Covid-19 Saint Denis hopital Delafontaine
Credit:Marin Driguez/SIPA/2105121456

Fin de vie : le Sénat se nourrit des expériences étrangères

Après avoir entendu les anciens députés Jean Leonetti et Alain Claeys, auteurs du texte de loi « Claeys – Leonetti » relatif aux droits du patient en fin de vie, les sénateurs de la commission des affaires sociales ont souhaité entendre certaines expériences étrangères où l’euthanasie est autorisée comme en Belgique, au Québec et aux Pays-Bas.
Marius Texier

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les auditions s’enchaînent à la commission des affaires sociales. A l’automne, les sénateurs doivent s’exprimer sur la proposition de loi relative au droit de l’aide à mourir, adoptée à l’Assemblée nationale le 27 mai dernier. « Il est utile de bénéficier d’un retour d’expériences », juge la sénatrice LR et vice-présidente de la commission, Pascale Gruny, avant le début des auditions. Pour se faire une idée précise de la fin de vie dans les autres pays, deux avocats de Bruxelles et du Québec ont été invités, accompagnés d’un professeur d’éthique de la santé néerlandais.

« Un tournant en Belgique »

« En 2002, nous avons vécu un tournant en Belgique », révèle Jacqueline Herremans, avocate au barreau de Bruxelles. Depuis cette date, comme cinq autres pays d’Europe, le Belgique autorise l’euthanasie active sous conditions : « Le patient doit éprouver des souffrances psychiques et physiques inapaisables et causées par une infection grave et incurable », prévient la présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité de Belgique. A partir de 2014, la Belgique a également autorisé et encadré l’euthanasie des mineurs dans une situation médicale sans issue. Comme pour les personnes majeures, le discernement de la personne est nécessaire tout comme le fait de souffrir d’une pathologie grave et incurable. « On ne peut pas parler de légalisation de l’euthanasie en Belgique, mais plutôt d’une dépénalisation. Pour les médecins qui la pratiquent, il n’y a pas de poursuites », explique Jacquelines Herremans prévenant que l’euthanasie doit s’accompagner d’une multitude de précautions. « Sur la forme : la volonté du patient doit être recueillie par écrit, le dialogue doit être continu, de nombreux entretiens se succèdent et il y a une obligation de consulter un second médecin », précise-t-elle. En 2022 et 2023, plus de 150 Français ont obtenu une euthanasie en Belgique.

« Au Québec, nous avons reconnu le droit fondamental de tout être humain de choisir le moment et le lieu de son décès »

« Chez nous, c’est également une dépénalisation et non une légalisation », ajoute Pierre Deschamps, avocat au barreau du Québec et éthicien. « Au Québec, nous avons reconnu le droit fondamental de tout être humain de choisir le moment et le lieu de son décès. Cette façon de mourir est la meilleure selon les médecins plutôt que de mourir dans des souffrances non contrôlées », juge l’avocat. Depuis 2016, le Canada a rendu légale l’euthanasie active volontaire ou « aide médical à mourir ». Pour y avoir recours, il faut être âgé d’au moins 18 ans et être atteint d’une maladie en phase terminale où la mort naturelle est « raisonnablement prévisible ». Contrairement à la Belgique où des non-résidents peuvent prétendre bénéficier de l’aide à mourir, le Canada conditionne cette pratique aux seules personnes éligibles à l’assurance médicale canadienne. Depuis 2016, plus de 60 000 personnes ont eu recours à cette aide à mourir. Des statistiques en hausse chaque année qui font office d’argument pour les opposants à la loi. Lors de son audition le 12 juin dernier, l’ancien député Jean Leonetti, auteur du premier texte de loi sur la fin de vie en France, s’inquiétait des dérives possibles : « Je ne connais pas de garde-fous qui n’aient pas sauté dans les pays où ce type de loi s’applique. Au Canada, on est ainsi passé de 2,5 % de décès par suicide assisté à 7,8 % », a-t-il souligné. En 2023, 15 300 personnes ont eu recours à l’aide médicale à mourir au Canada soit près de 5 % des décès.

