C’est l’un des sujets sensibles du projet de loi de finances (PLF) 2026. Alors que le gouvernement a prévu dans le PLF de fiscaliser les indemnités journalières pour les affections de longue durée (ALD), comme les personnes atteintes de cancer, de la maladie d’Alzheimer ou de la sclérose en plaques, le Sénat a voté un amendement de la sénatrice UDI, Nathalie Goulet, qui exonère de moitié les indemnités journalières, en cas d’arrêt maladie. Une forme de compromis, face à la polémique suscitée par la mesure. A l’Assemblée, les députés avaient adopté un amendement LFI visant à supprimer la fiscalisation.
« L’état du droit prévoit une exonération totale des indemnités journalières (IJ) versées aux personnes ayant une affection de longue durée (ALD). Le PLF 2026 prévoit la fiscalisation de l’ensemble de ces IJ. Le présent amendement propose un compromis entre ces deux régimes fiscaux. Il prévoit d’exonérer à hauteur 50 % les IJ pour les ALD, au titre de l’impôt sur les revenus, afin de s’aligner sur les IJ associées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles (AT-MP) », fait valoir l’amendement.
« On entend bien les réserves autour de ça », soutient Roland Lescure
« Les personnes qui souffrent d’une ALD sont effectivement des personnes fragiles qui peuvent être sujettes à des arrêts maladie, parfois plus nombreux », a souligné le rapporteur général, le sénateur LR Jean-François Husson, qui « attire néanmoins l’attention sur le coût croissant de cette exonération, qui est passée de plus de 400 millions d’euros en 2020 à plus de 600 millions en 2025, avec une hausse de 38 % en 5 ans. Avec l’allongement de la durée de la vie et le nombre d’ALD qui va croissant, c’est une tendance qui va se poursuivre en s’accroissant », a souligné le rapporteur. Il a cependant donné un avis de sagesse sur l’amendement de Nathalie Goulet, « qui propose d’exonérer de 50 % les indemnités journalières pour les personnes souffrant d’une ALD ».
Le ministre de l’Economie, Roland Lescure, a pour sa part donné un avis « favorable », se montrant à l’écoute des critiques. « Sur les indemnités journalières, j’entends bien qu’il y a un débat particulier. Le gouvernement considérait, et considère, que la taxation à l’impôt sur le revenu de revenus de remplacement aux revenus du travail, a du sens et une certaine logique », a-t-il commencé, avant d’ajouter : « On entend bien les réserves autour de ça. C’est pourquoi j’ai un avis favorable à l’amendement qui vise à fiscaliser à 50 % ces revenus de remplacement ».
« Invraisemblable que le gouvernement décide de faire des économies sur le dos des plus souffrants »
La gauche s’est quant à elle montrée extrêmement critique sur la volonté du gouvernement. « Il est invraisemblable que le gouvernement décide de faire des économies sur le dos des plus souffrants de notre société », a dénoncé le socialiste Thierry Cozic, pour qui « s’en prendre aux maladies graves et chroniques pour faire des économies est une ligne rouge ».
« Ce que vous faites là, c’est de l’indécence. Dire qu’on va fiscaliser des maladies de longue durée, alors qu’on a refusé de taxer les plus grandes entreprises, ce n’est pas possible. Ce n’est pas entendable », a dénoncé avec force Guillaume Gontard, président du groupe écologiste.
« On ne sait plus ce qu’est un mort. On ne sait plus ce qu’est une perspective de deuil, dans une famille. On fait des comptes »
D’un ton posé et grave, le sénateur communiste, Gérard Lahellec, a regretté qu’il n’y ait « plus de discernement dans notre vie publique. On fait des comptes. On refait des comptes. On ne sait plus ce qu’est une ALD, on ne sait plus ce qu’est un mort. On ne sait plus ce qu’est une perspective de deuil, dans une famille. On fait des comptes », dénonce froidement le sénateur des Côtes-d’Armor, « choqué qu’on puisse mettre à contribution les ALD ». Il conclut : « On me dira qu’on n’est pas là pour faire du sentiment. Mais on est là pour faire de l’humain, car c’est notre raison d’être ».
Les sénateurs ont rejeté plusieurs amendements de suppression de la mesure. Lors du scrutin public (voir le détail ici) sur ces amendements, demandé par le groupe PS, le groupe LR a voté contre la suppression, à l’exception de 4 sénateurs (Bruno Belin, Marie-Claire Carrère-Gée, Stéphane Piednoir et Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes). 49 membres du groupe centriste ont voté contre, 10 ont voté pour, dont Annick Billon, l’ancienne ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon (Renaissance), Edouard Courtial, Franck Dhersin ou Bernard Delcros.