Handicap : le Sénat refuse de supprimer le vote par « assis et levé », la gauche dénonce une « stigmatisation accrue »
La majorité sénatoriale de droite et du centre a rejeté des amendements PS et écologistes visant à supprimer le vote « assis/debout », préférant trouver une solution, comme « demander » son vote au sénateur qui ne peut pas se lever. Une procédure « pas tolérable », dénonce le socialiste Eric Kerrouche, qui y voit « une nouvelle stigmatisation ». « Adaptons-nous à tout type de handicap » par « une solution réactive », a rétorqué la centriste Sylvie Vermeillet.
Dans la nuit de mardi à mercredi, les sénateurs ont siégé très tard, jusqu’à deux heures du matin. Ce qui a mobilisé les élus de la Haute assemblée, c’est la proposition de résolution visant à modifier le règlement intérieur de la maison. Un texte déposé par le président LR du Sénat en personne, Gérard Larcher, cosigné par la vice-présidente centriste de la Haute assemblée, Sylvie Vermeillet, qui a planché sur cette réforme depuis un an.
Les sénateurs ont ainsi adopté de nombreuses modifications à leur règlement, dont l’interdiction des cadeaux de plus de 150 euros émanant d’un lobby (lire notre article pour plus de détails sur les mesures). Mais rien sur les modalités de vote. Comme attendu, ils ont rejeté les amendements PS et écologistes pour supprimer le scrutin public, qui permet à un sénateur de voter pour l’ensemble de son groupe. Un amendement rejeté par… scrutin public.
« Rayer du règlement du Sénat tout terme et mesure discriminatoires et stigmatisants »
La majorité sénatoriale de la droite et du centre a également rejeté des amendements socialistes et écologistes visant à supprimer le vote dit « assis/debout ». Lorsque le vote à main levée est incertain, le président de séance peut demander de faire un « assis/debout », pour mieux faire le décompte des voix. Mais pour la gauche, ce vote revient à stigmatiser les personnes en situation de handicap qui ne seraient pas en capacité de se lever. Une suppression du vote assis/debout déjà adoptée par les députés, le 12 mars dernier.
La sénatrice PS, Marie-Pierre de la Gontrie, a défendu son amendement pour « rayer du règlement du Sénat tout terme et mesure discriminatoires et stigmatisants, en supprimant la mention de vote par assis et levé, lors des scrutins organisés dans cet hémicycle ». « Depuis 2005, nous avons une loi censée permettre la plus grande accessibilité aux personnes handicapées à l’ensemble des fonctions et évidemment aux fonctions électives. L’Assemblée nationale s’est saisie du sujet à l’initiative de Sébastien Peytavie et de Yaël Braun-Pivet et cette suppression de la mesure du vote assis/levé a été votée à l’unanimité de l’Assemblée », souligne la sénatrice socialiste de Paris.
Le sénateur écologiste Thomas Dossus, dont le groupe a proposé plutôt « de remplacer le vote assis/début par un vote électronique », c’est un enjeu « d’égalité et de dignité », défendant « un amendement de modernité ».
« On ne peut pas supprimer chaque mode de vote, chaque moyen, en fonction de l’incapacité qu’on pourra avoir »
La rapporteure du texte, la sénatrice LR Muriel Jourda, également présidente de la commission des lois, s’est opposée à la suppression du vote assis/debout. Elle a plutôt défendu son propre amendement, qui propose que « sur invitation du président de séance, un sénateur, qui serait empêché, vote de la façon qui semblerait la plus appropriée. Parfois, c’est simplement le fait de demander et qu’il réponde », a soutenu la sénatrice du Morbihan.
La sénatrice LR a pointé « une confusion entre le but et les moyens » de la part de la gauche. « Le but, c’est de pouvoir voter, pour quelque sénateur que ce soit, quel que soit son état physique et son handicap », soutient Muriel Jourda, « et on ne peut pas supprimer chaque mode de vote, chaque moyen, en fonction de l’incapacité qu’on pourra avoir, même temporairement, pour un collègue ». « Imaginons quelqu’un qui tombe, se luxe les deux épaules, a les deux bras immobilisés. Est-ce qu’on va supprimer le vote à main levée pour autant ? » demande la rapporteure, qui conclut :
Le but est de voter. Et les moyens sont divers.
Muriel Jourda, présidente LR de la commission des lois.
Quant aux accusations de procédé discriminant, elle réplique qu’elle « travaille depuis des années avec un élu du Morbihan qui est en fauteuil roulant. Je ne l’ai jamais entendu demander qu’on ne puisse pas faire quelque chose au motif qu’il ne pouvait pas, qu’il était offensé que nous marchions, parce que lui ne peut plus marcher ».
Les sénateurs de gauche « accablés » et « consternés »
Une réponse de Muriel Jourda qui a suscité une levée de boucliers à gauche. « Je suis accablé par votre position. Si vous ne vous rendez pas compte qu’à travers la procédure et le dispositif que vous mettez en place, vous créez une nouvelle stigmatisation, je vous le dis très tranquillement, c’est assez triste », s’est énervé le sénateur PS, Eric Kerrouche, qui ne comprend « pas pourquoi on vote sur ça à l’unanimité à l’Assemblée, et ici, ça pose un problème ». Et d’insister : « C’est une solution qui ne met pas tout le monde au même niveau et qui, en ce sens, n’est pas tolérable ».
