Financement de la défense : « L’idée que l’on puisse sacrifier le service public ou demander des efforts supplémentaires au monde du travail, c’est hors de question », estime Ian Brossat 

Invités de Parlement Hebdo, le sénateur communiste Ian Brossat et la députée EPR Constance Le Grip ont livré leurs différences de points de vue sur l’augmentation du budget de la défense. Les parlementaires ont également rappelé leurs divergences sur la proposition de résolution adoptée à l’Assemblée nationale proposant d’utiliser les avoirs russes gelés.
Henri Clavier

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Alors que les négociations pour la conclusion d’un cessez-le-feu en Ukraine se poursuivent, les parlementaires se montrent prudents, conscients que Vladimir Poutine cherche à imposer ses conditions. « Je ne suis pas sûre d’entendre dans les propos récents de Vladimir Poutine un accord en faveur d’un cessez-le-feu », déclare Constance Le Grip. La députée Ensemble pour la République alerte sur les « diktats » du président russe. Une inquiétude partagée par le sénateur communiste Ian Brossat : « Il ne faudrait pas que cette perspective de cessez-le-feu se fasse au prix d’une humiliation de l’Ukraine et d’un non-respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ». Face à cette situation internationale indécise, les deux parlementaires partagent l’idée d’un renforcement de l’autonomie stratégique de l’Union européenne sans être alignés sur les moyens pour y parvenir. 

« Il y a besoin d’une autonomie stratégique de l’Union européenne » 

« Bien sûr qu’il y a besoin de se réarmer. En voyant l’attitude nouvelle des Etats-Unis, il y a besoin d’une autonomie stratégique de l’Union européenne », explique Ian Brossat. Néanmoins, le sénateur de Paris estime que pour créer les conditions d’une autonomie stratégique, il faut s’assurer de « notre capacité à disposer d’une industrie militaire nous-même ». Le communiste pointe notamment la dépendance des Européens au matériel militaire américain qui représente 60 % des dépenses de défense des pays de l’Union européenne. « On peut faire de grandes phrases sur notre souveraineté, si dans le même temps on laisse filer notre industrie et notamment celle qui est indispensable pour pouvoir nous réarmer, ça renvoie à une contradiction majeure dans le discours du président de la République », tacle Ian Brossat. 

« Au contraire, il y a beaucoup de cohérence, de constance et d’opiniâtreté dans les choix stratégiques et industriels faits par la France », réplique Constance Le Grip qui rappelle que les deux lois de programmation militaire adoptées depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron ont permis de faire passer le budget de la défense de 32,3 milliards en 2017 à 50,5 milliards en 2025. Malgré cette dynamique, l’exécutif plaide désormais pour une nouvelle augmentation des dépenses militaires. Une fois de plus le financement de ces dépenses divise. Alors que Constance Le Grip rejette l’idée d’une « taxe Ukraine », Ian Brossat estime que ce n’est pas aux travailleurs de financer ces augmentations. « L’idée que l’on puisse sacrifier le service public ou demander des efforts supplémentaires au monde du travail, c’est hors de question », martèle le sénateur communiste. 

Utilisation des avoirs russes : « Il faut envoyer des messages forts à la Russie. Ça fait partie des leviers de pouvoir » 

Des sujets sur lesquels les parlementaires ont eu l’occasion de se diviser cette semaine lors d’un débat à l’Assemblée nationale sur une proposition de résolution sur le soutien à apporter à l’Ukraine. La résolution a été adoptée malgré l’opposition de LFI et du groupe communiste et l’abstention du RN. La question de l’utilisation des avoirs russes gelés a notamment été au centre des débats. « Il faut envoyer des messages forts à la Russie. Ça fait partie des leviers de pouvoir et d’expression que nous pouvons brandir face à l’agresseur russe », explique Constance Le Grip, favorable à une utilisation des avoirs russes pour financer le soutien militaire à l’Ukraine. Un point sur lequel une partie de la gauche s’est montrée sceptique. « Je préfère qu’on finance cet effort de guerre en utilisant ces avoirs plutôt qu’en demandant des efforts supplémentaires aux Français », assure Ian Brossat qui précise néanmoins que « ce sont les ministres eux-mêmes qui expliquent que c’est impossible ».

Par ailleurs, le groupe communiste pointe la mention du soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne pour justifier son opposition à la résolution. « Ça pose la question du dumping social. Quand vous faites entrer un pays qui a un salaire minimum de 200 euros, ça a inévitablement des conséquences », alerte le communiste. Un « prétexte » pour Constance le Grip qui rappelle que l’adhésion à l’Union européenne doit respecter des critères stricts et prend plusieurs années. La Croatie, dernier pays à avoir rejoint l’UE, a mis 10 ans avant de pouvoir intégrer l’Union. « C’est une candidature que la France soutient et accompagne », rappelle la députée Ensemble pour la République.

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