuites judiciaires « Tout homme n’a-t-il pas le droit de refuser la technologie médicale si elle lui apparaît excessive, déshumanisante, génératrice de douleurs supplémentaires, et, surtout, tragiquement inutile, lorsque l’issue fatale ne peut être évitée ? Faut-il la vie à n’importe quel prix ? », interroge Henri Caillavet dans l’exposé des motifs.

La mise en place de directives anticipées

Quelques années plus tôt, en septembre 1976, l’Etat de Californie a autorisé les malades sains d’esprit à refuser tout traitement qui n’aurait pour seul effet que de retarder leur mort. Un exemple largement invoqué par Henri Caillavet, alors qu’en France, le Code pénal sanctionne « le médecin qui ne mettrait pas tout en œuvre pour sauver la vie de son malade », indépendamment de la volonté de ce dernier. La proposition de loi prévoit la mise en place de directives anticipées qui doivent orienter la décision des médecins si le malade n’est plus en état de l’exprimer.

À l’époque, le mécanisme paraît complexe et difficilement applicable. « Que se passera-t-il si, inconscient à l’approche de la mort, le patient n’est plus à même de révéler cette déclaration et que le dépositaire de celle-ci ignore l’état du déclarant ? », relève l’un des rapporteurs du texte, le sénateur de centre-droit Jean-Marie Girault. Il dénonce également une rédaction trop globale, qui ne fait pas le distinguo entre un malade en phase terminale ou un patient atteint d’une maladie chronique comme le diabète. La commission des lois évoque même une forme « d’euthanasie passive ».

Le texte est finalement rejeté en séance publique le 7 mai 1980. Ironie du sort, à en croire le compte rendu des débats publié à l’époque par le journal Le Monde, le secrétaire d’Etat à la Justice avait reproché au sénateur Caillavet de chercher de « formaliser » une situation déjà admise.

Partager cet article

Dans la même thématique

Fin de vie : déjà en 1978, un sénateur déposait une proposition de loi « relative au droit de vivre sa mort »
6min

Parlementaire

Commission d’enquête du Sénat sur les agences : « Tous ceux qui annoncent des milliards d’euros d’économies mentent un peu aux Français »

Selon les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur les agences et opérateurs d’Etat, il ne sera pas possible de trouver des milliards d’euros d’économies en supprimant ces structures, sauf à stopper leurs politiques publiques. En poussant les mutualisations, près de 540 millions d’euros peuvent être espérés. Un constat qui démonte le récit fait par la ministre Amélie de Montchalin.

Le

Covid-19 Saint Denis hopital Delafontaine
5min

Parlementaire

Fin de vie : le Sénat se nourrit des expériences étrangères

Après avoir entendu les anciens députés Jean Leonetti et Alain Claeys, auteurs du texte de loi « Claeys – Leonetti » relatif aux droits du patient en fin de vie, les sénateurs de la commission des affaires sociales ont souhaité entendre certaines expériences étrangères où l’euthanasie est autorisée comme en Belgique, au Québec et aux Pays-Bas.

Le

Fin de vie : déjà en 1978, un sénateur déposait une proposition de loi « relative au droit de vivre sa mort »
5min

Parlementaire

Canicule : « Les gens ne meurent pas de la chaleur, mais de l’action climaticide du gouvernement », accuse la sénatrice Mélanie Vogel

Durant la séance de questions d’actualité au gouvernement, ce mercredi 2 juillet, l’élue écologiste a accusé le gouvernement de « mener une politique climaticide dictée par l’extrême droite », afin de se maintenir au pouvoir dans un contexte de forte fracturation politique. Alors que la France suffoque depuis plusieurs jours sous une vague de chaleur particulièrement précoce et intense, la ministre Agnès Pannier-Runacher a tenté de faire valoir les adaptations mises en place depuis la canicule de 2003.

Le