« Je suis consterné aussi car on a les 20 ans de la loi de 2005 » sur le handicap, regrette à son tour Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, qui dénonce « une solution absolument pas acceptable et à l’inverse de toutes les notions d’inclusion ».
Le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, n’a en revanche pas soutenu les amendements de ses collègues socialistes et écologistes. « En tant que vice-président du Sénat, quand on préside la séance, je peux vous assurer que la procédure dite assis/levé est très utile pour réveiller l’hémicycle, ce qui permet, quand plus personne ne lève la main, de rappeler aux collègues qu’il faut faire un geste pour exprimer le vote ». Le sénateur PCF des Hauts-de-Seine préconise plutôt d’« utiliser une formule simple, « que ceux qui peuvent se lever, se lève ». Dans les matchs de rugby, c’est la formule qui est utilisée par le speaker ». Le groupe communiste s’est abstenu ensuite lors du vote sur l’amendement.
« Nous saurons que la droite du Sénat ne veut pas supprimer une mesure discriminante dans son règlement » dénonce Marie-Pierre de la Gontrie
Le débat continue et le sénateur PS de Moselle, Michaël Weber, maintient qu’il s’agit d’« une stigmatisation accrue, car il faudra que la personne en situation de handicap manifeste son handicap pour pouvoir voter. Ce n’est pas acceptable ».
Sa collègue socialiste, Marie-Pierre de la Gontrie, revient alors à la charge et vise les LR. « Vous refusez de supprimer cette mention. Ça veut dire que dans les jours qui viennent, nous saurons que la droite du Sénat ne veut pas supprimer une mesure discriminante dans son règlement, là où l’Assemblée, dans une unanimité assez rare, vous en conviendrez, a su le prononcer », a pointé du doigt Marie-Pierre de la Gontrie, avant d’ajouter :
Je suis contente que vous soyez nombreux car finalement, ça vous donne un certain courage de grommeler chacun dans votre coin. Assumez ce que vous êtes en train de faire.
Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice PS de Paris.
« On pourrait avoir demain un parlementaire sourd ou muet, il faudra bien qu’on s’y adapte, c’est le sens de l’amendement » souligne Sylvie Vermeillet
Pour clore les débats, Sylvie Vermeillet est venue à la rescousse de l’amendement de Muriel Jourda. « Vous parlez beaucoup de stigmatisation. Mais justement, ne stigmatisons pas le seul handicap de ne pas pouvoir se lever. Dans l’ouverture d’esprit qu’on doit avoir ici, il s’agit justement d’essayer de s’adapter à tout type de handicap, qui soit permanent ou temporaire », avance la sénatrice du Jura, évoquant le cas « d’une collègue dans notre groupe, qui s’est fait mal au ski, et qui ne pouvait pas utiliser ses bras. C’était un handicap temporaire, mais le assis/debout ne pouvait pas subvenir à cette situation ».
« Aucun handicap n’empêche quelqu’un d’être parlementaire. On pourrait avoir demain un parlementaire sourd ou muet, il faudra bien qu’on s’y adapte. C’est le sens de l’amendement que la rapporteure présente. Soyons beaucoup plus large et adaptons-nous à tout type de handicap. On n’a peut-être pas la réponse technique, je suis d’accord, pour tous les handicaps, mais dans l’esprit de l’amendement, c’est de trouver une solution réactive qui s’adapte à tous types de handicap. C’est pourquoi je crois que c’est la bonne mesure ». L’amendement du PS a été rejeté par 206 voix contre 114. Les groupes LR, Union centriste et Les Indépendants ont voté contre, les groupes PS, écologistes, RDPI (Renaissance) et RDSE ont voté pour. Le groupe communiste s’est abstenu. Les sénateurs RN n’ont pas pris part au vote.
Ce vendredi, le sénateur socialiste Alexandre Ouizille était l’invité de la matinale de Public Sénat. Rapporteur de la commission d’enquête sur le scandale des eaux en bouteille qui met en cause le groupe Nestlé Water, le sénateur estime qu’il n’est « plus possible de commercialiser » les eaux Perrier comme des « eaux minérales naturelles ».
Le rapport d’information sur les conséquences de la fermeture de la pêche un mois par an dans le golfe de Gascogne entre 2024 et 2026 a été publié le 9 avril. Les sénateurs préconisent plusieurs mesures pour concilier la protection des dauphins et le retour de la pêche.
Après l’annonce d’Emmanuel Macron, dans une interview accordée à C à Vous le 8 avril dernier, d’une reconnaissance de la Palestine en juin prochain, le sénateur Les Républicains, Roger Karoutchi, a adressé une lettre ouverte, signée par 107 sénateurs, au président de la République estimant que « les conditions ne sont pas remplies pour cette reconnaissance ».
Dans une assemblée sans majorité nette, la fixation du calendrier parlementaire est devenue un exercice périlleux. Avant la coupure de l’été, quelques textes seront cependant examinés par le Sénat et l’Assemblée nationale. La tenue d’une session parlementaire en juillet et en septembre reste encore incertaine.
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