Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Immigration : Bruno Retailleau écrit aux députés LR pour faire le service après-vente de la version sénatoriale du texte
Par François Vignal
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Le texte n’est pas encore adopté par le Sénat, mais Bruno Retailleau pense déjà à son examen à l’Assemblée. L’accord conclu au sein de la majorité sénatoriale sur les régularisations dans les métiers en tension ouvre en effet la voie à son adoption par la Haute assemblée, au prix d’un sérieux durcissement de l’ensemble du texte.
Si la recherche d’un compromis avec les centristes a été périlleuse, obtenir le soutien des députés LR au fruit du compromis issu du Sénat le sera tout autant. C’est pourquoi le président du groupe LR du Sénat a écrit ce mercredi aux à ses collègues de l’Assemblée pour faire le service après-vente de la version sénatoriale du projet de loi.
« Je sais bien que nous sommes des opposants résolus à Emmanuel Macron »
« J’affirme, en conscience, que le texte qui sera voté par le Sénat est un texte de droite, faisant clairement le choix de la fermeté migratoire » écrit Bruno Retailleau, dans ce courrier que publicsenat.fr a pu consulter. Le texte « devra évidemment être complété par notre proposition de révision constitutionnelle », ajoute-t-il. Elle sera examinée début décembre au Sénat.
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« Nous avons donc, collectivement, l’opportunité d’être dans les prochaines semaines l’aiguillon d’une reprise en main de la politique migratoire », lance le patron de sénateurs LR. « Je sais bien que nous sommes des opposants résolus à Emmanuel Macron et qu’à ce titre, ni vous ni moi ne souhaitons être associés à sa politique. Mais la réalité, c’est que le texte qui va sortir du Sénat ne sera plus celui du gouvernement, mais celui de parlementaires de droite qui l’ont profondément modifié. Tous les artifices de communication du gouvernement ne changeront pas cette réalité », soutient Bruno Retailleau, anticipant les réactions des députés LR.
« Le texte voté par le Sénat sera conforme aux idées que notre famille politique a toujours défendues »
« Le texte voté par le Sénat sera conforme aux idées que notre famille politique a toujours défendues, et notamment depuis qu’avec Eric Ciotti et Olivier Marleix, nous avions défini le projet migratoire de notre parti », insiste le sénateur de Vendée, qui souligne que comme les LR s’y étaient « engagés », « les article 3 et 4 seront supprimés. Cela signifie que toute idée de régularisation automatique est écartée ». « Sur les régularisations au cas par cas déjà effectuées par les préfets, et que personne dans notre parti ne souhaite remettre en cause, nous avons même considérablement durci les conditions d’application de la circulaire Valls », rappelle le président de groupe.
« Autrement dit, d’un texte qui prévoyait des régularisations massives, nous parvenons à un texte qui les limite considérablement, bien au-delà de la législation actuelle », conclut Bruno Retailleau, qui ajoute, « surtout », les autres mesures comme « la suppression de l’AME, le rétablissement du délit de séjour irrégulier » ou « le durcissement des conditions de regroupement familial ». Et histoire de rassurer les députés, il assure dans sa missive qu’« en commission mixte paritaire », « les sénateurs LR refuseront de valider le texte s’il ne correspond pas aux exigences formulées par le Sénat ».
« Je n’ai pas eu d’engueulade » avec Eric Ciotti
« Que nos amis se rassurent. Il y a un long chemin. Et je voudrais simplement redire, blanchi sous le harnais, que la fabrique de la loi, c’est un match à plusieurs manches. Il y a une manche au Sénat, il y a une manche à l’Assemblée et une en CMP », insiste ensuite Bruno Retailleau auprès des journalistes, dans les couloirs du Sénat. S’il a tenu une ligne dure sur le texte pendant des semaines, il rappelle aujourd’hui qu’au Sénat, « notre ligne, c’est celle d’une opposition, mais d’une opposition d’intérêt général », assurant ne pas avoir « de réflexe pavlovien. Je ne suis pas dans la posture ». Quant à savoir si les députés LR vont suivre, Bruno Retailleau explique avoir « eu Eric Ciotti hier matin, ce matin. On communique. Je lui ai expliqué. Et je n’ai pas eu d’engueulade. Il a compris quel était le sens » du compromis. C’est un début.