Fin de vie : « Si j’étais parlementaire, je ne voterais pas cette loi », déclare Jean Leonetti, auteur du premier texte sur le sujet en 2005

Auditionné par la commission des affaires sociales, l’ancien député Les Républicains, Jean Leonetti s’est dit opposé à la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir, adoptée le 27 mai dernier à l’Assemblée nationale. Il redoute le manque de « garde-fous » et la difficulté de définir le « pronostic vital engagé à court terme ».
Marius Texier

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« Je n’ai pas forcément la réponse à toutes les questions et, dans ce domaine, il vaut mieux avoir des doutes que des certitudes », lance Jean Leonetti dans son propos liminaire. Devant les sénateurs de la commission des affaires sociales, le maire d’Antibes a indiqué être en défaveur de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir du député centriste, Olivier Falorni, adoptée le 27 mai dernier à l’Assemblée nationale. Le texte instaure l’aide à mourir sous couvert de conditions. Le texte crée également un « délit d’entrave » qui punit toute tentative « d’empêchement ou de désinformation » sur l’aide à mourir.

Première loi sur la fin de vie en 2005

Et les propos de l’ancien député pèsent fort dans le débat puisque c’est lui qui a tracé le sillon de la législation autour de la fin de vie en France. En 2005, alors député, Jean Leonetti fait voter, à l’unanimité son texte relatif aux droits des malades et à la fin de vie. Il pose pour la première fois l’interdiction de l’obstination déraisonnable dans le soin d’un malade et offre la possibilité de bénéficier d’un accompagnement de soins palliatifs. Dix ans plus tard, en 2016, la loi « Claeys-Leonetti » crée de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie en autorisant, sur demande du patient, la sédation profonde et continue jusqu’au décès en cas de souffrance insupportable et lorsque le décès est inévitable et imminent. « Les textes de Jean Leonetti ont posé un cadre sur les droits des malades et sur la fin de vie », a salué le président de la commission des affaires sociales, le sénateur Les Républicains Philippe Mouiller.

« La porte ouverte au suicide assisté »

Mais le prolongement du cadre législatif – que certains qualifieraient d’aboutissement – ne convainc pas Jean Leonetti. « Sommes-nous ici dans la conformité de la République », s’interroge-t-il. « On se suicide par liberté ou par désespoir ? Je pense que le suicide est un droit de liberté, on a le droit de se condamner. Mais le suicide est un marqueur négatif d’une société qui peut être la cause d’un manque d’accompagnement des souffrances ». L’ancien député redoute les failles après l’adoption du texte. « Je ne connais pas de garde-fous qui n’aient pas sauté dans les pays où ce type de loi s’applique », a-t-il avancé. Actuellement, plusieurs pays occidentaux comme la Belgique, l’Espagne, l’Autriche, la Suisse ou encore le Canada autorisent l’euthanasie et/ou le suicide assisté. « Dans le cas du Canada, on a enlevé l’obligation de pronostic vital engagé à moyen terme dans la loi ce qui a laissé la porte ouverte au suicide assisté », s’inquiète Jean Leonetti. « On est ainsi passé de 2,5 % de décès par suicide assisté à 7,8 % dans le pays ». En 2023, 15 300 personnes ont eu recours à l’aide médicale à mourir au Canada soit près de 5 % des décès.

« Le pronostic vital engagé à moyen terme, je ne sais pas ce que c’est »

Ce qui inquiète particulièrement l’ancien député, c’est l’instauration du délit d’entrave dans le texte. « Les médecins savent très bien définir ce qu’est un pronostic vital engagé à court terme et, dans ce cas-là, la sédation profonde peut se justifier », juge Jean Leonetti. « En revanche, le pronostic vital engagé à moyen terme, je ne sais pas ce que c’est et cela peut conduire à de nombreuses interprétations comme quelqu’un qui dit que sa vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Avec le délit d’entrave instauré, il ne sera pas possible de s’y opposer ». Selon lui, ouvrir la « porte du temps » conduirait à des « injonctions hypocrites » comme dire au plus « âgé ou au plus handicapé » de quitter la vie plus tôt.

Faire du soin palliatif une véritable discipline

Malgré son opposition au nouveau texte, le cardiologue de profession souhaite tout de même développer les soins palliatifs. « Mon objectif est d’en faire, grâce aux évolutions de la science, une véritable discipline », annonce-t-il. « Je souhaite qu’il y ait toujours ce dialogue et ce doute. Nous devons nous fixer comme objectif que personne, dans les dernières semaines de sa vie, n’ait à souffrir. Le palliatif doit permettre cela ».

Après son adoption à l’Assemblée, le texte devrait être inscrit à l’ordre du jour du Sénat à l’automne prochain.

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