Immigration : le Sénat fait sauter la plupart des « protections » qui empêchent de prononcer une OQTF

La Chambre haute examine depuis lundi le projet de loi immigration. Les sénateurs ont adopté jeudi 9 novembre, en fin de journée, un amendement de Bruno Retailleau, le chef de file des élus LR, qui accorde à l’administration une plus grande latitude pour émettre des obligations de quitter le territoire (OQTF).
Romain David

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Les sénateurs continuent d’examiner le volet restrictif du projet de loi immigration. Après avoir adopté ce jeudi après-midi l’article 9, qui assouplit le régime de protection contre les expulsions, ils se sont attaqués, à travers l’article 10, aux protections qui font barrière aux obligations de quitter le territoire français, les fameuses « OQTF ». À la différence de l’expulsion, prononcée face à des situations particulièrement graves, notamment les cas d’atteinte à la sûreté de l’Etat, l’obligation de quitter le territoire, prononcée par le préfet, sanctionne plutôt le refus de titre de séjour ou un séjour irrégulier. L’étranger concerné dispose de 30 jours pour quitter la France par ses propres moyens.

L’article 10 du projet de loi propose une sorte d’entre-deux entre l’expulsion et les obligations de quitter le territoire, puisqu’il autorise l’émission d’une OQTF à l’encontre d’une personne protégée, lorsque son comportement « constitue une menace grave pour l’ordre public ». Mais peuvent aujourd’hui échapper à l’émission d’une OQTF les étrangers qui ont développé des liens particuliers avec la France : par exemple ceux mariés avec une personne de nationalité française, les parents de mineurs français ou encore ceux qui vivent sur le territoire depuis au moins 10 ans.

« Une règle affaiblie à force d’avoir été trouées par les exceptions »

C’est à ces dispositions qu’a voulu s’attaquer Bruno Retailleau, le président des sénateurs LR, avec un amendement faisant directement sauter les différentes protections existantes, à l’exception de celles qui concernent les mineurs. Le Vendéen a dénoncé « une règle affaiblie à force d’avoir été trouée par ces exceptions relatives et absolues ». Il a estimé que l’administration se trouvait aujourd’hui dans une situation paradoxale, incapable de tirer les conséquences d’un séjour irrégulier. L’objectif de son amendement : accorder aux préfets une plus grande marge de manœuvre pour apprécier les situations individuelles.

La commission des lois s’est autorisée à « sous-amender » la modification proposée, en apportant quelques précisions sur la procédure, afin de prévenir tout risque d’inconstitutionnalité. Ce qui n’a pas suffi à convaincre le gouvernement, qui a émis un avis défavorable, estimant que la copie du Sénat allait à l’encontre d’un avis du Conseil d’Etat. L’amendement de Bruno Retailleau, valant adoption de l’ensemble de l’article 10 qu’il réécrit, a finalement été adopté avec 204 voix pour et 112 contre.

Partager cet article

Dans la même thématique

Senat- Questions au gouvernement
8min

Parlementaire

Texte narcotrafic, loi Duplomb sur l’agriculture, PPL Gremillet sur le nucléaire : comment le gouvernement s’appuie sur le Sénat pour légiférer

Faute de majorité claire et sûre à l’Assemblée, le gouvernement ne dépose quasiment plus de projets de loi. Il mise plutôt sur les propositions de loi, d’origine parlementaire. Et dans ce contexte, le Sénat tire son épingle du jeu. L’exécutif peut compter sur la majorité sénatoriale, dont il est proche.

Le

L’hémicycle de l’Assemblée nationale
8min

Parlementaire

« On se demande ‘à quoi sert-on ?’ » : retour sur une année parlementaire inédite, qui a démoralisé les élus

Avec l’arrivée à Matignon de François Bayrou, les parlementaires ont vu cette année l’exercice de leurs fonctions profondément modifié. Très peu de projets de loi, issus du gouvernement, et pléthore de propositions de lois, rédigées par un député ou un sénateur, dont l’impact n’est pas évalué a priori. Une situation inédite dans l’histoire de la Ve République, qui a démotivé et démobilisé les élus, et interroge sur le rôle du Parlement dans la période.

Le

FRANCE : Nestle waters scandal Perrier.
8min

Parlementaire

Nestlé Waters éclaboussé par le scandale des eaux en bouteille : retour sur la commission d’enquête du Sénat

Les enquêtes du Sénat – Retour sur le scandale Nestlé Waters, avec la commission d’enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille. À côté du travail législatif, les sénateurs remplissent aussi une mission de contrôle de l’action du gouvernement. À l’occasion de la pause estivale, Public Sénat se replonge dans les commissions d’enquête parlementaire qui ont marqué la session écoulée.

Le