« Les Pays-Bas ont eu l’expérience la plus longue »

« Je salue les débats qui ont eu lieu en France », lance le professeur d’éthique de la santé, Theo Boer. « Les Pays-Bas ont eu l’expérience la plus longue. Les patients qui souffrent insupportablement peuvent demander de mettre fin à leurs jours ». Premier pays du monde à avoir légalisé l’euthanasie, ou plutôt l’avoir dépénalisé, les Pays-Bas pose plusieurs conditions pour la réalisation de l’acte. Une demande par écrit doit être effectuée par le patient et celui-ci doit souffrir en raison d’une cause médicale. Cette souffrance doit être « insupportable » et « sans espoir d’amélioration ». Le médecin peut également, s’il le souhaite, activer son droit de retrait pour ne pas pratiquer l’acte. Une nouvelle étape a aussi été franchie aux Pays-Bas en 2023 avec l’autorisation de l’euthanasie pour les enfants de moins de 12 ans pour les mêmes conditions que les personnes majeures.

Le professeur émet tout de même une réserve : « La liberté des uns devient parfois la contrainte des autres », juge-t-il. « J’ai le sentiment qu’un patient doit de plus en plus justifier sa volonté de vivre et de mourir d’une « fin naturelle », plutôt que de recourir à l’aide à mourir ». Mais le Néerlandais se dit lucide : « La mort et donc l’euthanasie est une chose si privée qu’il n’est pas possible de la légiférer entièrement ».

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Fin de vie : le Sénat se nourrit des expériences étrangères
5min

Parlementaire

Canicule : « Les gens ne meurent pas de la chaleur, mais de l’action climaticide du gouvernement », accuse la sénatrice Mélanie Vogel

Durant la séance de questions d’actualité au gouvernement, ce mercredi 2 juillet, l’élue écologiste a accusé le gouvernement de « mener une politique climaticide dictée par l’extrême droite », afin de se maintenir au pouvoir dans un contexte de forte fracturation politique. Alors que la France suffoque depuis plusieurs jours sous une vague de chaleur particulièrement précoce et intense, la ministre Agnès Pannier-Runacher a tenté de faire valoir les adaptations mises en place depuis la canicule de 2003.

Le

Paris : QAG au Senat
6min

Parlementaire

La réforme de l’audiovisuel public revient au Sénat : une planche de salut pour Rachida Dati ?

Après son rejet par l’Assemblée nationale, l’examen de la proposition de loi sur l’audiovisuel public revient en seconde lecture au Sénat à partir du 10 juillet. La ministre de la Culture, qui a fait de cette réforme l’étendard de son action au gouvernement, devrait s’appuyer sur la Chambre haute, dominée par une majorité de centre-droit, pour imposer ses idées, contre une gauche farouchement opposée à ce texte.

Le

SIPA_01219535_000025
1min

Parlementaire

Pesticides : députés et sénateurs trouvent un accord sur la loi Duplomb

Après plusieurs heures de débats en commission mixte paritaire, députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur la proposition de loi controversée du sénateur LR, Laurent Duplomb et du centriste, Franck Menonville qui vise à « libérer la production agricole des entraves normatives », notamment par la réintroduction des pesticides, le néonicotinoïde, l’acétamipride.

Le

France Winter Games launch of the COJOP French Alps 2030
4min

Parlementaire

Alpes 2030 : que contient la loi JO adoptée au Sénat ?

Le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 2030 a été adopté en première lecture au Sénat ce mardi 24 juin. Porté par la ministre des Sports, Marie Barsacq, il prévoit plusieurs adaptations du cadre juridique français afin de garantir le bon déroulement des Jeux. Si le texte a été approuvé largement, certaines mesures inquiètent une partie de la gauche.

Le