Financiarisation du football : « Nous n’avons pas le droit d’intervenir dans le choix du fonds d’investissement retenu par la ligue », assure le conseiller sport de l’Elysée

La commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football a auditionné mercredi, Cyril Mourin, conseiller sport de l’Elysée. Les élus ont souhaité connaitre son implication dans l’accord très contesté, conclu entre la Ligue de football professionnel (LFP) et le fonds d’investissement CVC en 2022.
Simon Barbarit

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L’audition ne partait pas sous les meilleurs auspices. La commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football avait décidé de convoquer, Cyril Mourin, conseiller chargé du sport, des jeux olympiques et paralympiques 2024, de l’engagement associatif et de la jeunesse auprès du Président de la République. Mais durant les premières minutes de l’audition, le conseiller du président de la République s’est retranché derrière l’article 67 de la Constitution, pour n’apporter que des réponses laconiques. « Mon audition ne peut avoir pour but de mettre en cause les actions engagées en qualité et au titre de ma fonction de conseiller du Président, car cela pourra revenir à contourner le principe de la séparation des pouvoirs. Je me trouve dans l’impossibilité de faire état directement ou indirectement de la façon dont le chef de l’Etat prend ses décisions », a-t-il prévenu, reprenant un argument souvent mis en avant par les membres du cabinet d’Emmanuel Macron devant la commission d’enquête Benalla.

Cyril Mourin est en poste depuis 2017, soit une période qui intéresse particulièrement la commission. En 2020, la crise sanitaire conjuguée à la défaillance du diffuseur du championnat, Mediapro, précipite la ligue professionnelle de football (LFP) dans l’inconnu. « Au niveau macroéconomique, c’est une perte de 1,8 milliard d’euros », avait chiffré le président de la LFP, Vincent Labrune devant les sénateurs en 2021.

C’est à cette période qu’a été élaborée la proposition de loi visant à démocratiser le sport. Un texte adopté en 2022 et qui a autorisé la LFP à créer une filiale pour commercialiser les droits audiovisuels des championnats professionnels, à la condition que la ligue conserve au minimum 80 % du capital de cette société. La même année, pour 1,5 milliard d’euros, LFP Media, la nouvelle filiale chargée de commercialiser les droits TV des championnats professionnels de football en France (Ligue 1 et Ligue 2) a cédé « définitivement » 13 % de ses parts à CVC, un fonds d’investissement luxembourgeois.

Les conditions de cet accord, d’apparence déséquilibré, sont au cœur des investigations des sénateurs. Il y a quelques semaines, le parquet national financier (PNF) a également ouvert une enquête préliminaire. Et les auditions précédentes ont mis l’accent sur l’implication de l’Elysée dans le choix par la ligue du partenaire CVC.

« Les informations de la Lettre A ne sont pas toujours justes »

Comme il l’avait fait lors de l’audition de l’ancienne ministre des Sports, Roxana Maracineanu, le président du groupe PS, Patrick Kanner a interrogé Cyril Mourin au sujet d’un article de la Lettre A, daté de 2022, faisant état d’un arbitrage de l’Elysée, précisément d’Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, dans l’entrée de CVC au capital de la filiale. Ce à quoi l’ancienne ministre avait répondu : « Ça ne me surprend pas vu la situation d’urgence dans laquelle la ligue se trouvait à ce moment-là ».

Et peut-être parce qu’il fut, avant d’arriver à l’Elysée, le directeur-adjoint de cabinet de Patrick Kanner, lorsque ce dernier était ministre de la Ville de la Jeunesse et des Sports, Cyril Mourin est sorti de sa réserve pour répondre franchement. « La Lettre A écrit aujourd’hui que j’ai été appelé par M. Lafon (le président de la commission d’enquête) sur les conditions de mon audition. Il pourra vous confirmer que ce n’est pas le cas. Tout ça pour vous dire que les informations de la Lettre A ne sont pas toujours justes. Et dans ce cas d’espèce, elles ne le sont pas du tout ». Il poursuit. « L’Etat n’a pas à donner d’avis sur le choix du fonds d’investissement. Nous n’avons pas d’avis à donner et on ne nous a pas fait la demande d’en avoir. Donc, j’infirme cette information », maintient-il avant d’insister. « Il n’y a aucune forme de doute qui doit exister sur l’implication personnelle que j’aurais pu avoir sur ce sujet. Nous n’avons ni la compétence, ni le droit d’intervenir dans le choix du fonds finalement retenu par la ligue ».

« Je ne vois pas en quoi il y a eu un interventionniste singulier sur ce sujet »

Le rapporteur LR, Michel Savin a lui aussi insisté en citant un extrait du livre « Main basse sur l’argent du foot français », de Christophe Bouchet, ancien PDG de l’OM, également auditionné par la commission d’enquête, ces derniers jours. « Il vous désigne comme l’un des interlocuteurs privilégiés de Vincent Labrune sur ce dossier. Il écrit que plusieurs personnes seraient intervenues sur cette proposition de création de société commerciale. Notamment le conseiller sport de l’Elysée. Certains conseillers incitent même la ministre à écouter la commande passée d’en haut », cite le sénateur.

« L’avis de l’Elysée, de Matignon et des différents ministères concernés sur ce sujet ont été assez convergents. Je ne vois pas en quoi il y a eu un interventionniste singulier sur ce sujet », a-t-il répondu.

Enfin au sujet de la répartition entre les clubs de l’investissement de CVC qui se fait selon des tranches définies en fonction du prestige sportif des clubs qui est aussi contesté en justice, notamment par le club du Havre, Cyril Mourin rappelle que ce « n’est pas le rôle de l’Etat de regarder dans les détails la manière dans laquelle les décisions sont prises au sein de la ligue […] Il y a dans écosystème du foot professionnel français des jeux d’acteurs. Je ne sais pas, dans cet écosystème, qui a intérêt à attaquer tel ou tel autre ».

 

 

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